Chapitre 4 : Maudite confidence

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Les membres de la famille Kamiaku et Kijin prirent place dans le salon. Après quelques minutes d'un silence  pesant, Aisu se décida à prendre la parole :

— Notre famille est maudite.

— Encore heureux que tu n'aies pas à lui expliquer comment faire les bébés ! ironisa Juuki d'un ton acerbe.

L'adolescent eut un froncement de sourcils.

— Qu'entendez-vous  par « maudite » ?

Mizu, face aux hésitations de l'écrivain se perdant dans des explications fort peu précises, prit son courage à deux mains pour tenter d'apporter un semblant de réponse au jeune homme :

— Douze membres de notre clan sont maudits par l'esprit d'un kami. Aisu par celui de la glace, Juuki par celui du feu et moi, par celui de l'eau.

— Et comme tu as pu le constater, lorsque nous sommes sous le coup d'émotions trop violentes, les pouvoirs de nos kamis respectifs se déchaînent. C'est une malédiction assez facile à vivre finalement, enfin... lorsque l'on sait canaliser ses sentiments... pas vrai, ma Juu ? ajouta Aisu tout en coulant un œil moqueur à sa cousine.

Juuki lui décrocha un féroce regard avant de croiser les bras, le visage renfrogné. Un curieux sourire se dessina sur les lèvres de l'écrivain :

— Kijin, maintenant que tu as découvert notre petit secret, je dois mettre notre chef de famille au courant de ton arrivée parmi nous.

Un éclat de panique traversa les yeux clairs de Mizu. Kijin baissa la tête, conscient que son séjour chez les Kamiaku pourrait être de très courte durée. Après tout, les chefs des grands clans se ressemblaient tous et n'appréciaient guère qu'un étranger, qui plus est, un inconnu débarquant de nulle part, ne vienne fouiner dans leurs histoires de famille.

L'écrivain, qui semblait avoir percé ses pensées à jour, lui adressa un clin œil.

— Ne te tracasse pas pour ça, mon jeune et vigoureux nouvel amant ! Ce ne sont que des formalités ! Notre chef de famille ne peut résister à mon charme de femme fatale !

— Depuis quand ce taré aime les garçons manqués buvant comme des trous ?

Mizu blêmit. Mis à part Kijin qui lui décrocha un regard inquisiteur, nul ne perçut son malaise. La simple évocation du chef de famille la plongeait dans de profonds abîmes de souffrances. Les souvenirs commencèrent à déferler sur elle, vague immense et incontrôlable lui arrachant des tremblements et faisant pleurer à son âme, d'amères larmes...

Elle tenta de détourner la conversation afin de refermer la boîte fragile contenant ses souvenirs.

— Comment comptes-tu continuer tes études ? demanda-t-elle à Kijin d'une toute petite voix dans laquelle transperçait quelques sanglots non réprimés.

Le jeune homme demeura mutique. Que pouvait-il bien leur répondre ? Études ? Ce mot lui était parfaitement inconnu ! Il n'avait jamais été à l'école. Comme tous les membres de son clan, il avait étudié à l'intérieur même du manoir, sous la tutelle de son père, le chef de famille. Kijin n'avait jamais fréquenté d'autres personnes à part son père, car nul autre Akuma ne pouvait supporter sa vue. D'ailleurs, il ne connaissait aucun de leurs visages ; pour lui, ces gens n'étaient que des silhouettes, entr'aperçues par l'unique fenêtre de la chambre dans laquelle il se tenait cloîtré. Même son frère aîné, ne lui avait jamais véritanlement adressé la parole, se contentant de braquer sur lui, un regard empli de haine. Son père, écartant tout dégoût ou peur superstitieuse, avait tenté d'inculquer quelques leçons de savoir-vivre à ce fils qui n'aurait jamais dû voir la lumière du jour.

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