Chapitre 99 : Les Adieux (1)

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À quelques mètres du manoir, dans le pavillon silencieux de Raiu, Aisu venait à peine de se réveiller. Une couverture, imprégnée du parfum du maudit, recouvrait son corps et, près de son visage, reposait une fleur de cerisier encore toute humide de la rosée matinale.

La jeune femme s'empara de sa fleur favorite et déposa ses lèvres sur les pétales. Un petit cadeau de Raiu, pour se faire pardonner son absence lors de son réveil.

L'écrivain se redressa et posa la fleur sur son ventre. Un rayon de soleil, timide et encore pâle, traversa les stores baissés et illumina son ventre arrondi. La petite cachette de chair abritant une nouvelle vie. La jeune femme ferma les yeux et tenta de se représenter les traits de son futur enfant. Son enfant. L'enfant de Raiu. L'enfant d'Aisu et de Raiu.

Perdue dans ses agréables rêveries, Aisu n'entendit pas les gonds de la porte d'entrée grincer en un bruit menaçant. La jeune femme ouvrit les yeux et d'un geste tendre, s'amusa à tracer un cœur autour de son nombril. Jun. Elle répéta d'un ton malicieux, la syllabe composant ce prénom porteur de tant d'espoirs : Jun.

— Ainsi, c'est donc vrai... susurra une voix près d'elle.

Un frisson glacial glissa le long de son échine. Elle venait de reconnaître l'odeur si particulière, si différente de celle de Raiu, du Maître ainsi que sa voix, rauque et autoritaire.

Elle se retourna et l'aperçut, qui se tenait sur le seuil de la pièce, vêtu de son yukata couleur de soleil. Elle osa relever la tête et lorsque son regard croisa celui du fauve, elle remonta fébrilement la couverture sur ses épaules comme pour protéger son corps et surtout, le secret qu'il dissimulait.

Le Maître s'écarta de la porte et de son pas de félin, s'approcha de sa maudite. Aisu ne baissa pas le regard et soutint celui du chef. Les deux anciens amants s'affrontèrent  du regard, tels deux fauves prêts à s'entre-tuer pour survivre ou protéger ce qu'ils possédaient.

Un étrange sourire éclaira le visage menaçant de Taiyou. Aisu comprit à cet instant-là, qu'elle ne serait pas de taille à lutter contre lui. Elle pensa avant tout à son enfant, cet enfant qu'elle devait défendre de la féroce colère du chef de famille.

Elle tenta de s'échapper mais le Maître, plus vif qu'elle et surtout animé par la rage, la rattrapa et la serra contre lui. La jeune femme se débattait de toutes ses forces : hurlant, cognant et même tentant de mordre ces griffes assassines qui venaient d'arracher la couverture, son unique moyen de protection, de son corps. Taiyou la laissait faire, ricanant de ses pitoyables efforts, savourant le contact de sa peau nue  contre le tissu rugueux de son vêtement.

Les forces d'Aisu s'épuisèrent et des piques de glace se formèrent sur ses ongles. Une grimace dégoûtée apparut sur ses lèvres rougies par l'effort lorsque que l'haleine prédatrice de Taiyou frôla sa nuque.

— Tu croyais pouvoir m'échapper, Aisu ? lui souffla-t-il au creux de l'oreille, dois-je te rappeler que tu m'appartiens !?

Il la saisit par les épaules et la retourna pour qu'elle lui fasse face. Aisu lui adressa un sourire insolent avant de lui cracher à la figure.

Ne pouvant en supporter davantage, Taiyou poussa un grognement rageur et la jeta contre le sol. Le craquement d'un os qui se brise résonna dans la chambre. Aisu se mordit les lèvres jusqu'au sang pour réprimer la douleur lui brûlant la cheville.

Elle se dressa sur les coudes et tenta de ramper, mais Taiyou s'agenouilla et la saisit par sa cheville brisée. Il enfonça ses ongles dans la chair meurtrie et attira la maudite vers lui. Il l'obligea à s'allonger sous lui avant de sortir un poignard étincelant de la manche de son yukata.

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