Majinai

Épilogue (2)

Après de longues heures de route et de sommeil, Ryuji Akuma découvrit enfin le Manoir Kamiaku dont il avait parfois surpris le nom dans la bouche de ses parents.

Le petit garçon se redressa de la banquette arrière et plaqua son nez contre la vitre. Son père lui jeta un œil à travers le rétroviseur.

— Qu'en penses-tu, Ryuji ?

— C'est encore plus grand que la maison ! s'exclama le garçonnet, dont le manoir familial faisait pourtant l'admiration de ses camarades de classe.

Kishin coupa le contact et ne put qu'acquiescer aux propos de son fils. Lui aussi, avait toujours été impressionné par l'immensité des lieux désormais condamnés à l'abandon.

Il sortit de la voiture et ouvrit la porte à son fils qui fit quelques pas afin de chasser les fourmis grimpant dans ses jambes engourdies. Ryuji fit un tour sur lui-même avant de se précipiter vers le portail escladé tant de fois par Kijin Akuma.

Les deux Akuma pénétrèrent dans le jardin dévoré par les mauvaises herbes et les ronces. Ryuji trottinant devant son père, ne put s'empêcher de s'arrêter pour admirer les statues couvertes de lierres. Il caressa la curieuse petite taupe, qu'il avait de suite trouvé attachante, avant de s'attarder longuement sur la statue représentant une louve solitaire.

Tout d'un coup, un rire dément troubla la quiétude du jardin abandonné. Ryuji eut un frisson et se retourna vers son père, en quête d'une explication :

— L'Ancien Maître des Kamiaku, se contenta de répondre, laconique, le Maître du clan Akuma.

Il voulut entraîner son fils loin de ce rire qui s'était changé en une voix laissant échapper un flot d'obscénités, mais Ryuji lui échappa.

Vif comme l'éclair, piqué par la curiosité, le garçonnet courut jusqu'à la voix et découvrit une petite fenêtre flanquée de barreaux entre lesquels pendait une main masculine. Les injures cessèrent, remplacés par une curieuse petite comptine que Ryuji ne connaissait pas...

L'Enfant Neige est né

Fils du Soleil et de la Glace,

L'Enfant Neige est né...

Comme s'il avait perçu la présence de Ryuji, le prisonnier devint muet. Ryuji se hissa sur la pointe des pieds, pour adresser la parole à l'individu, lorsqu'une main se posa sur son épaule et avec douceur, l'écarta de l'ancien Maître du clan Kamiaku.

— Je te conseille de te tenir à l'écart de cette personne.

Ryuji se retourna avec vivacité et se retrouva face à un homme, plus jeune que son père, arborant un piercing aux deux arcades sourcilières et des cheveux décolorés ; un épais trait de khôl mettait en valeur ses yeux d'une couleur particulière, rappelant celle du sable. Ryuji se confondit en excuses, le jeune homme s'agenouilla et lui décrocha une bourrade affective.

— T'en fais pas le mioche ! Dis-moi, tu ne serais pas celui que tout le monde attendait ?

Voyant l'air ahuri de l'enfant, son interlocuteur tendit sa main, couverte de bagues argentées, et serra sa menotte entre ses doigts dont le majeur était tatoué d'une alliance.

— T'es le petit Akuma, pas vrai? J'suis un ami de ton oncle Kijin et bordel, tu lui ressembles comme deux goutes d'eau !

Le nom seul d'Akuma fit réagir le prisonnier. Sa main parsemée de cicatrices se saisit d'un barreau et tenta de l'arracher de son socle.