Majinai

Chapitre 36 : La Libération du démon (5)

Après une marche qui lui avait semblé interminable,  Mizu se retrouva face au loup. Tout en le fixant du regard, elle s'agenouilla au sol.

Elle leva la main. N'était-ce pas Kijin qui la considérait comme une amie et non comme une petite poupée fragile ? Elle la tendit vers le museau de l'animal. Alors qu'attendait-elle pour lui parler ? Kijin devait être autant effrayé qu'elle !

— Kijin, reviens, murmura l'adolescente d'une voix étranglée par des sanglots qu'elle tentait à grand-peine de retenir. Je...

Les mots se brisèrent au creux de ses lèvres. Elle ne parvenait pas à exprimer avec de simples mots, tout ce que Kijin représentait pour elle. Elle avait peur de Majinai mais elle tenait à Kijin plus que tout au monde ! Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Quelles étaient donc ces curieuses émotions qui venaient de s'emparer de son cœur ? Elle ne parvint pas à leur donner un nom.

Juuki se rapprocha du loup et sous le regard ébahi de Kishin Akuma, passa ses bras maigrelets, dégoulinant de pluie, autour du cou du puissant animal. Majinai ne réagit pas et le museau collé contre l'épaule de l'adolescente se contenta de savourer cette étreinte.

— Kijin, chuchta Juuki tout en collant sa bouche à l'oreille de l'animal. Kijin, reviens... jamais on ne t'abandonnera... je t'en prie, Kijin.

Une larme roula sur la joue de la jeune fille et tomba sur le museau du loup, se mêlant au sang souillant la sombre fourrure.

— J'ai besoin de toi, répéta-t-elle en laissant ses larmes couler. On a tous besoin de toi, ne nous abandonne pas, pas encore... Kijin, si tu pars, moi, je  serai perdue...

Lorsqu'elle prit conscience devses propres mots, Juuki ne put réprimer la timide rougeur qui vint colorer ses joues humides. Que lui arrivait-il donc !? Quel était ce curieux sentiment qui lui enlaçait le cœur en une étreinte aussi brûlante que glaciale ? La seule fois où elle avait éprouvé pareille douleur, c'était lorsqu'elle se retrouvait face à Suna! Elle ne parvenait plus à comprendre ce que son pauvre cœur, cet infâme bourreau, lui faisait de nouveau endurer !

Tout d'un coup, un délicieux frisson picota sa peau. Elle sentit deux bras, bien humains, se nouer autour  de sa taille. Un parfum reconnaissable entre mille, rassurant et protecteur, vint lui chatouiller les narines tandis que des lèvres caressèrent son oreille :

— Moi aussi, j'ai besoin de toi et de vous.

L'adolescente redressa la tête, son regard croisa celui, voilé de larmes, de Kijin. Le jeune homme esquissa un sourire empli de gratitude avant de presser la jeune fille contre sa poitrine. Ses bras portaient encore la marque des griffes de Majinai mais celui-ci s'était à nouveau endormi dans son enveloppe charnelle. Du loup démoniaque, il ne subsistait rien, excepté une faible odeur de pourriture flottant dans l'air.

Le cri d'Aisu brisa la douce intimité qui s'était créée entre les deux jeunes gens. L'écrivain, poussant sa cousine de l'épaule afin de la détacher de Kijin, se jeta au cou du jeune homme et inonda sa figure de fougueux baisers.

— Mon tendre amant ! Tu m'as fichu une de ces frousses ! Je croyais t'avoir perdu à jamais !

Kijin sourit, la repoussa gentiment, avant de se tourner vers Mizu. La jeune fille essaya ses larmes à l'aide de sa manche avant de tendre la main vers lui. Kijin s'en saisit et la pressa avec affection.

Aidé par Aisu et de Juuki, il se redressa. Les deux maudites s'écartèrent de lui et l'adolescent, d'un pas encore hésitant, s'avança vers son frère aîné. Les deux Akuma s'observèrent pendant de longs instants, aucun des deux n'osant briser ce curieux moment.

— Kishin ? murmura Kijin d'une voix faible... ai-je...

L'exorciste ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Kishin se pencha vers son jeune frère et le serra contre lui, un peu maladroit. Kijin resta tout d'abord, les bras ballants, n'osant esquisser le moindre geste. Puis, rassuré par la présence de son aîné, enroula la taille de Kishin de ses bras et laissa sa tête reposer contre sa poitrine.

Kijin blêmit. Il se détacha précipitamment de Kishin et se recula de quelques pas.

Des curieuses images lui vinrent alors à l'esprit. Il ne se trouvait plus dans le jardin des Kamiaku mais dans une immense clairière nimbée de lumière. Il s'avança vers la source de lumière et se retrouva face à une femme, à la beauté surnaturelle. L'étrange créature, vêtue d'un long kimono blanc, tournoyait sur elle-même, dans un nuage de pétales de rose blancs. Fasciné, le jeune homme s'immobilisa pour mieux profiter de ce spectacle enchanteur. La femme cessa de danser et d'un geste lent,  se tourna vers Kijin. Ils échangèrent un  regard. Kijin put ainsi admirer la beauté de ses traits délicats et l'éclat triste de ses yeux clairs. La femme tendit la main vers lui, une main dont la paume était recouverte de pétales blancs. Le jeune homme s'en saisit et sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il baissa la tête et vit qu'il flottait au-dessus du vide ! Il quêta un regard de la part de la créature mais celle-ci se contenta d'esquisser un rictus avant d'ôter sa main de celle de Kijin.

La dernière chose qu'il entendit, avant de sombrer dans le vide, fut la voix de la créature, un murmure féerique lui chuchotant un seul : « libère-moi ».

Notes et autres blablas

1. J'ai posté l'un des chapitres les plus longs de cette histoire. Majinai le démon vient de se dévoiler pour de bon : charmante créature, n'est-ce pas?

2. Je m'excuse auprès des exorcistes pour ce rituel qui n'a rien de bien conventionnel, j'imagine.

3. Juuki / Kijin (le Jujin? le kijki?) ou le Mizu / Kijin ( le Mizin? le Kijzu?), faites votre choix de ship. 😅
Ou alors, vous êtes plus Suna / Juuki (le Sunki? le Juuna?). Les paris amoureux sont lancés! Sauf si un autre challenger entre dans la bataille des cœurs. 🤭