— Kamiaku-san !
Cette voix venue de l'extérieur et les coups qui l'accompagnaient tirèrent le jeune homme de ses rêveries. Presque à regret, Raiu détacha de son esprit le visage d'Aisu et se pencha pour ramasser son pantalon qu'il enfila avec précipitation avant d'ouvrir la porte d'entrée.
Une jeune femme lui faisait à présent face. Elle possédait de longs cheveux bruns liés en un chignon élaboré et un visage rond dans lesquel étincelaient de malicieux yeux couleur noisette. Comme toutes les domestiques du manoir, elle était vêtue d'un kimono blanc orné d'un obi gris. N'étant pas très grande, elle devait se hisser sur la pointe des pieds afin que le médecin la remarque.
Un sourire amical apparut sur le visage de ce dernier lorsqu'il reconnut, après quelques secondes de flottement, l'unique domestique qui lui était sympathique. Ce simple sourire fit battre le cœur de la domestique et ses joues se teintèrent d'une pointe d'incarnat.
— Kamiaku-san, répéta-t-elle d'un ton plus posé, Tsuki-san vient de se réveiller et réclame votre présence.
— Merci de m'avoir prévu, Satsuko-san, répondit le médecin.
La jeune femme se sentit fondre de bonheur : ce n'était pas seulement le regard du médecin et son sourire mélancolique qui lui faisaient de l'effet mais surtout le fait qu'il se tienne là, juste devant elle et torse nu ! Comme s'il devinait ses pensées, le pauvre Raiu piqua un fard et se recula de quelques pas.
— Je vais passer une chemise et j'arrive, grommela-t-il avec gêne avant de s'éclipser dans sa chambre.
La domestique s'abstint de lui hurler que cela ne la dérangeait absolument pas et qu'il pouvait rester comme ça ; que ses yeux, eux, en seraient ravis ! Mais avant qu'elle ne puisse ouvrir la bouche, Raiu était déjà revenu et avait revêtu une tenue plus correcte.
Accompagné de la jeune femme, Raiu quitta son pavillon et se dirigea d'un pas las vers le Manoir. Le médecin releva la tête et esquissa un sourire à la vue de la jeune femme qui marchait devant lui : de toutes les domestiques errant dans la demeure, celle-ci était, est de loin, celle qu'il préférait ! Elle ne se mêlait jamais des petites manigances se jouant au manoir, elle ne prenait ni le parti de Sen, ni celui de Taiyou. Efficace et silencieuse, les ragots glissaient sur elle, sans jamais tomber au creux de son oreille. Seul comptait son travail, le reste lui importait peu. De plus, grâce à sa patience et à sa joie de vivre, la jeune femme était la seule servante qui avait réussi à apprivoiser cette furie de Tsuki. Enfin, apprivoiser était un bien grand mot. Disons que Satsuko était la seule domestique sur laquelle Tsuki ne passait pas ses légendaires coups de sang.
La jeune femme se tourna vers le médecin et lui adressa un sourire, auquel il répondit bien volontiers. Ce qui eut pour fâcheux effet de faire rosir la domestique de plaisir ! Malgré l' affreuse cicatrice le défigurant et son tempérament taciturne, Raiu, aux yeux des nombreuses femmes à marier et autres jeunes filles en fleur peuplant le domaine, était et de loin, le plus beau spécimen mâle du clan Kamiaku !
Satsuko poussa un soupir et se retourna. Comme tant d'autres femmes, elle ne comprenait pas l'attitude de Hana Kamiaku. Pourquoi l'avait-elle quitté aussi brusquement et froidement ? Même borgne, un homme tel que Raiu Kamiaku, ça ne courrait pas les rues et il fallait tout mettre en œuvre pour le conserver, un fiancé comme lui ! Elle ne comprenait pas pourquoi, Raiu restait célibataire. Elle avait eu vent de quelques ragots circulant d'ici, de là, concernant Aisu, mais elle ne prêtait guère foi à ces rumeurs ! Aisu n'était-elle pas la favorite en titre de Taiyou ? Jamais une maudite ne se permettrait d'aimer un homme autre que son Maître !
Raiu, lui aussi, était plongé dans ses pensées. Il songeait aux propos tenus par Aisu lors de leur dernière querelle. Pouvait-il croire en elle ? Était-ce réellement pour lui, qu'elle s'était ainsi jetée au cou du Taiyou ? Ou était-ce encore une de ses manigances dont elle avait le secret ? En le tourmentant de la sorte, alors qu'elle savait maintenant combien il tenait à elle, ne cherchait-elle pas à se venger de lui ? Même s'il l'aimait plus que de raison, il ne pouvait s'empêcher de se méfier d'Aisu. Ne lui avait-elle pas crié, ce jour maudit, qu'elle se vengerait de lui ? Et puis, il ne l'avait pas reconnu dans la façon dont elle s'était offerte à lui. Cette Aisu-là, douce et amoureuse, il ne la connaissait pas ! Elle ressemblait trop à l'ancienne Aisu qu'il avait protégée autrefois, celle qu'il avait cru disparue à jamais...
VOUS LISEZ
Majinai
Paranormal" Sang maudit. Ta véritable nature. Ta malédiction." Kijin Akuma s'enfuit du manoir familial, les mains couvertes de sang et l'âme maudite. Après une longue errance, il trouve refuge chez Aisu Kamiaku et ses deux jeunes cousines. L'adolescent ne va...