CHAPITRE LXI.

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       LA
             VIE
                    ET
                         SES
                                FACETTES.
       
                         
                                   
                                         
                             
    L'accusée, décédée, les charges retenues contre elle furent considérées caduques et l'affaire ne fut jamais portée devant la justice. Toutefois, sa mort ne constitua point la seule perte puisque M. Strauss en apprenant le décès de sa fille unique envers qui il avait failli dans ses obligations eut une réaction des plus excessives. Il l'avait outrageusement déçue en restant impuissant, les bras ballants... Il aurait dû tenter quelque chose. N'importe quoi ! Il oublia dans sa folie sa décision inconsidérée d'envoyer quelqu'un apeurer Wendy. Trop secoué pour raisonner, il ne faisait que déambuler à travers la maison en ressassant les mêmes idées noires. Il avait été un mauvais père. Il avait tué sa fille, la prunelle de ses yeux, sa raison d'exister... À quoi servait-il n'était-ce à assurer le bonheur de sa fille !? Il s'était toujours ingénier à lui plaire, à la satisfaire, à lui procurer le rare et le cher; il avait toujours fait de ses désirs ses priorités. Son bonheur était le sien. Avait été le sien. Sa fille n'était plus ! Devant cette terrible évidence, son cœur devenait fou. Son sang ne faisait qu'un tour et ses palpitations s'accéléraient jusqu'à lui causer une suffocation. Il aurait aimé mourir sur place et aller retrouver sa petite fille, sa belle princesse, la plus belle des filles. La parfaite ! Ne dit-on pas dans un dicton arabe que le singe est aux yeux de sa mère une gazelle !? Pour lui, sa fille avait été exemplaire, exceptionnelle et unique. Il oubliait son mauvais caractère, ses caprices, ses erreurs, ses échecs et les multiples fois où il avait dû faire des pieds et des mains pour la sortir d'un mauvais pas. Il y était toujours parvenu jusqu'à ce qu'arrive la fille Wellington, une coriace qui savait se défendre contrairement à sa fille qui avait toujours compté sur lui, son papa. Il aurait aimé pouvoir continuer à la protéger mais Dieu en avait décidé autrement. Alors, pour sa dernière mission sur cette terre, il devrait se consacrer à lui offrir les plus imposantes obsèques. Quelque chose de beau, de cher et d'incomparable à l'instar de sa devise dans la vie. Tant qu'elle avait existé ! Donc, Strauss avait une raison de s'occuper, de penser à autre chose, à part son sentiment de culpabilité. Il était trop imbu de sa personne pour avoir cette lucidité capable de lui faire toucher du doigt sa vraie culpabilité en ayant fait de sa fille une chipie, une mégère, une fille sans façons ni éducation prenant le monde pour sa propriété et ses désirs pour des choses acquises. Sans Wendy, elle aurait peut-être continué à nuire aux gens et aux malades et à faire de la clinique un terrain de chasse et d'expérience.

   Le jour de l'enterrement, il y eut très peu de présents contrairement aux attentes du père qui croyait que la mort de sa fille était un événement en soi. Dans son malheur, il avait omis une chose cruciale : sa fille n'avait jamais eu de vrais amis. Trop superficielle pour jouir de ce privilège ! Ses connaissances profitait d'elle d'une façon ou d'une autre tout comme elle en faisait de même. Certains individus sont tout simplement incapables de tisser des liens vrais et sincères. Vantardise, ostentation et profit ne riment guère avec relation vraie et solide, qu'elle soit d'amitié, d'amour ou même de simple camaraderie.

   Donc, la douleur de Strauss devint dépit, déception et ressentiment. Pourquoi le monde, subitement, avait décidé de tourner le dos à sa fille, de lui fermer ses portes au visage !? Soudain, vivante ou morte, elle avait perdu tout attrait !

   Très déprimé, dès que le service funèbre eut pris fin, il rentra chez lui désireux de rester seul. Il interdit à quiconque de venir le déranger. Il s'isola dans son bureau un instant avec son avocat puis le pria de le laisser seul. Avant que le maître ait atteint la porte de sortie, on entendit une détonation qui se répercuta dans la vaste demeure telle l'explosion d'une bombe ou plusieurs bâtons de dynamite. Une balle en pleine bouche. Un couard demeure toujours un couard ! Au lieu d'affronter ses démons, ses erreurs et ses crimes et de se racheter, il préférait se fermer en plus les portes du ciel. Y'a-t-il pire crime et lâcheté que de se tuer délibérément, en toute connaissance de cause !? Un individu fort, qu'il soit femme ou homme, affronte ses responsabilités et prend le taureau par les cornes au lieu de choisir de passer l'arme à gauche. Qu'il fasse, au moins une fois dans sa vie, preuve de noblesse et de dignité.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant