CHAPITRE XX.

44 9 14
                                    


   
     APLANIR LES DIFFICULTÉS.

   Julia descendit de voiture sans chichi. Puisque capable de s'ouvrir une portière et de descendre, pourquoi tout un cirque de protocole et d'étiquette creuse !? Elle attendit son mari qui parlait au chauffeur tout en profitant de la vue. Idyllique. Cette Wendy était vraiment une veinarde ! Tout artiste devait vivre dans un tel cadre au milieu de tant de beauté naturelle. De la verdure. Partout. A perte de vue. Du bois. Tout était en bois. Arbres. Maison. Balancelle dans le jardin. Tables. Chaises longues. Tabourets.... Et une grande, immense, gigantesque piscine. Presque une plage miniature.

   Point envieuse, elle la jalousait un peu. Malgré elle. Connaissant la valeur de la nature et souffrant de nostalgie, elle comprenait la chance dont jouissait Wendy. Elle-même tant qu'elle avait vécu au contact de la nature, elle était restée heureuse, innocente et sereine. Depuis son départ, tout avait... basculé !!!...

   Ne plus songer au passé. Demeurer concentrée sur le présent. Maintenant, elle était la femme de Charles Grandet et personne ne pouvait lui nuire. Ni la toucher. Ni lui faire du mal. Avec Charles, elle était en sécurité. Charles était un homme bon. Compréhensif. Communicatif. Tolérant. Doux. Tendre... Que de qualités ! Il avait écouté son histoire, non, leur histoire à elle et à sa fille, Shelly. Sans brancher. Et il avait accepté de les aider. Par amitié. Il avait été l'ami de son grand-père et par humanisme touché par les horreurs vécus. En effet, Julia, après avoir tué le Monstre qui avait détruit sa vie et s'apprêtait à démolir celle de sa fille unique, avait jugé bon de brûler la maison avec son cadavre après avoir vidé le coffre-fort du peu d'argent qu'il contenait. La somme serait suffisante pour couvrir les dépenses de leur fuite. L'incendie était passé pour un accident. Qui aurait regretté un trafiquant ?

  Installées à Paris, elles avaient vécu ensemble sous la protection de Grandet jusqu'à ce que les études de Shelly l'obligent à partir en Suisse. La fille avait un rêve comme celui-ci. Trop heureuse de faire plaisir à sa fille, grâce à l'argent intarissable de leur bienfaiteur et sa générosité encore plus, démesurée. Mère et fille avaient trouvé compensation auprès d'un homme rude en apparence et ayant un cœur en or, en réalité. Julia avait enfin trouvé le repos. Très attachée à Charles, elle le considérait comme le grand-père perdu, le père jamais connu, le frère désiré, l'ami tombé du ciel et le mari potentiel en dépit de tout ce qui pouvait les séparer. De son côté, il l'aimait beaucoup admirant son courage et sa volonté de vivre, de faire les bouchées doubles... Sa seule condition était la fidélité. Si elle s'avisait de le tromper, il la remettrait dans le caniveau.

  Une histoire sordide qui avait bien fini. Et consciente de sa chance, Julia n'avait jamais regretté sa décision de lier son existence à Charles. Seul un homme amoureux pouvait faire preuve de tant de gentillesse, de générosité et d'... Amour. Jamais aucun autre homme n'était parvenu à faire frémir son cœur. Heureuse ? Oui, elle était heureuse. Très heureuse.

  - Tu viens ? Tu es encore distraite ! Que se passe-t-il, ma chérie ?

  Charles était un homme riche, mais sa richesse ne l'avait pas rendu blasé, ni insensible. La détresse de la mère et de la fille l'avait touché des années  auparavant et continuait toujours à le faire. Il lui suffisait de plonger dans le regard apeuré de Julia pour se sentir comme happé. Une femme à l'apparence si fragile mais si forte aussi. Un corps à damner un saint et pourtant révélant une innocence indescriptible, innocence qu'un fou furieux comptait lui ravir. De force. De façon ignoble. Une fille avec des manières simples et même assez vulgaires cependant tendant à bien faire, à paraître fine et bien élevée... Un mélange de naturel brut et de civilités acquises. Charles l'aimait avec ses contrastes et n'avait jamais  cherche à la changer. Qu'elle vive selon sa nature ! Le statut qu'il lui avait offert faisant d'elle sa femme, Madame Grandet, lui octroyait le privilège de vivre à sa guise. Pour certains, cela s'appelait "originalité". Pour lui, c'était... Julia, tout simplement, la fille qui avait pu gagner son cœur.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant