CHAPITRE XLVI.

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       RIEN
              N'EST
                       PIRE
                             QUE
                                   L'IMPRÉVU.

   La visite nocturne et les retrouvailles entre père et fils furent fort émouvantes. Il aurait fallu voir la joie de Sébastien en sentant les lèvres de son fils aîné venir se coller à son front en un tendre baiser filial témoignant de sa douloureuse joie de le retrouver vivant mais handicapé. Sentir l'odeur de son fils était suffisant pour lui transmettre tous les messages du monde. Le retrouver en pleine nuit disait sa hâte de venir le retrouver, disait son amour et son attachement doublé de rancune ou de colère de ne pas avoir été prévenu à temps, disait sa honte de venir trop tard... En sentant la douce main de Wendy se glisser dans la sienne, Sébastien comprit que les deux êtres les plus sincères et les plus tolérants avaient accouru à son chevet et la chose lui fit un bien énorme.

   La visite ne dura pas très longtemps puisque l'infirmière de garde insista pour laisser le malade se reposer d'autant plus qu'il était assez groggy à cause des soporifiques prescrits par le médecin. Toutefois, comme ses perceptions sensorielles n'étaient pas encore complètement atrophiées, il put pleinement jouir de la présence du duo. Le moral de Sébastien s'en trouva grandement modifié connaissant un regain de confiance. Pour ceux qui l'aimaient et l'appréciaient vraiment il entrentiendrait l'espoir de guérir et ferait tout pour que le miracle se réalise.

   Avant de partir, Wendy lui traça dans le creux de sa paume avec son index certaines lettres qui, malgré son esprit cotonneux, s'y infiltrèrent pour s'y graver :

     " Vous devez garder le
     moral au top car tout finira           par s'arranger. Dès que vous
     serez autorisé à sortir, vous
     viendrez vous installer chez
     moi. Nous ferons en sorte
     que le miracle se réalise."

   Le lendemain matin, le premier élément qui vint se rappeler à son esprit fut les paroles sibyllines de Wendy. N'était-ce cette forte sensation de son index sur sa paume il aurait cru à un rêve ou une chimère. Pourtant, il était sûr des promesses de Wendy. Cependant, il se demandait pourquoi une telle proposition alors qu'il était censé avoir une famille et une maison. Qu'Annie soit braquée contre les hôpitaux ne signifiait aucunement qu'il ne serait pas logé chez lui ! Serait-il devenu ce pestiféré que fuirait les siens apeurés par toute contamination ?... Des interrogations qui tournaient en boucle dans sa tête. Au moins il avait de quoi s'occuper au lieu de songer au noir et au silence qui l'enveloppaient. Sa nouvelle situation le mettait au supplice car ignorant comme réagir et agir. La première colère et peur passées, il s'était heurté à une autre amère vérité : même s'il acceptait son épreuve et s'acceptait ainsi que Dieu l'avait voulu, les siens, son épouse supposée être sa fidèle compagne prête à l'assister en toute situation et son fils - la chair de sa chair - le jugeaient indigne de tout amour, de tout sacrifice, de tout intérêt.

   À un moment donné, il s'était senti si miniscule, si repetissé, si débiné. Et surtout catastrophé, inconsolable. Comment poursuivre une existence où il était condamné à avancer privé de deux sens essentiels !? Comment se réadapter à une vie tout à fait différente de tout ce à  quoi il était accoutumé !? Pourtant, après mûre réflexion, il avait fini, grâce à certains cœurs aimants et charitables, par saisir le plein sens d'être encore en vie. C'était peut-être là un châtiment divin pour se venger de toutes ses mauvaises actions et péchés antérieurs. Une façon de le pousser à vraiment se repentir et à rattraper les erreurs et le temps perdu. Il en était plus conscient. Et prêt à se racheter. Ses remords grandissaient devenant démesurés face à la mansuétude de Gaby. Une femme bafouée qui avait tout rayé de sa mémoire dans un moment de grand humanisme. Grâce à elle, il reprenait espoir. Grâce à elle, il se raccrochait à la vie. Grâce à elle, il entrevoyait des jours meilleurs considérant ses malheurs passagers.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant