CHAPITRE XIII.

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              UNE CHANCE ?

   - Bonjour, Connie. Tu es bien matinale.

   - Et c'est tout !? lui rétroqua-t-elle d'un ton impatient faisant sourdre une violente colère contenue avec grande peine.

    Décidément, la jeune femme devait s'être levée du mauvais pied !

    - Que se passe-t-il, Connie ? Tu es sur un article qui te donne du fil à retordre et tu cherches à passer tes nerfs sur quelque chose ou... quelqu'un !? lui répondit-il du tac au tac incapable depuis toujours de tolérer le moindre reproche.

   - Je suis à chaque fois déçue, Saül. Tu ne fais jamais le moindre petit geste pour me faire plaisir. Si je ne t'appelle pas, tu n'y penses même pas. Tu es arrivé depuis quatre jours et il ne t'est pas venu à la tête l'idée de me demander de venir chez toi ou de m'inviter à dîner dehors. C'est toujours moi qui doit m'investir dans notre relation...

   - Écoute, Connie. Je n'ai pas encore eu le temps de petit-déjeuner et tu sais que je ne fonctionne pas encore le matin, à jeun. Cette discussion est trop sérieuse pour la faire si tôt le matin. J'allais sortir.

   - Même café ?

   - Oui.

   - Je t'y retrouve. Et sans lui laisser le temps de protester ou d'acquiescer, elle raccrocha.

    Trop pointilleux quant au comportement parfois trop cavalier de Connie, Saül eut envie de changer de café et de lui jouer un tour pendable afin de l'inciter à plus de sagesse et de pondération. Il était vraiment tenté de lui donner une leçon. Mais un brin de gentillesse lui interdisait d'agir de la sorte peut-être conscient au fond de lui de son plein droit d'exiger des explications. Pourtant, il savait comment finirait leur entrevue. Elle commencerait inlassablement par se plaindre, jouer le rôle de la victime et de l'opprimée avant de lui poser un ultimatum toutefois, devant son air buté, elle finirait par retrouver sa lucidité en demandant pardon pour son emportement. Il aurait alors à entendre le même sermon de ne plus lui faire revivre la même scène.

   Parfois Saül avait le sentiment de se retrouver enlisé dans une relation uniquement par peur d'avoir à affronter Connie et sa mère car même s'il réussissait à se débarrasser de la jeune femme, il se retrouvait confronté à sa mère qui trouverait un moyen de lui faire la morale. Où trouver une fille aussi conciliante et patiente que Connie, toujours disponible et prête à lui faire plaisir !?...

  Secouant la tête, il se décida à tourner la clé de contact. Après un bon petit-déjeuner, il serait plus disposé à... réfléchir. Mais à première vue, il pensait que leur incompatibilité l'emportait sur tout autre chose. Était-ce un bon ou un mauvais signe ! À croire certains, les contraires s'attirent... À quel point ceci pouvait-il être sensé ?

************

   Connie conduisait sa voiture, une Sherry rouge, en tremblant de colère. Contre Gaby qui refusait de lui confier des articles de valeur préférant la cantonner dans la rubrique des mondanités en lui faisant croire, comme si elle était née de la dernière pluie, que cela la servirait grandement dans sa vie une fois devenue madame Wendworth. Elle ne cessait de lui chanter les louanges d'une existence calme et rangée auprès d'un homme riche et réputé. Connie n'y voyait aucun problème tant que l'homme en question acceptait de rester à ses côtés. Ce qui n'était manifestement pas le cas. Contre justement Saül qui la mettait dans des situations insupportables. Son amour pour lui n'étant point désintéressé, il tendait à profiter de son nom et de son statut. A quoi bon être la petite amie de Saül Wendworth si elle devait trimer telle une esclave, vivre dans un appartement en co-location et conduire une voiture risquant de rendre l'âme à tout moment !? Elle n'aurait jamais imaginé que Saül, l'un des hommes les plus en vue puisse être aussi... radin ! Ou plutôt aussi ignorant des femmes et des modalités d'une vie amoureuse. Toujours trop occupé avec ses dessins, ses schémas, ses essais, ses contrats, ses marchés... et oublieux de ses envies, à elle, de ses attentes et de ses pulsions. Assez bon amant, Connie le soupçonnait de troubles sexuels. Si peu porté sur le sexe, elle le croyait impuissant au début de leur relation. Au bout d'une année, elle avait dû réviser sa vision initiale. Pourtant, il se comportait incessamment de la même façon tiède et compassée. Alors pourquoi, se demandait-elle parfois, se complaire dans une atteinte à son orgueil ? Sa conscience lui répliquait à chaque fois que lorsque la chance se présentait à elle de devenir une lady, l'orgueil était à remiser, à caser dans le débarras. Justement ceci la mettait aussi en colère contre elle-même car écartelée entre deux choix dont chacun était plus difficile que l'autre. Soit quitter Saül et ainsi perdre toute chance de se voir un jour évoluer dans la haute sphère des riches et des snobinards. A condition de faire taire son orgueil. Soit devenir servile et tout accepter en se satisfaisant des miettes de l'affection qu'il daignerait lui accorder. Avec l'assurance que la situation risquerait de dégénérer obsédé qu'il était par sa carrière car rien ne comptait à ses yeux à part son métier, ses... jouets et ses... systèmes de sécurité.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant