CHAPITRE III.

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                      SAÜL.

    Pendant ce temps, à Chicago, dans son spacieux appartement, Saül, de retour d'un voyage à Taïwan où il travaillait en collaboration avec des ingénieurs en électronique, mettait à fond la climatisation. En effet, Chicago connaissait une vague de grosse chaleur qui indisposait les gens. Saül aurait aimé plonger dans la mer pour se rafraîchir ou du moins dans une piscine. Malheureusement, celle de la résidence haute gamme où il s'était installé deux mois auparavant présentait des problèmes d'évacuation et nécessitait un entretien. Depuis quelque temps, il avait un vague à l'âme ! En dépit de ses succès professionnels, il vivait en expectation comme si quelque nouvelle tournure viendrait chambouler son existence bien rangée et bien huilée tel un mécanisme au rouage indéfectible.

    Il regrettait sa décision hâtive de s'être laissé fléchir pour venir s'installer dans la résidence et ainsi quitter la demeure familiale, lui qui aimait le calme et évitait les voisins et les rencontres inopportunes telle la peste. Il pensait, depuis quelque temps, à acquérir une maison. Sa propre maison. Une vraie. Non à cause de son inconfort chez sa mère ou son interférence dans sa vie étant donné qu'elle était beaucoup plus absente que présente. Vient tout simplement un moment où tout homme sent ce besoin de se prouver son indépendance en coupant le cordon ombilical. Sa décision fut hâtive dictée par l'envie de se débarrasser des jérémiades de sa maîtresse. Il auraut aimé prendre le temps de visiter des demeures, lentement, au lieu de se contenter de louer un appartement impersonnel meublé selon le goût d'un décorateur et manquant d'une touche personnelle.

   Il gardait un vif souvenir de leur maison familiale, là où il était né et avait grandi. Une maison où tout, chaque angle, respirait la présence poignante de sa mère. Malgré ses absences fréquentes, ses voyages de plus en plus longs et ses apparitions courtes ainsi que l'éclair ou un beau rêve, sa mère était une femme forte, sûre d'elle et très influente. Sur tous les fronts : une femme à la personnalité de fer s'imposant partout et une journaliste confirmée possédant un armada de journaux ayant une notoriété des plus influentes apte à faire couler ou à hisser vers le sommet. Respectée et crainte où qu'elle se rende, sa puissance et son pouvoir n'étaient plus à prouver. Avec le peu de temps qu'elle avait, dans le temps, à réserver à son mari, à son fils et à sa maison, elle supervisait tout étant constamment tenue au courant en réussissant à se faire respecter. Les domestiques lui obéissaient au doigt et à l'œil et lui étaient acquis. Ses responsabilités avaient beau être nombreuses et multiples, elle savait toujours ce qui se passait chez elle, se rappelait l'anniversaire de son fils, les réunions des parents à l'école, assistait à ses matchs de tennis, de polo, à ses compétitions de natation et d'équitation... Les seuls matchs auxquels elle refusait catégoriquement d'assister étaient ceux de kickboxing; un sport fruste et trivial, selon elle, bon pour les basses catégories.. Mais comme Saül avait toujours été un enfant sûr de lui et indépendant, il avait persisté dans son choix. Il voulait bien faire plaisir à ses parents et s'adonner à tous les sports possibles et imaginables considérés comme l'exclusivité de la high society, mais en contre-partie, il tenait aussi à faire ce qu'il voulait et aimait. Son caractère bien trempé et sa forte personnalité lui avaient permis de dépasser le divorce de ses parents. Contrairement aux autres enfants, il l'avait applaudi.. Il s'était d'ailleurs toujours demandé comment deux êtres aussi dissemblables avaient pu s'aimer, se marier, enfanter et rester ensemble pendant plus d'une dizaine d'années. Il souffrait pour ce père trop conciliant, en tant qu'homme, se laissant écraser par une femme décidée qui n'en faisait qu'à sa tête. Comment un homme aussi ouvert soit-il, à l'esprit aussi large que possible, pouvait-il accepter de se laisser dominer par une épouse qui n'avait confiance qu'en elle, qu'en ses opinions ? Saül pensait avec dérision que son père jouait le rôle d'un simple objet décoratif. Dans le cas de ses parents les rôles se trouvaient inversés : la femme décidait et l'homme se contentait de se trouver là. Un point final. Sa mère la célèbre Gaby, pour Gabriella, ne consultait son mari en rien.. Elle vivait sa vie comme elle l'entendait. N'aimait-elle donc point Seb ! L'avait-elle épousé par pur intérêt ? Oh ! Que non ! La famille des King était richissime. Gaby aurait pu agiter du doigt pour voir plusieurs, soupirants ramper devant elle. Grande, belle, fière, riche, jeune, ambitieuse,... Elle n'avait même pas à lever le petit doigt pour voir les admirateurs accourir. Les King étaient connus dans le monde de la politique et de la bourse. Délaissant les affaires familiales, elle se choisit un secteur nouveau, étranger aux siens : le journalisme. Sourde aux instances de son père et de ses deux frères, elle s'obstinait à trouver de l'embauche dans l'un des plus prestigieux journaux de la ville. Elle ne dut sa place ni à son nom de famille ni à sa fortune. Ni piston, ni pot de vin. Seuls ses résultats lui valurent un tel poste. Au bout de cinq ans d'efforts continus de travail acharné, de sacrifices colossaux impactant sa santé, ses nerfs, sa vie privée... Oui, suite à un combat impitoyable, elle se hissa au sommet.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant