Chapitre 27 : Piques au coeur

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La matinée était déjà bien avancée, lorsque Raiu Kamiaku quitta la maison principale et se dirigea vers son cottage afin de pouvoir s'y reposer quelques heures, avant de reprendre son service auprès de son malade.

Son pavillon, simple et de taille modeste, se trouvait être l'un des plus éloignés du Manoir. il y avait vécu depuis sa naissance, avec sa mère qui l'élevait seul et qui faisait en sorte de toujours le tenir à l'écart de la demeure du Maître.

Un triste sourire se dessina sur les lèvres du médecin quand il songea à sa défunte mère, disparue trop tôt, alors qu'il venait à peine d'intégrer le lycée.
Depuis ses quinze ans, il avait appris à se débrouiller par lui-même, en tentant tant bien que mal de tenir la promesse qu'il lui avait faite : celle d'être heureux. Mais depuis sa mort, il avait l'impression d'avoir tout mis en œuvre pour la trahir !

Le maudit secoua la tête pour chasser l'image de sa mère de son esprit et tenta de se concentrer sur le présent : il avait dû veiller toute la nuit sur un Tsuki en proie à une violente poussée de fièvre. Ses cauchemars apaisés, l'adolescent avait tout de même réussi à s'endormir peu avant que l'aube ne se lève, sa petite main poisseuse de sueur agrippée à celle de son médecin.

Raiu poussa un soupir las : malgré toutes ses connaissances, il ne savait plus quoi faire pour venir en aide à son malade, il ne pouvait qu'assister à sa lente et déchirante agonie. Aucun remède ne semblait pouvoir venir désormais à bout de ses souffrances. Plus le temps passait, plus le kami possédant Tsuki le dévorait chaque jour davantage.

Alors qu'il arrivait à son pavillon, bien décidé à profiter de quelques instants de tranquillité, Raiu eut la désagréable surprise de voir Aisu assise sur sa terrasse, le visage éclairé par la douce lumière de cette matinée hivernale et les yeux perdus dans le vague. Le jeune homme s'immobilisa quelques secondes pour mieux profiter de ce charmant spectacle ; se sentant épiée, l'écrivain releva la tête et lui adressa un sourire amical qui fit frémir le pauvre Raiu ! Il se tenait là, pétrifié par cette apparition aussi inattendue que magique ! Devant ses yeux ébahis se trouvait la Aisu d'autrefois, celle qui souffrait d'être rejetée par sa famille, l'adolescente fragile et sensible qu'il avait souvent consolée après une unième querelle entre elle et ses géniteurs. Celle qu'il prenait timidement dans ses bras lorsqu'il la retrouvait prostrée sous un arbre, la figure baignée de larmes silencieuses. Celle qu'il surnommait tendrement « sa petite pomme », en référence à sa petite taille et à son petit nez rond...

Retrouvant son air détaché habituel, Raiu reprit contenance et s'approcha d'elle, le visage aussi sombre qu'à l'accoutumée. Quand il se retrouva face à elle, Aisu se leva et son sourire radieux se changea en un regard glacial. Ils n'étaient à présent plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

— Puis-je savoir ce que tu viens faire ici ? attaqua le médecin d'un ton bourru.

— Quel charmant accueil, dis-moi ! Toujours aussi aimable ! répliqua l'écrivain sur le même ton sympathique.

Leurs chaleureuses salutations effectuées, Aisu esquissa un de ces sourires faussement taquin, véritablement sournois, avant de sortir un paquet rouge, joliment enrubanné, qu'elle tendit à son cousin.

— Joyeux Anniversaire, Docteur Love ! s'écria-t-elle tout en fourrant son présent dans les mains du jeune homme.

Raiu, surpris par une telle attention, se mit à caresser le papier d'une main tremblante avant de laisser tomber, du bout des lèvres, un « merci » quelque peu noué.

— Oh, mais c'est rien ! déclara alors Aisu tout en esquissant un geste désinvolte de la main droite, ce n'est qu'une babiole sans grand intérêt ! Et puis, je ne suis pas venue pour toi. Sais-tu quel jour on est à part bien sûr, celui de ton anniversaire ?

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant