Chapitre 75 : Rencontre sismique (2)

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Chii Kamiaku et Kishin Akuma sortirent de la bibliothèque et se rendirent dans un bar moderne, coincé entre un fast-food et un magasin de jeux vidéos. Ils s'isolèrent des autres clients, pour la plupart de jeunes étudiants, et s'installèrent sur une petite banquette aux couleurs acidulées, à l'écart du brouhaha et du haut-parleur grésillant diffusant le dernier tube à la mode.

Tout en sirotant le thé qu'il venait de commander, Kishin ne pouvait s'empêcher de jeter de petits coups d'œil furtifs à sa voisine. Malgré son attitude aguicheuse et son langage ordurier, il la trouvait ravissante. Il lui semblait qu'elle dissimulait une âme plus fragile, brisée presque, derrière ce masque d'assurance et de provocation. Il pouvait lire dans ses grands yeux marron, la flamme d'une profonde souffrance, que rien ne semblait pouvoir éteindre...

Chii releva le nez de son soda et, tout en dévisageant avec attention son interlocuteur, se mit à jouer avec sa paille pour dissimuler sa nervosité. Le regard de Kishin la mettait quelque peu mal à l'aise car il semblait capable de la mettre entièrement à nu. Elle ne supportait pas qu'autrui puisse ainsi sonder son âme et décortiquer ses émotions !

— Alors comme ça, ton frangin est un démon, murmura-t-elle, encore toute retournée par la révélation que le jeune homme venait de lui faire.

Kishin hocha lentement la tête en signe d'affirmation. Il n'avait pas hésité une seule seconde à lui dévoiler le secret du clan Akuma. Il avait confiance en elle, même s'il ne la connaissait que depuis une heure, il savait que Chii Kamiaku était le genre de personne qui préférerait mourir plutôt que de trahir une confession. Sans compter qu'elle aussi portait le poids d'une malédiction. Elle pouvait comprendre ce que lui, pouvait ressentir face à son cadet. Ce sentiment d'impuissance qui le submergeait parfois lorsqu'il songeait à l'avenir de Kijin. Un avenir qui s'annonçait sombre, sans aucun espoir...

— Cool, s'exclama alors l'étudiante, tirant Kishin de ses pensées.

— Je vous demande pardon !?

— Eh bein, j'trouve ça hyper kiffant d'être hanté par un truc limite psychopathe ! Sûr que c'est plus drôle et psychotisant que d'être possédé par un espèce de kami à la noix, tout juste bon à provoquer trois ou quatre averses ou deux tempêtes de neige !

— Je ne pense pas que mon frère voie les choses sous cet angle, soupira le jeune homme. À propos de kami, vous aussi, vous êtes maudite, n'est-ce pas ? Par quel l'esprit êtes-vous hantée ?

Chii se pencha vers lui. Un curieux sourire se dessina sur ses lèvres charnues.

— Quand on était dans la biblio, t'as pas ressenti de drôles de secousses ? Et j'parle pas de celles que j'ai provoquées dans ton yukata...

Déconcerté par de tels mots, le pauvre Kishin lui répondit par une série de balbutiements inaudibles, accompagnés de rougissements :

— Oui. Enfin, non... non, ce n'est pas... oui.

La jeune fille éclata d'un rire sonore :

— T'es trop à croquer, toi ! Si tu veux tout savoir,  je suis possédée par le kami de la terre et lorsque je suis soumise à des émotions un peu trop fortes, je déclenche des séismes.

Elle prit un air grave, qui la fit paraître beaucoup plus mûre.

— Pour t'avouer, j'en ai ma claque de cette foutue malédiction ! Pas le kami en lui-même mais plutôt des lois de mon foutu clan... et toi, pourquoi tu t'intéresses à la magie noire ?

Kishin croisa les doigts et planta son regard dans celui de la jeune femme, qui ne put réprimer un frisson. Tant de gravité, cela l'impressionnait ! Il lui semblait que Kishin Akuma n'était plus un puceau timide sans expérience, mais un vieux sage ayant affronté de nombreuses épreuves.

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