CHAPITRE LVIII.

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          UN
                TERRIBLE
                                    SECRET.

    - Alors écoute attentivement et ne crois surtout pas que je cherche à dramatiser pour te tromper. Chaque mot que je te dirai sera vrai et chaque aveu sincère. C'est une histoire que pratiquement personne ne connaît. Ma tragédie. Je suis née dans une famille aisée. Ma mère, la belle Cindy était une vraie princesse. Elle faisait du mannequinat, de la publicité et parfois jouait de petits rôles dans un théâtre pour amateurs. C'est là où elle fit la connaissance de celui qui allait être son mari.

   - Ton père était acteur ?

   - Son mari et non pas mon père même si j'ai vécu avec cette idée durant des années. On a nourri, cultivé cette idée pour que je l'accepte, y croie et vive avec. Un gros mensonge. Mais revenons à mon récit. En apparence, ma vie ressemblait à un conte de fées. Une merveilleuse vie de rêve dont rêveraient toutes les filles. Nous habitions une belle maison fort luxueuse avec domestiques, jardinier, chauffeur.... Le pied  quoi ! Comme dirait Ernest...

    - Qui est ?

    - A l'époque, il était présenté comme le neveu de mon père...

    - Faux père.

    - Tout à fait. Donc, en apparence, une petite famille tout ce qu'il y a de plus normal et de plus heureux. Ma mère travaillait dur, s'absentait beaucoup et rapportait beaucoup d'argent à la maison. A l'époque je croyais que c'était grâce à son travail. Légal. Son mari était un acteur de troisième catégorie, un minable mais beau comme un adonis et capable de vous emmener en pleine mer et vous ramener assoiffé. Autrement dit de vous vendre des pierres pour des diamants. Je l'aimais car il était tendre, gentil et câlinant. Il était aux petits soins pour moi. Il rabrouait Ernest pour un rien chaque fois qu'il me cherchait noise. Il faut dire qu'il était jaloux et sournois. Je ne comprenais pas la raison de sa présence parmi nous d'autant plus que même son oncle ne l'aimait pas. Maman me parlait de charité, de tolérance et d'amour pour son prochain. Tant qu'il restait dans son coin je faisais avec mais le problème est qu'il était envahissant parfois et enclin à me chercher noise, comme il disait. Bref, la vie continuait avec ses hauts plus que ses bas. Je me considérais comme une fille comblée entourée de ses parents aimants et possédant tout. Vraiment tout. Je ne manquais absolument de rien. Jusqu'à l'âge de dix ans. J'ai  commencé alors à entendre des murmures d'alcôves, des cris tus, des gémissement étouffés. Je sentais le danger mais je ne le comprenais pas. Puis brusquement, maman devint nerveuse, colérique et hystérique. Elle criait beaucoup. Pour un rien. Je pensais souvent que c'était à cause de moi. Pourtant j'ai toujours été une fille modèle. Ou du moins je m'y efforçais. Ernest a toujours essayé d'enfoncer le couteau dans la plaie en me faisant croire que je faisais le malheur de ma mère en refusant d'être gentil avec lui. Puis il devint collant. Vraiment.

   - Harcèlement !?

   - Exactement. Je ne le comprenais pas ainsi à l'époque car trop innocente et incapable d'imaginer une telle horreur ni de l'en accuser. Un garçon avec qui j'ai grandi en le considérant comme un frère indésirable. Le présupposé père devint irrascible et parfois menaçant. Ma mère dans ses crises de nerfs devenait hystérique et insupportable. Mais j'ai vite fait d'apprendre à la gérer. Elle voulait un exutoire pour évacuer le trop plein de tension et de stress à cause de son métier éprouvant. Je l'aimais en dépit de tout. Je l'aimais vraiment. Sincèrement. Elle était mon idole. Une femme forte et ambitieuse prête à se dépenser pour ses rêves et pour sa famille. Je ne comprenais pas son silence sur le fainéantise de son mari. Normalement c'était à lui de se démener pour faire vivre sa famille. Un jour, ou plutôt un soir où elle avait piqué l'une de ses sempiternelles crises de nerfs, sans raison évidente, je l'ai aidée à se mettre au lit et je suis retournée dans ma chambre. Une fois endormie, elle devenait après, comme par magie, calme et sereine. Jusqu'à la crise suivante. Deux années passèrent ainsi. A quatorze ans, le jour de mon anniversaire, j'ai été surprise par Ernest qui est venu me dire qu'il était le fils de Donald et non pas son neveu. Il était vert de rage et a même essayé de me molester. Heureusement que j'ai toujours été capable de me défendre. Ma mère, frêle et éthérée, avait insisté pour que je suive un entraînement intensif pour parer aux attaques des mâles obtus cherchant à prouver une virilité de pacotille. Était-il donc mon frère ? Ou plutôt demi-frère ? Je ne voulais pas poser directement la question à ma mère de peur de lui causer un choc. Et si Donald lui avait menti sur l'identité d'Ernest ? Ma mère étant trop fragile pour supporter un tel coup j'ai décidé de me taire et de redoubler de vigilance. La croyant victime d'une supercherie et ne doutant   pas d'être le dindon de la farce.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant