Chapitre 96 : Le fruit de leurs entrailles

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Aisu sortit des appartements de Sen et sous le regard abasourdi des domestiques, quitta les lieux au pas de course, les yeux baignés de larmes gelées.

Dès qu'elle eut franchit la porte du Manoir, elle redoubla d'efforts et se dirigea vers le portail. Soudain, une violente douleur lui déchira le bas ventre, sa vue se brouilla ; son pied s'agrippa dans une racine, elle chancela avant de tomber au sol. Le corps tremblant et secoué de sanglots, elle s'avança vers le cottage lui faisant face.

Le souffle court, elle se laissa tomber sur la terrasse en bois mais lorsqu'elle reconnut le pavillon, ses pleurs redoublèrent d'intensité. Son instinct l'avait directement conduit là où vivait Raiu ! Aisu replia ses genoux sous son menton et caressa son ventre pour apaiser ses souffrances. De la glace se forma peu à peu autour d'elle et bientôt, la terrasse ressembla à une patinoire nouvellement construite.

— Aisu...

La jeune femme refusa de le regarder. Mais elle ne put résister bien longtemps et vaincue, fatiguée de lutter contre lui, elle succomba. Son regard qu'elle tenta de rendre dur et cruel comme autrefois, croisa, celui honteux et désolé de Raiu Kamiaku.

— Pardon, chuchota-t-il d'un ton coupable.

Aisu ne voulait plus l'écouter ! Une fois de trop, il l'avait trahie ! Elle était lasse de devoir lui pardonner ses erreurs. Il lui avait volé Yuki ? Elle lui avait pardonné. Il l'avait méprisée, considérée comme une dépravée alors qu'elle avait simplement voulu épargner sa vie ? Elle avait cédé et lui avait accordé son pardon. Mais aujourd'hui, elle ne voulait pas. Elle haïssait Sen Kamiaku et jamais, elle ne pourrait lui pardonner cette incartade !

Surmontant sa douleur, Aisu se redressa et se retrouva à la même hauteur que son amant. Pour la première fois, elle pouvait planter son regard dans le sien sans avoir à se hisser sur la pointe des pieds ! Cela lui procurait une certaine assurance face à ce grand dadais inconstant et stupide !

— Tu n'as pas à t'excuser ! chuchota-t-elle d'une voix mielleuse. Après tout, nous ne sommes pas mariés et tu as le droit de batifoler avec n'importe quelle vieille putain, ça m'est complètement égal !

Elle lui coula un regard méprisant et s'apprêtait à descendre les marches, mais Raiu l'attrapa par le bras.

— Où comptes-tu aller maintenant ?

La jeune femme lui décrocha un regard faussement ingénu, véritablement perfide.

— Mais voyons, coucher avec Taiyou, quelle question ! Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Je dois lui manquer...

Le visage de Raiu s'assombrit et sa main se resserra autour du poignet d'Aisu. Au-dessus de leurs têtes, le ciel s'obscurcit et d'épais nuages noirs se dessinèrent à l'horizon. Un éclair déchira le ciel et se brisa en un sinistre grognement.

— Tes tours, je commence à les connaître, Raiu Kamiaku ! Si tu crois qu'un orage va m'impressionner !

Elle voulut s'échapper mais Raiu, toujours muet, raffermit son emprise. Aisu blêmit et commença à se débattre.

— Lâche-moi ! hurla-t-elle, lâche-moi, tu me fais mal, espèce de brute !

Elle se mit à le rouer de coups brutaux tout en lui crachant des insultes. Peu à peu, sa fureur et sa jalousie s'apaisèrent, remplacées par des sanglots convulsifs. Larmes qui se changèrent en de petits cristaux de glace. Combien Raiu la trouvait belle dans sa détresse ! Combien il l'aimait lorsqu'elle laissait entrevoir sa fragilité après un déferlement de colère !

N'y tenant plus, il se pencha vers elle et lui déroba un baiser qui, espérait-il, lui prouverait qu'elle était la seule femme qu'il aimait à en perdre la raison ! Aisu écarquilla les yeux de stupeur : ce baiser volé ressemblait si peu à Raiu qu'elle en était toute retournée ! Ils échangèrent encore des baisers avant qu'à regret, Raiu ne lui relâche le poignet, mettant fin à leur foudroyante réconciliation. Aisu ne s'avoua pas pour autant vaincue :

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant