Chapitre 38 : Ombrageuse jalousie (1)

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Aisu et Raiu avaient pris place dans le salon, assis l'un face à l'autre, accoudés au kotatsu encombré par les brouillons, les mégots et les deux ou trois cadavres de bouteilles de l'écrivain. Les deux maudits se dévisageaient en silence, l'un comme l'autre, cherchait à graver les traits de l'autre pour mieux en rêver à défaut de pouvoir l'espérer.

La jeune femme fut la première à briser le silence :

— Je suis fière de toi, Raiu ! s'écria-t-elle d'un ton surjoué. Tu as fait des progrès question sociabilité !

— Comment dois-je le prendre ?

— Tu as été d' d'un dévouement tellement généreux avec mon jeune amant ! C'est une grande première, moi qui croyais que tu ne pouvais pas le sentir!

Le médecin baissa la tête pour masquer sa gêne : lorsqu'il avait vu Kijin s'agiter dans son sommeil, en proie au délire, il s'était rendu compte à quel point cet adolescent taciturne et dont il se méfiait, était en réalité un être fragile et probablement meurtri par son passé. Un enfant qui malgré son air bravache, avait encore besoin d'être protégé. Un enfant comme Tsuki.

— Tu as bien eu raison d'être aussi gentil, Raiu, je t'en félicite ! Mon jeune amant venait de subir une épreuve douloureuse et voir ta face austère n'aurait sûrement pas arrangé son moral déjà sérieusement entamé !

— Mais de quoi parles-tu donc !? demanda Raiu dans un froncement de sourcils. J'aimerais bien comprendre ce qui s'est passé ici !

Aisu plaqua sa main contre ses lèvres, comme pour tenter d'effacer les mots qu'elle venait à peine de proférer. Une fois de plus, elle aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue dans sa bouche au lieu de parler à tort et à travers !

— Rien ! s'écria-t-elle tout en se relevant avec précipitation. Rien du tout ! Oublie ce que je viens de dire, c'est sans importance !

Raiu ne voulait pas la laisser s'échapper. Il s'empara du poignet de la jeune femme et le garda prisonnier de ses doigts.

— Aisu, demanda-t-il d'un ton doux mais ferme, que s'est-il passé ?

Aisu tenta de se dérober à l'emprise de Raiu. Le regard qu'il posait sur elle, réveillait de douloureux souvenirs qu'elle croyait pourtant endormis... et que dire des sensations que procurait le contact de ses doigts contre sa peau !

— Mais rien, voyons ! s'exclama-t-elle tout en se tortillant pour lui échapper. Tu te fais des idées !

— Tu ne sais pas mentir, Aisu Kamiaku et surtout pas à moi.

Aisu cessa de s'agiter. Une lueur grave traversa son clair regard. Raiu ne parvenait plus à détacher sa main de celle de la maudite. Cette simple phrase venait de les renvoyer brutalement au passé.

Aisu lui décrocha un sombre regard, empli de haine et de rancœur. Raiu ne put le soutenir et préféra détourner les yeux plutôt que de l'affronter. Ce simple regard faisait déferler en lui, tout un tas de sentiments contradictoires qu'il s'était pourtant juré de ne plus jamais éprouver.

— Aisu, murmura le médecin d'un ton las, je crois qu'on devrait arrêter de se faire du mal, cela ne nous mènera nulle part. Nous sommes adultes, non ? Certes, on pourra jamais effacer ce qui s'est passé entre nous. Tu ne pourras pas oublier ce que je t'ai fait, comme moi, je ne pourrai jamais oublier ta trahison.

— Ma trahison !? Qui a le plus trahi l'autre ? Je ne représentais rien à tes yeux ! Alors pourquoi as-tu réagi ainsi !

— Aisu, je t'en prie...

Raiu releva la tête ; Aisu ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'elle vit le regard brillant de désirs que le maudit posait sur elle. Raiu lui, devait se faire violence pour ne pas succomber à l'irrésistible envie de la prendre dans ses bras pour la couvrir de baisers.

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