CHAPITRE XLVI.

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  MIEUX
             VAUT
                      TARD
                              QUE
                                     JAMAIS.

   Oui, il était plus qu'évident que la jeune sportive l'avait impacté plus que de raison. Même si auparavant il ne s'était jamais fixé une image ou un prototype de la fille de ses rêves  - Mais s'était-il jamais arrêté au niveau d'une telle chose !? Les jeux amoureux et les filles avaient toujours été le cadet de ses soucis ! - il découvrait à chaque fois que le sujet était soulevé dans son esprit que son choix se fixerait aisément sur une fille comme Championne. Son image le taraudait, le hantait, habitait chaque coin et recoin de sa tête. Tel ce rayon de soleil elle s'y glissait insidieusement, subrepticement. In catimini. Sans crier gare. Sans s'annoncer, suspendant un geste, avortant une pensée, chassant une idée. Elle réussissait là où Connie avait échoué, piteusement, en dépit de ses efforts, de ses tentatives, de ses attaques désespérées. Quelques jours, quelques heures même, avaient amplement suffi pour la lui rendre précieuse.

   - Alors, vous voulez visiter la maison ou dîner d'abord ? l'interrogea le majordome le tirant de sa rêverie.

   Saül réalisait que ses pensées s'envolaient et sa concentration s'éparpillait aussitôt que la question tournait autour des  jeunes filles pour se centrer sur une seule et unique : la fille du club, la fille aux directs bien soupesés, la fille au rire cristallin et au regard scintillant chargé de vie, la fille à l'appétit féroce et n'hésitant point à le proclamer, la fille au bon coup de fourchette tout en préservant un tour de taille à la finesse époustouflante et surtout une jeune fille capable de se battre, de converser et de partager un repas avec un homme sans se sentir obligée de battre des cils, de se mordre les lèvres, de faire la moue ni de jouer à la jeune fille en détresse. Un type de fille auquel il n'était nullement habitué et qui l'attirait irrésistiblement. Une attraction telle était exercée sur lui qu'il ne savait point comment s'y soustraire, ni comment y échapper. Voulait-il seulement y échapper ? Il avait perdu espoir mais le cadeau confié à Sam avait fait rejaillir une étincelle d'espoir. Seul un intérêt sincère et palpable avait pu l'inciter à un tel geste. Et là, une fois de plus il  se perdait dans de nouvelles et dérourantes conjectures : quel rapport entre Championne et Wendy ? Étaient-elles la même personne ? Le cadeau de Championne était-il une fabrication de Wendy ? Une coincidence ?...

   - Monsieur, vous allez bien ?

  Johnny avait du mal à comprendre l'attitude de l'invité de la maison. Il paraissait perdu et même égaré. Il avait beau être bel homme, donner une bonne impression sur ses manières courtoises d'un gentleman et dégager une sensation de confiance tout en étant accompagné d'une aura lumineuse, il inspirait aussi un certain doute, un zeste de méfiance. Son attitude, par moments, même au premier contact, donnait à réfléchir. Son regard perdu dans le vague ne fixant rien, ou sa tête penchée vers le sol, dénotaient un comportement bizarre. Quelque chose semblait le déranger, lui donner motif à réflexion.... Serait-il l'un de ces riches égocentriques, et un tantinet maboul, prêts à changer d'attitude à tout bout de champ !? Un lunatique !? Johnny espérait que non. Il avait eu sa tasse de ces gens bizarroïdes capables de tout !

  Avec Wendy, il avait trouvé paix, sécurité et ... normalité. Une personne calme, confiante, aimante et respectueuse. Pour elle, importait uniquement la personne, son comportement et son travail. Pour elle, peu importait la naissance, l'origine ou l'argent. Pour elle, les gens, tous les gens, les petites gens avant les grandes, avaient leurs droits et surtout à celui au respect. Pour elle, tous les gens naissent égaux et doivent le rester. L'intérêt est mutuel. A chacun sa valeur, ses compétences et ses particularités. Le malade a besoin du médecin et le médecin a besoin du malade. L'un ne peut vivre sans l'autre. Et surtout, pour elle, il n'existait point de sot, ni d'indigne métier. Toutes les professions se valaient et se complétaient. Avec elle, il avait appris à s'aimer et à aimer le monde. Tous ceux qui évoluaient autour de lui, dans l'enceinte de la résidence "Fourré des bois" en avaient pris conscience et grâce à elle et à sa gentillesse ils s'étaient ouverts à la vie s'épanouissant enfin telles ces roses presque fanées faute de soleil et de soins revenant se battre se cherchant un coin où puiser air pur et rayons chauds. Tous ceux meurtris par leurs prochains ou les conditions de leur existence retrouvaient équilibre et espoir au contact de la jeune Wendy qui ajoutait à leur vie un ingrédient vital et jusque là insoupçonné et introuvable : avoir conscience de l'autre, de ses besoins et de sa valeur. De petits gestes, de tendres mots et de simples regards dévoilant compassion, respect de l'autre et l'envie de se soucier de lui, de s'inquiéter de ses attentes. De petits riens qui produisent un grand, voire un immense bien. Parfois procurer un bien-être à autrui peut se faire si aisément et à travers si peu de choses.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant