Chapitre 50 : Un matin de canicule

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La voix perçante de Juuki Kamiaku arracha Kijin de ses pensées ou plutôt de son unique obsession : Tsuki Kamiaku.

-—Foutus maths ! s'écria l'adolescente tout en brandissant son manuel de géométrie. J'voudrais bien savoir qui est le tordu qui a osé inventer des saloperies pareilles pour lui en coller une !

Le manuel s'enflamma et bientôt, il ne fut plus qu'un tas de cendres fumantes. Kijin esquissa un sourire amusé en songeant à la réaction de leur professeur de mathématiques lorsqu'il verrait l'état de décomposition du manuel de Juuki.

— Désolé, déclara le jeune homme en réprimant un fou rire, je ne peux te venir en aide. Les chiffres et moi, ça fait deux !

— Moi aussi, grommela une Juuki visiblement de fort mauvaise humeur. J'y comprends que dalle ! Et puis d'abord, c'est qui ce Pythagore et c'est quoi le rapport entre ce foutu bonhomme et les triangles à quatre côtés ? J'vois pas pourquoi on se tue à apprendre des formules mathématiques qui ne servent à rien ! Tout le monde s'en fout de savoir qu'un triangle peut être équilatère !

Mizu releva la tête du livre — un pavé historique consacré à l'économie du Japon pendant l'ère Meiji — qu'elle était en train de lire et adressa un regard hautain à sa cousine se débattant avec les cendres de son manuel.

— Ce n'est pas pourtant pas si compliqué, ma chère Juuki. Ce n'est qu'une question de logique, chose dont tu es totalement dépourvue

L intéressée se leva d'un bond, ses yeux étincelaient de rage,  prête à incendier Mizu sur place. Celle-ci bondit à son tour et un concert d'insultes déferla dans le salon.

Kijin poussa un profond soupir et se boucha les oreilles pour échapper aux invectives des deux cousines. Un jet d'eau lui frôla la nuque, bientôt suivie par une gerbe de flammes rougeoyantes. Le jeune homme se mit ventre à terre pour échapper aux deux éléments que déchaînaient les deux cousines et se couvrit la tête d'un coussin qui se trouvait à sa portée.

Décidément, plus il les découvrait, moins il y comprenait quelque chose aux femmes ! Après les mathématiques et les pensées de Majinai, les femmes étaient sans doute l'une des sciences les plus compliquées de ce monde !

Les mots d'oiseaux et autres insultes échangés entre Mizu et Juuki tirèrent Aisu de son sommeil. Tout en pestant contre la chaleur, les adolescents et l'alcool, elle quitta son lit en titubant, parcourut le couloir en s'accrochant au mur et descendit l'escalier d'un pas lourd, manquant à plusieurs reprises de glisser sur une marche.

Son arrivée interrompit la dispute des deux jeunes filles. Sous les regards  réprobateurs de ses cousines, la jeune femme s'écroula près de Kijin, posa sa tête contre son épaule avant de s'emparer de la carafe d'eau qui se trouvait à sa portée.

— Les filles un peu de calme, grimaça-t-elle tout en vidant la carafe d'un trait, j'ai un de ces mal de crâne ! Ah, foutue chaleur ! Je hais l'été !

Elle reposa la carafe et se saisit d'une bouteille de saké à moitié vide. Elle la porta à ses lèvres, en avala les dernières gouttes avant de poursuivre son monologue décousu :

— C'est vraiment pas humain, un temps pareil !

— Si tu buvais moins, peut-être que la chaleur t'affecterait moins, répliqua Mizu d'un ton autoritaire.

Aisu éclata d'un rire sonore et brandit sa bouteille.

— Merci môman pour tes conseils, j'prends note !

Elle coula un œil enjôleur à Kijin.

— Dis chéri, j'aurais besoin d'une petite douche pour me rafraîchir... tu m'accompagnes ?

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant