CHAPITRE XVI.

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           TÂTER LE TERRAIN.

   Wendy, après avoir offert à la sœur d'Elliott une paire de sandales noires à talons compensés et une pochette noire d'un grand chic et pouvant servir de jour comme de nuit, passa le reste de la semaine entre la société et l'usine partageant son temps, entre dessin et fabrication de prototypes avant de passer à une exécution finale. Pour un début de collaboration, elle se voulait ponctuelle, comme à son habitude, et surtout assudément engagée. Ainsi qu'il le lui avait promis, Sébastien lui   laissa les coudées franches n'intervenant jamais, ni exigeant de voir les dessins. Cette confiance constituait pour Wendy une stimulation et un défi. Elle devait se montrer digne de cette confiance et donner le meilleur d'elle-même. Réduisant sa vie mondaine plus qu'elle ne l'était déjà et vivant tel un ascète, le seul dérivatif qu'elle se permettait était son entraînement quotidien, que ce soit à la maison, la forêt environnante ou le club. Très prise, elle n'avait vu Jean-Pierre et sa petite famille qu'une seule fois, à son arrivée et avait chargé  Stone, son homme à tout faire, de l'installer, de prendre soin des siens et de l'avoir à l'œil. De près. Bonne, elle l'était assurément. Conne, non. Offrir une seconde chance à un fauteur, elle y croyait fort avec un minimum de méfiance. Rester sur ses gardes est l'axiome des vigilants. Sa priorité pour l'instant était son travail.

   Au cours du reste de la semaine elle avait rencontré Amanda et Mary dans le cadre des contraintes du travail mais elle n'avait pas eu la possibilité de s'enquérir de leur état de santé ou du moral à cause de la présence de tierce personnes. Toutefois, elle avait senti une gêne perceptible en présence de Peter. Des regards chargés de haine et de rancune. Des gestes guindés. Des sourires crispés et gauches. Entre les dessinateurs existait une mésentente latente car Amanda et Mary n'étaient nullement les seules à se comporter de la sorte vis-à-vis de Peter. Était-ce la peur ? Peter avait beau être le fils du patron, Wendy doutait fort que Sébastien soit du genre à octroyer des prérogatives par simple rapport familial car seule comptaient à ses yeux la compétence et le talent. Était-ce de la jalousie ? À quel titre ? Du ressentiment ? Wendy ne parvenait point à démêler l'écheveau des relations mitigées. Et comme le temps pressait, elle préférait ignorer le mauvais pressentiment qui la gagnait. Il serait toujours temps de tout tirer au clair le moment venu.

   Le vendredi soir en sortant de son bureau pour aller retrouver sa voiture et rentrer chez elle pour prendre un repos bien mérité, elle rencontra Peter devant l'entrée qui faisait semblant d'attendre qu'on lui ramène sa voiture alors qu'en réalité il l'attendait, elle; chose qui ne passa pas inaperçue devant sa perspicacité.

  - Bonsoir, Wendy ! Vous paraissez bien fatiguée !

  - Merci de votre amabilité ! Vous êtes un as pour remonter le moral d'une demoiselle !

  - Je ne voulais point me montrer discourtois...

  - Vous n'êtes pas discourtois. Vous êtes maladroit. Je me demande comment vous faites pour remporter autant de succès auprès des femmes avec vos manières gauches et malhabiles !

  - Je perds tous mes moyens en votre présence à croire que vous m'avez jeté un sort !

  - Une nouvelle façon de draguer, monsieur Peter !? Elle est vraiment surannée !

  - Point du tout ! Plaisanterie à part, je vous attendais vous sachant encore dans le bâtiment et ne désirant point me faire rabrouer à nouveau en venant vous voir dans votre bureau. Je tenais à vous inviter...

  - Désolée. Je suis trop lasse pour accepter une quelconque invitation.

  - Elle n'est pas pour ce soir et elle n'émane pas de moi. C'est ma mère qui tient à faire votre connaissance. Nous parlons tellement souvent de vous, mon père et moi, que la curiosité de ma mère s'est retrouvée très attisée. Elle voudrait que vous lui fassiez le plaisir d'accepter son invitation pour demain soir. Un samedi, vous n'aurez aucune excuse !

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant