Chapitre 20 : Les liens du Sang

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Raiu sortit de la pièce chaleureuse et arriva  dans l'aile abritant les appartements du Maître. Il se dirigea vers le shoji  entrebâillé et y donna trois petits coups discrets. Un « entrez » bref et autoritaire, proféré par une voix rauque se fit entendre. Le jeune homme fit glisser le panneau de bois sur les rails et pénétra dans la pièce obscure.

Taiyou Kamiaku lui tournait le dos, mains croisés derrière lui, il observait la pleine lune, seule source de lumière baignant la pièce d'une lueur irréelle, quasi-surnaturelle. Le  jardin derrière la baie vitrée avait revêtu son long manteau hivernal.

Raiu s'agenouilla sur le tatami, attendant patiemment que le Maître ne daigne lui accorder la parole. Taiyou se retourna vers son maudit, ses yeux de fauve se posèrent sur la nuque qui lui était présentée, telle une offrande.

Raiu serra les poings. Le regard de cet homme agitait son cœur de violents sentiments. Taiyou ressentait-il toute la haine que lui, Raiu, son maudit éprouvait à son encontre ?

Le maudit releva la tête et affronta le regard de son aîné et la réponse qui y lut, ne le surprit guère : cette haine était réciproque.

— Aisu est-elle arrivée ? demanda Taiyou.

Un curieux rictus se dessina sur les lèvres du maudit, ce qui ne plut guère au maître.

— Elle m'a fait savoir Maître, quand je lui ai porté votre invitation, qu'elle ne serait pas parmi nous ce soir, ainsi que Juuki et Mizu.

Soudain, un étrange murmure transperça le silence glacial dressé entre le Maître et son maudit. Raiu tourna la tête vers la droite et aperçut la silhouette tapie dans l'ombre, appuyée contre le pied de la méridienne.

L'étrange petite créature, vêtue d'un long kimono couleur de lune au col débraillé, jouait avec un lourd poignard au manche doré. Sur sa figure hideuse, nimbée par les rayons lunaires, était figé un sourire narquois, comme si la chose se délectait de la lutte muette se déroulant sous ses yeux.

Raiu n'eut pas le temps de s'attarder davantage sur sa contemplation, Taiyou se pencha vers lui et le saisit par le col de son kimono. Leurs visages n'étaient séparés que par quelques centimètres.

— C'est toi, n'est-ce pas !? hurla le Maître d'un ton furieux. C'est toi qui l'a empêchée de venir ici, avoue-le !

— Pourquoi aurais-je fait une chose pareille ? Je n'ai aucune autorité sur votre maudite. Vous n'êtes pas sans ignorer Maître, que Aisu n'est pas une femme qui se laisse dicter sa conduite, fût-il par un Maître ou un ancien ami...

Le visage de Taiyou s'assombrit encore davantage ; celui de Raiu en revanche, demeura impassible.

Le regard de Taiyou, prédateur et destructeur, se détacha de celui de son maudit et se glissa sur le nez, effilé comme le sien, avant de s'attarder sur ses lèvres figées en une attitude calme et résolue. Dans les traits de son maudit, Taiyou dut reconnaître, qu'il y voyait certains des siens, lorsqu'il observait son reflet. Mais la jeunesse et la grâce tragique des traits de Raiu lui conféraient un charme que lui, Taiyou n'avait jamais pu posséder ! Un élan de jalousie traversa le cœur du Maître et il resserra son emprise. Raiu déglutit avec difficulté mais tint bon et ne baissa pas les yeux.

— Comment oses-tu être aussi insolent avec moi ! murmura le Maître d'un ton menaçant tandis que son visage se rapprochait de celui de son rival. Aurais-tu oublié qui je suis !?

Raiu laissa tomber d'un ton détaché :

— Non, Maître.

Cette réponse, proférée d'un ton indifférent eut pour fâcheux effet d'accroître  la fureur du chef des Kamiaku.

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