Chapitre 86: Larmes aurorales (2)

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Quand il entra chez Aisu à l'aube, en catimini, Kijin échappa de peu aux fines gouttelettes de pluie qui se changèrent en de violentes hallebardes.

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Mizu s'immobilisa, laissant ses amis la devancer et leva le nez en l'air. Le ciel était d'un joli gris, sa couleur favorite. Contrairement aux autres personnes se faufilant entre les flaques d'eau, elle ne s'était pas abritée sous un parapluie. L'eau était son élément, elle ne le craignait pas ! Elle ferma les yeux et laissa les gouttes d'eau glisser sur son visage. Un souvenir lui revint en mémoire. Elle était encore une enfant et Kaze, un tout jeune adolescent. Elle et son aîné s'amusaient dans le jardin à la recherche d'escargots. Mizu avait levé la tête, comme aujourd'hui, et avait demandé à son frère d'où venait la pluie. Et lui, avait répondu...

— Les gouttes de pluie, Mizu, sont les larmes d'un ange qui a un chagrin d'amour, murmura-t-elle.

— C'est poétique, c'est de toi ? demanda une voix au-dessus d'elle.

La pluie ne coulait plus sur son visage, elle ouvrit les yeux. Le parapluie de Kensuke Adams les protégeait tous deux de l'averse. Le jeune homme lui adressa un sourire chaleureux.

— Tu es encore plus adorable lorsque tu es perdue dans tes pensées !

La maudite sentit son visage s'enflammer. Une flaque d'eau se forma sous ses pieds, heureusement qu'il pleuvait, empêchant Kensuke de s'apercevoir du trouble qu'il provoquait en elle !

Le jeune homme se retourna vers le petit groupe marchant devant eux : Kijin se tenait à l'écart de Suna et Juuki qui ne dissimulaient plus leur relation et se tenaient par la main.

— Je croyais qu'ils étaient frère et sœur, demanda Kensuke en se grattant la tête.

Mizu secoua la tête pour effacer le beau regard du jeune homme de ses esprits.

— Non, ils sont cousins éloignés. Juu' est la fille adoptive du père de Suna.

— Tes histoires de famille me semblent bien compliquées et surtout, très étranges ! répliqua l'adolescent dans un grand éclat de rire.

— Et encore, reprit la jeune maudite, tu ne connais pas mon frère aîné, Kaze !

— Pourquoi dis-tu ça ?

— Kaze est en dehors de toute normalité...

— Mais vu que vous êtes frère et sœur, il doit être aussi génial que toi ! Je me trompe ?

La jeune fille secoua la tête en esquissant un timide sourire qui fit fondre le pauvre Kensuke.

— Il l'est... et ça fait que très peu de temps que je le sais.

— En tout cas, reprit Kensuke tout en décoiffant sa tignasse hirsute, j'aimerais bien le rencontrer un de ces quatre pour lui demander ta main !

— Pour tout t'avouer, je vais bientôt le rejoindre à Tokyo. Après les congés du Premier de l'An, je ne serai plus là, mais si tu es d'accord, je pourrai t'inviter là-bas !

Gênée par sa propre audace, la jeune fille baissa les yeux. Un voile de tristesse s'empara du visage de Kensuke.

— Tu t'en vas !? répéta-t-il d'un ton dépité. Moi qui commençais à peine à te connaître ! C'était pas prévu ça !

— Je sais, c'est un peu précipité... mais c'est mieux ainsi et puis, entre Kaze et moi, ça n'a jamais été très simple, on ne se parlait plus... c'est une façon pour nous de recoller les morceaux et j'ai envie de vivre avec lui.

— Je comprends, t'en fais pas ! Et puis, vu que l'année prochaine j'irai vivre à Tokyo, on se verra souvent... enfin, si tu ne m'oublies pas d'ici là !

— Aucun risque ! s'écria Mizu d'une voix enjouée.

Consciente de ce qu'elle venait de dire, elle plaqua la main contre la bouche, comme pour retenir les mots proférés. Face à Kensuke Adams, elle se sentait dépossédée de toutes ses facultés intellectuelles et ne parvenait pas à contrôler ses pensées et émotions.

— Pourquoi vas-tu à Tokyo ? demanda-t-elle d'un ton plus neutre.

— J'ai envie de tenter ma chance comme chanteur et comme ce n'est pas dans ce trou paumé que mon talent risque d'éclater, je préfère aller voir ailleurs !

— Je suis sûre que tu réussiras.

— On verra ! En fait, en parlant de musique, ça te dirait d'assister à l'une de nos répétitions ?

— Avec joie !

Mizu avait littéralement hurlé ces derniers mots. Consciente de son impair, elle piqua un fard et détourna les yeux en se reprochant cette conduite spontanée et quelque peu inconvenante, bien peu digne d'une jeune fille de bonne famille !

Elle s'éclaircit la voix et tenta de reprendre le contrôle de la situation :

— Avec plaisir.

Kensuke sortit une carte de visite qu'il tendit à la maudite.

— Si tu es toujours d'accord, viens ce soir vers dix-neuf heures, tout le groupe y sera.

Lorsque ses doigts frôlèrent ceux de son camarade, Mizu ne put réprimer le petit frisson d'excitation qui lui grimpa dans l'échine. Elle sentit une eau tiède lui glisser le long du corps avant de se répandre sur le bitume. La pauvre maudite se liquéfiait sous les beaux yeux de Kensuke Adams.

Le jeune homme baissa la tête et enfouit ses mains dans ses poches, pour contrôler son irrésistible envie de caresser la longue chevelure  de la maudite.

— Et si... on... enfin, bredouilla-t-il tout en passant une nouvelle main fébrile dans sa tignasse. Enfin, si on...

— Rentrait dans le lycée ? proposa Mizu, la gorge nouée.

— C'est ce que je voulais dire, répliqua Kensuke dans un grand éclat de rire nerveux.

Ils échangèrent un timide sourire avant de rejoindre la horde de lycéens massée devant le portail de l'immense bâtiment. La sonnerie retentit, le portail s'ouvrit et les jeunes gens pénétrèrent dans la cour, tels des oiseaux dont la cage venait d'être ouverte.  Mizu et Kensuke suivaient leurs camarades, épaule contre épaule, leurs doigts s'effleuraient dans leur marche, mais aucun des deux n'osa se saisir de la main de  l'autre.
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  Mizu et Kensuke suivaient leurs camarades, épaule contre épaule, leurs doigts s'effleuraient dans leur marche, mais aucun des deux n'osa se saisir de la main de  l'autre

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