CHAPITRE XLI.

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           CHEMINS CROISÉS.

           PREMIÈRE PARTIE.

    Les trois jours suivants connurent une affluence inhabituelle et inattendue des visiteurs. Le nombre de visites et le chiffre de vente brisèrent tous les pronostics et toutes les attentes. Les produits de W. F. furent sans conteste le cœur de l'événement avec leur étage qui ne désemplissait point et les appréciations qui faisaient sauter le plafond.

   Le lundi soir, David Kennedy rencontra Wendy devant le distributeur où elle était allée se chercher une bouteille d'eau. A son tour, il achetait un thé glacé. Wendy le salua poliment mais sans grande chaleur car entre eux avait toujours existé une certaine barrière à cause de la rigidité de l'homme d'affaires qui  se comportait avec froideur. A une époque, elle avait cru que David l'estimait et lui réservait une place spéciale mais elle s'était apparemment trompée puisque malgré son départ de la société à Paris il ne s'était jamais donné la peine de soulever le récepteur d'un téléphone fixe ni de composer son numéro sur son mobile pour l'appeler et demander de ses nouvelles. Et avec une certaine distance, il lui répondit lui aussi au point que Wendy crut un instant qu'il allait l'ignorer elle et son salut.

  - Ils payent plus ? demanda-t-il au bout d'un instant.

  - Pardon ?

  - Les Wendworth payent plus que les Kennedy ? Ou peut-être qu'il y a d'autres compensations !

  - Comme ?

  - Sortir avec le célèbre playboy Peter Wendworth. Tout le monde dans le domaine sait que c'est lui qui dirige la société.

  - Erreur ! Et je me permets de vous corriger : Peter est, il est vrai, un playboy notoire et un noceur invétéré, mais pour ce qui est des affaires c'est Sébastien lui-même qui veille au grain et qui m'a fait une proposition d'emploi avec lui pour aider son fils tout comme vous l'avez fait vous-même il n'y a pas si longtemps. Mais malheureusement il s'est avéré que deux hommes besogneux et sérieux avaient produit des enfants paresseux, fainéants et tournés uniquement vers leur libido.

   - Dave...

    - Je ne sais pas ce que Dave vous a dit et je ne veux pas le savoir pour ne pas le mépriser encore plus si la chose était possible car votre précieux fils est un tricheur, un menteur et un voleur. Sans oublier sa mauvaise habitude de molester les femmes pour ne pas dire les harceler. Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi une fille qui travaillait avec acharnement chez vous aurait eu l'idée de tout laisser tomber une fois aux prises avec votre cher Dave ? Vous n'avez pas compris quel genre de filles j'étais ? Votre fils a le nez cassé et presque de travers maintenant car c'est moi qui lui ai laissé un petit souvenir de notre dernière  rencontre. Ça lui apprendra à maintenir ses mains loin des filles sérieuses. Et si je travaille avec Sébastien c'est uniquement parce qu'il m'estime, admire mon travail et me fait confiance. Plus que son fils sachant reconnaître les qualités de chacun. Sur ce, mon salut à Dave qui a cherché à bousiller le travail des Wendworth en achetant un employé à l'usine. Si quelqu'un doit avoir honte c'est votre fils. Et sachez que personne ne peut m'acheter. Je vous croyais un homme sensé mais je me suis trompée.

   Laissant le vieux David Kennedy pantois et penaud, elle fit volte face et repartit d'où elle était venue.

  - Elle est forte n'est-ce pas ? apostropha une voix par derrière David qui suivait du regard Wendy et encore incapable de se remettre du choc occasionné par ses révélations.

   Se retournant il découvrit Isaac qui l'observait avec un sourire narquois sur le visage. De toute évidence, il n'avait perdu aucune miette de leur diatribe. Les deux hommes se connaissaient de longue date malgré la distance séparant leurs villes et même leurs États pourtant les affaires les avaient souvent obligés à se rencontrer et s'ils ne pouvaient guère prétendre à une amitié ils pouvaient du moins parler de relation cordiale. Ils étaient deux requins des affaires qui évoluaient avec honneur et intégrité. Pour David s'entendre dire que son fils était un voyou et un escroc sans oublier sa goujaterie à l'égard des femmes constituait un lourd coup de massue, une atteinte à toutes les valeurs qu'il défendait et auxquelles il croyait fermement.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant