Chapitre 40 : L'Antre de la Bête (1)

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En début d'après-midi, Aisu et les trois adolescents quittèrent leur demeure et se dirigèrent d'un pas peu pressé vers le Manoir des Kamiaku.

Kijin, qui marchait entre les deux jeunes filles, les observait à tour de rôle : la bouillante Juuki, poings serrés dans ses poches, tentait de réprimer la colère qui semblait prête à exploser à n'importe quel instant ; quant à la calme Mizu, ses yeux trahissaient la peur qu'elle éprouvait.

Sans doute, qu'à cet instant-là, en route vers la maison de son enfance, elle songeait aux souffrances endurées entre ces quatre murs. Et Aisu, elle ? À quoi pouvait-elle donc bien penser ? Comme si elle sentait le regard de Kijin posé sur elle, Aisu se retourna vers lui, cigarette pendue au coin des lèvres et lui décrocha un  sourire qui se voulait rassurant.

Ils arrivèrent à destination. Suna et Mori les attendaient devant le haut portail séparant le clan Kamiaku du reste de la civilisation.

La plus jeune des maudites était, pour une fois, vêtue d'une tenue plus que sobre. Sa robe longue et noire lui tombait jusqu'aux chevilles et son col emprisonnait son cou délicat. Le tissu épais de la robe cachait aux yeux des autres, son corps qui commençait à se parer des courbes de la femme.

Dès que Mori aperçut Kijin, un sourire radieux illumina ses traits gracieux et sans tenir compte des conventions, elle se jeta au cou de son ami.

— Jin-chan ! s'écria-t-elle tout en lui collant un baiser sucré et sonore sur les deux joues. Tu m'as trop manqué !

À la vue de Mori nichant sa tête contre l'épaule de Kijin tout en lui caressant les cheveux et en pépiant d'une voix gazouillante, Juuki esquissa une grimace dégoûtée : tant de minauderies, ça l'écœurait !

Ainsi, au lieu d'avoir une rivale, Juuki en avait à présent deux... Elle coula un regard mauvais à Mizu qui fixait la scène des retrouvailles entre Mori et Kijin d'un œil impassible. Lorsque les deux cousines se tournèrent l'une vers l'autre, la jolie Mizu perdit son air timide habituel. Les deux adolescentes s'affrontèrent longuement du regard, chacune espérait en secret, remporter la mise : le cœur de Kijin.

Mizu quant à elle, ne voyait pas en Mori une rivale. Tout au plus, était-elle une enfant un peu maniérée, qui s'amusait à imiter les femmes. L'adversaire qu'elle craignait le plus n'était autre que Juuki. Elle se sentait si transparente, si peu attractive face à la pétillante Juuki ! Certes, elle la surpassait en beauté, mais elle, Mizu n'était rien qu'une charmante petite coquille qui n'avait rien à offrir.

Face au tempérament flamboyant de Juuki, elle ne pesait pas bien lourd, l'adorable petite poupée de porcelaine fissurée, qui n'avait que pour seules armes de séduction son beau visage, ses larmes et ses souvenirs douloureux.

Juuki de son côté, se faisait les mêmes réflexions. Elle n'était pas de taille à lutter contre la trop jolie Mizu ! C'était un combat déloyal, perdu d'avance. Elle avait trop mauvais caractère et la langue bien trop pendue pour un homme aussi  taciturne que Kijin Akuma. Certes, elle avait accepté sa seconde apparence, le démon qui vivait en lui. Mais serait-elle capable de vivre aux côtés d'un homme soumis au poids de la tradition, aux règles de son clan alors qu'elle, ne cherchait que la liberté et à s'émanciper de sa malédiction ? Ces questions la taraudaient et les réponses qu'elle ne parvenait pas à trouver la mettait dans une colère noire !

Une branche au-dessus de la tête de Juuki s'enflamma et atterrit à ses pieds. Suna qui n'avait pour le moment pas ouvert la bouche, se manifesta à cet instant :

— Tes ardeurs m'ont l'air bien virulentes aujourd'hui.

Juuki, qui n'avait même pas pris la peine de le saluer, se tourna vers lui. Le regard noir qu'elle lui destinait, se changea en un regard stupéfait.

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