CHAPITRE LIX.

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     LUTTER
                       OU
                                  ADBIQUER?

   Laissons Championne, ou plutôt Wendy puisque Sam connaissait son identité, aux prises avec son ami et sa dure tête et allons voir ce qui se passe du côté de nos autres amis. Commençons par Sébastien, le pauvre doublement handicapé suite à son arrêt cardiaque.

   Il s'était réveillé en pleine obscurité avec l'étrange sensation d'étouffer. Tout à coup, il avait senti comme un bloc de glace lui comprimer les côtes l'empêchant de respirer, d'inspirer une goulée d'air vivifiant. En ouvrant ses yeux fermés, il ne vit rien. Absolument rien. Sa chambre était plongée dans le noir le plus total. Cette obscurité accentua sa sensation d'étouffement, de confinement. Il porta sa main à sa poitrine puis à sa gorge. Il allait mourir. Son corps était comme disloqué. Il ressentait jusque dans sa chair cette douleur aiguë annonciatrice d'un malheur. Puis une autre vérité, au milieu de son malaise, vint le frapper de plein fouet : il n'entendait rien. Aucun bruit. Était-ce donc la fin du monde ? Ni lumière ni son ! A croire qu'il était isolé dans une autre dimension. Mais où se trouvait-il au juste ? La dernière fois, il était à Bora Bora avec Peter. Étaient-ils en plongée !? Était-ce un problème d'apnée !? Non ! Bien sûr que non ! Ils étaient aux Bahamas chez les Wellington. Avec Gaby ! Puis la mémoire lui revint : il avait été sujet à une syncope. Qui avait connu un heureux dénouement. Et alors ? Où étaient passées les autres ? Il se rappela soudain d'un autre fait : il avait longuement causé avec Raoul. De quoi au juste ? Une affaire fort importante. Mais laquelle !? Il avait du mal à mettre le doigt dessus ! Pourquoi ce silence !? Et ces ténèbres !? S'agirait-il de surprise !? Pour qui ? A quelle occasion ? Si tel était le cas, serait-il cloué dans un lit !? Parce qu'il était vraiment attaché. Il venait de réaliser la chose. Il avait le poignet et la cheville droits attachés. Et dans ce fichu noir il ne pouvait rien faire. Rien tenter. Était-ce un gag !? Qui oserait !? Sûrement pas Peter ! Ni Isaac ! Était-ce donc un complot de son ancien beau-père de connivence avec son ami retrouvé !? Wendy serait-elle dans le coup des deux vieux !? Impossible ! Il était prêt à douter de lui-même mais sûrement pas de l'ange qu'était Wendy ! Trop authentique pour dissimuler la moindre trace de fourberie. Transparente comme l'eau de roche. Alors ? Quel était le hic ? Et enfin ce fut l'illumination ! Dans sa tête et non pas autour de lui. Il était devenu sourd et aveugle ! L'HORREUR ! Il était donc attaché pour parer à toute crise de nerfs. Il recelait en lui suffisamment d'intelligence pour le comprendre. Ou le deviner. Il serait donc condamné à végéter, vivoter !? Parce que vivre de cette façon, privé de deux sens essentiels, lui paraissait au-dessus de ses forces. Malgré sa foi, il sentait que l'épreuve dépassait son endurance. Alors incapable de retenir la tension qui le submergeait et les larmes qui lui noyaient les yeux, il enfouit son visage dans son oreiller et il hurla sa peur, sa rage et sa faiblesse. Que dieu ait pitié de lui !

     Où étaient passés les autres ? L'avaient-ils tous abandonné ? Ou serait-il mort et enseveli sous terre !? Où étaient passés les aurez !? Mais avait-il vraiment envie de les voir ? Les voir !? Serait-il donc prêt à supporter leur regard charge de pitié !? Oui, de la pitié ! Oui ! Une affreuse, une atroce, une exécrable pitié dont il ne voulait pas ! Jamais ! De personne ! Il préférerait se fracasser la tête contre les pierres des murs plutôt que supporter la pitié dans le regard des autres. Le regard !? "Pauvre de moi ! Suis-je encore capable de voir de la pitié ou tout autre sentiment ? Je suis fini ! Un vieux débris à jeter aux oubliettes !" se disait-il des sanglots plein la gorge. Il aurait aimé disparaître, s'évaporer, se volatiliser. Comment affronter les ténèbres, le silence et.... GABY !? Sa seule lumière !

   Et comme par enchantement, il sentit une main toucher la sienne. Celle attachée. La droite. Une main fine aux longs doigts effilés. Il avait toujours dit à Gaby qu'elle possédait des doigts de pianiste. Il sut donc sans avoir besoin de voir qu'il s'agissait de Gabrielle. Elle était venue. Elle était sur place. Avec lui. Pour lui. A aucun moment, sa pensée ne dériva du côté d'Annie. Par contre, en arrière plan, dans un coin de sa tête, il songea à Peter. Pour l'instant il voulait pleinement profiter de la présence de Gaby. De sa main dans la sienne. De leurs peaux au contact l'une de l'autre. La présence de Gaby avait toujours eu cette faculté de l'apaiser. De chasser les démons qui risquaient de l'habiter. Si seulement il pouvait la voir, découvrir l'éclat de ses beaux yeux, savoir ce qu'elle ressentait à l'air de son visage, de son maintien. Aurait-elle pitié de lui !? Il ne le supporterait point !

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant