Octobre - Chapitre 34

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Depuis quelques jours, Natacha est étrange. Ana la trouve tour à tour distante ou très tendre, souvent elle rôde autour d'elle, quand elle corrige, quand elle cuisine, et lorsqu'Ana lui demande : tu veux quelque chose, ma chérie ? l'ado répond non non, et va s'enfermer dans sa chambre. Son âme de maman lui dit qu'il se passe quelque chose, mais à chaque fois qu'elle interroge sa fille, celle-ci répond par la négative. Elle décide même d'en parler à Xavier. Elle le prévient en avance, et le premier jeudi d'octobre, lorsqu'il passe chercher sa fille, Ana lui offre un café, profitant que la jeune termine de préparer ses affaires.

— Alors, que se passe-t-il, un problème avec Nat ? demande-t-il, en essuyant ses lunettes.

— Je ne sais pas, je la trouve bizarre en ce moment.

— Mais bizarre, c'est pas le mot qui définit une ado normale ?

Ana sourit à sa boutade, en relevant mentalement que l'humour a toujours été un moyen de camoufler une situation qui le met mal à l'aise.

— Plus que ça, insiste la maman. J'ai toujours l'impression qu'elle veut me dire quelque chose, mais qu'elle n'arrive pas à me l'annoncer.

— Tu crois ? demande Xavier d'une voix étouffée.

— Oui, s'agace Ana. Et à la manière dont tu transpires, je vois que tu sais de quoi il s'agit. Je peux savoir, s'il te plaît, ce que ma fille me cache, à moi, mais pas à toi ?

— On attendait juste le bon moment... J'ai rencontré quelqu'un, Ana, et Nat est au courant depuis quinze jours.

— Merveilleux. Et tu pensais m'en parler un jour ?

— On attendait juste le bon moment... répète-t-il bêtement.

— J'ai compris, réplique Ana avec humeur. Je sais bien que tu as une femme dans ta vie. Clara, c'est ça ? Je ne suis pas idiote. Juste, je trouve ça nul de demander à Natacha de me le cacher.

— Je suis désolé, murmure-t-il en baissant les yeux sur sa tasse vide.

— Mouais. Allez, fait-elle en se levant pour signifier la fin de l'entrevue, je suis soulagée que ce ne soit que cela. Et je suis heureuse pour toi. Sincèrement.

— Et toi, tu as ... ?

— Non. Nat ? Allez, papa t'attend !

— Et euh, Ana... dans deux semaines c'est les vacances...

— Prends la semaine que tu veux, de toute façon je n'ai rien de prévu.

Une immense mélancolie envahit Ana, une fois la porte de son appartement refermée. Elle se dirige droit vers son frigo, et en sort directement la bouteille qu'elle pose sur la table basse du salon. Au chaud sous son plaid, elle enchaîne les verres, persuadée que ce n'est pas bien grave, son erreur la dernière fois c'était d'avoir invité la vodka à la fête, tant que ce n'est que du vin, ce n'est pas un problème. D'ailleurs, le vin c'est bon pour la santé, non ? Bon, peut-être pas quatre verres, mais ce n'est pas comme si elle picolait tous les jours, d'ailleurs elle n'est pas saoule, à peine pompette, juste de quoi endormir un peu les tristes pensées qui l'assaillent.

En toute franchise, elle est contente pour son ex-mari. Ils n'ont pas été très heureux ensemble, il a le droit à l'amour et au bonheur maintenant. C'est juste qu'elle aussi, elle aimerait bien sa part.

Si la nouvelle du nouveau couple a fichu un coup à Ana, elle en a aussi été grandement soulagée. Quelque part, ce n'était « que » ça, quand elle craignait une histoire de racket, harcèlement, ou notes qui dégringolent.

La tranquillité est de courte durée. Quand, le lundi soir, Natacha rentre, Ana a préparé de la pizza quatre fromages, un des plats préférés de sa fille, et, pour être sûre de ne pas être tentée, n'a pas remis de bouteille de blanc au frais. Elles trinqueront au coca, soir de fête.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant