Majinai

Chapitre 34 : Une Rencontre explosive

Tout l'après-midi, Kishin demeura assis à sa table, guettant le retour des adolescents. Soudain, la sonnerie stridente de la fin des cours retentit et une horde d'élèves jaillit hors des murs de la bâtisse.

Kishin releva la tête et laissa son regard glisser sur Kijin qui se dirigeait vers lui, entouré de ses deux amies. Il se leva et alla à la rencontre des adolescents. Suna fit alors son apparition et salua Juuki d'un clin d'œil, avant d'en adresser un second à Kishin Akuma, rien que pour le suprême plaisir de faire verdir de jalousie, sa maudite préférée !

Dès que le jeune homme les quitta, le petit groupe se mit en route.  À l'avant, Mizu et Juuki demeuraient muettes, l'une pensant à ses problèmes de mathématiques ; la seconde, à ses problèmes de cœur. Juuki serra les poings pour réprimer le sentiment de jalousie qu'elle éprouvait à l'encontre de Kishin. Pourquoi Suna s'amusait-il à la provoquer de la sorte !? Il savait pourtant que la jalousie était son plus gros défaut ! Il le savait bien puisque lorsqu'il appartenait à sa bande de petites frappes d'opérettes, elle ne supportait pas les filles  qui s'approchaient trop près de lui et les quelques racailles qui s'entichaient de son frère de cœur ! Combien elle les avait haï les petites et nombreuses amies de Suna ! Chacune d'elle, avait eu le droit à une poupée à son effigie que Juuki s'empressait de faire brûler entre ses doigts. Elle n'avait pas supporté davantage les deux ou trois mecs qu'il avait fréquentés.Eux aussi, avait eu le droit de finir en cendres dans sa corbeille à papier.

La jeune fille secoua la tête : c'était ridicule de s'énerver pour si peu ! Après tout, même si elle aimait Suna, peut-être que lui, s'amusait simplement à jouer avec elle, comme il le faisait si bien avec ses conquêtes. Elle devait cesser d'être jalouse de cet abruti qui prenait plaisir à martyriser ses sentiments ! Elle n'avait pas à s'inquiéter de Kishin Akuma. Il ne ressemblait en rien à ces adeptes de la castagne qui étaient tombés sous le charme de Suna !

Derrière les deux filles, les deux frères Akuma eux aussi, étaient plongés dans leurs pensées respectives. De temps à autre, Kishin ne pouvait s'empêcher d'observer son cadet du coin de l'œil. Il ne pouvait nier leur étonnante ressemblance et Kishin croyait voir en Kijin, un double de lui-même, avec quelques années de moins ! Son cadet le fascinait pour une autre raison : sa troublante ressemblance avec leur père. Kijin possédait certaines de ses expressions et surtout, la profondeur de son regard. Tout en Kijin, respirait la noblesse et la fierté du clan Akuma. Il était fait pour être le Maître du clan si lui, Kishin, venait à disparaître. S'il n'avait pas été maudit par Majinai, Kijin aurait fait un bon chef de famille.

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Ils arrivèrent chez Aisu. Kishin  suivit les trois adolescents dans le salon et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit Aisu Kamiaku ! Il s'attendait à voir une vieille femme quelque peu austère mais rassurante, et il se retrouva face à une jeune femme, à peine plus âgée que lui et empestant l'alcool ! Jamais encore, il n'avait vu une femme pareille ! Celles qu'il côtoyait, de loin, étaient toutes des jeunes femmes sobres et dociles.

— Aisu ! s'écria Juuki tout en s'approchant de l'écrivain, affalée sur ses brouillons, un stylo à la main. Hé, l'ivrogne ! Debout !

La maudite parut émerger d'un long sommeil et eut un bâillement avant de se redresser. Son regard vitreux se posa sur l'inconnu qui la fixait d'un œil ébahi. Un sourire taquin apparut sur ses lèvres encore humides de vin

— Les enfants... minauda-t-elle, ce cadeau est des plus exquis, mais vous êtes en avance sur mon anniversaire...

— Idiote perverse ! s'exclama Juuki visiblement outrée par le comportement de sa cousine. Ce n'est pas un gigolo, c'est le grand frère de Kijin, Kishin !

— Le grand... grand frère de Kijin ? balbutia l'écrivain. Quelle charmante visite !

Elle se redressa en titubant et, sa bouteille toujours serrée entre ses doigts, elle s'approcha des deux Akuma. Son regard allait et venait entre Kijin et Kishin. Certes, elle en connaissait des frères qui se ressemblaient mais là, la ressemblance était telle que l'on pourrait croire que Kishin était un double de Kijin avec quelques années de plus ! Cela n'était pas sans lui déplaire... Ses goûts en matière de garçons ne s'arrêtaient pas seulement aux adolescents et aux hommes mûrs à tendance tyrannique, elle les appréciait aussi du même âge qu'elle !

— Kishin Akuma, murmura-t-elle d'une voix provocante. Intéressant...

Le jeune exorciste ne put réprimer le feu lui montant aux joues. Jamais encore, une femme n'avait osé l'approcher de si près !

— Mon chéri, déclara Aisu en se tournant vers Kijin. Pourquoi ne pas avoir dit que ton frère nous rendait une petite visite ?

— Parce que celle-ci n'était pas prévue, grommela le jeune homme.

L'écrivain, nullement déconcertée par cette humeur maussade, reporta son attention sur sa nouvelle proie.

— Aisu Kamiaku, se présenta-t-elle en s'inclinant devant son hôte. Je suis la propriétaire de cette demeure, la tutrice des deux charmantes adolescentes que voici et également la maîtresse de votre jeune frère.

— Je... je vous demande pardon !? s'exclama, abasourdi, le pauvre Kishin.

— Et je peux vous dire que votre petit frère est le meilleur amant que je n'ai jamais eu !

— Non, mais ça va pas la tête ! hurla Juuki pour mettre fin aux déclarations éhontées de son aînée. Arrête de dire des choses pareilles ! Tu les gênes ! Et puis jamais Kijin ne coucherait avec toi! Il a trop bon goût pour ça !

Mizu tenta de reprendre le contrôle de la situation et dit d'une voix timide :

— N'écoutez pas Aisu, Akuma-san. Elle a parfois tendance à exagérer la réalité. Kijin est un ami et rien de plus.

— Je sens comme un relent de jalousie dans vos propos, répliqua Aisu. Quel vilain défaut, la jalousie ! Vous ne trouvez pas, Kishin ?

Le jeune exorciste se tut, incapable de trouver la moindre répartie. Pour tenter de dissimuler sa gêne, il reporta son attention sur son cadet qui avait les yeux fixés sur le sol. Il releva la tête et s'adressa d'un ton poli aux trois femmes Kamiaku.

— Je tenais à vous remercier pour l'hospitalité que vous avez accordée à Kijin.

— Mais c'est tout naturel !
répondit Aisu. À propos, combien de temps va durer votre petit séjour parmi nous ?

Kishin s'apprêta à ouvrir la bouche mais Kijin le devança :

— Il part demain, comme moi. Il est venu pour me ramener au Manoir !

— Kijin... soupira l'exorciste.

Il voulut poser sa main sur son épaule, imitant ainsi une attitude propre à leur père, mais l'adolescent repoussa ce geste fraternel.

— Je t'interdis de me toucher ! Je croyais qu'on ne devait pas s'approcher du monstre des Akuma ! s'écria-t-il avant de s'enfuir hors de la pièce.

Les deux jeunes filles se lancèrent à la poursuite de leur ami. Aisu coula un regard surpris à Kishin qui ne sut soutenir regard. Décidément, son rôle ne serait pas aussi simple que cela.