Chapitre 81 : Âmes en peine (2)

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Un courant glacial, pareil à ceux que provoquait quelquefois Kaze, s'engouffra dans la pièce.

Les deux jeunes filles eurent un frisson et relevèrent la tête, craignant sans doute que ce ne soit Taiyou. Quelle ne fut pas leur surprise de voir Kijin se tenir sur le seuil de la chambre ! Un Kijin différent de celui qu'elles connaissaient...

Les yeux de ce dernier avaient pris la teinte écarlate du sang et les deux adolescentes virent avec effroi que ses mains étaient à présent pourvues d'une épaisse fourrure noire et se terminaient par des griffes acérées.

Tsuki se détacha de Mori et se releva. Lorsque son regard croisa celui de Kijin, elle lut toute la haine qui bouillait en lui, comme s'il venait de deviner tout ce qui s'était passé dans cette chambre sinistre.

Le regard du jeune homme alla entre Tsuki et Mori. Il esquissa un curieux sourire avant de quitter la pièce. Tsuki se lança à sa poursuite :

— Kijin !

L'adolescent se retourna et s'immobilisa pendant quelques instants. Tsuki se tenait debout face à lui et arborait un regard aussi dur que l'acier, pareil à celui que Taiyou posait sur ses maudits.

— Je t'interdis de t'approcher de lui ! cria-t-elle avant de se jeter sur  le possédé.

Le jeune homme esquiva son attaque et d'un habile coup d'épaule, envoya la jeune fille contre le parquet. Tsuki se releva en prenant appui sur le mur. Elle essuya d'un geste rageur, les gouttes de sang coulant le long de son menton. Reprenant courage, s'interposa entre Kijin et le shoji menant aux appartements de Taiyou.

Kijin l'observa avec attention : Tsuki ne baissa pas le regard et continua de le fixer d'un œil décidé. Son visage, bien que pâle et constellé de sang, affichait une détermination à toute épreuve. Elle paraissait prête à affronter Majinai et à sacrifier sa vie pour protéger son Maître.

— Kijin, laisse-le. Taiyou est notre Maître, il peut faire ce que bon lui semble !

— Laisse-moi passer ! la menaça l'adolescent d'une voix ivre de colère. Laisse-moi passer ou je n'hésiterais pas à te tuer !

Tsuki baissa les bras et lui coula un regard malheureux.

— Dans ce cas, je n'ai pas le choix, murmura-t-elle avant de fermer les yeux.

Une femme apparut derrière elle, enveloppée dans une lumière argentée. Surpris par une telle apparition, Kijin se recula d'un pas et protégea son visage de la lumière aveuglante émise par l'apparition. La femme, vêtue d'un long kimono argenté, entoura la frêle taille de Tsuki de ses bras gracieux, pressa le corps gracile de la maudite contre le sien avant de déposer ses lèvres contre sa nuque. La jeune fille poussa un gémissement plaintif avant de laisser Mikazuki s'emparer de son corps.

Lorsque Kijin baissa le bras, ce n'était plus la fragile Tsuki qui lui faisait face mais la démoniaque Mikazuki. Le sang avait disparu de son beau visage ; en revanche, celui-ci était éclairé par un rictus sardonique, qui loin de l'enlaidir, accentuait sa beauté vénéneuse. Kijin ne sut que faire face à pareille apparition ! Il ne savait comment soutenir ce regard haineux, magnifique dans sa démence. Ses yeux inouïs de splendeur, irradiant d'un profond désir de vengeance.

Kijin sut alors qu'il ne serait pas de taille à lutter contre le kami. Seul Majinai, pourrait parvenir à résister à son pouvoir. Ce duel ne le concernait plus ni lui, ni Tsuki. Il valait mieux laisser les kamis ennemis s'entre-déchirer pour de bon afin de régler leurs différends.

Kijin, suivant l'exemple de la maudite, ferma les yeux et invoqua le démon. Il sentit le souffle chaud de Majinai cogner contre son cou. Deux bras puissants s'agrippèrent à sa poitrine. S'abandonnant  à l'étreinte du démon, Kijin poussa un soupir et laissa sa tête rouler contre le torse du démon déchu. Il ne put réprimer un frisson lorsque les crocs acérés de Majinai se plantèrent dans son cou en un sauvage baiser. Kijin pensa une dernière fois à Tsuki avant de laisser Majinai prendre possession de son corps.

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant