Kijin retrouva Juuki sur la terrasse. Assise, les genoux repliés sous le menton, son amie semblait en proie à de bien sombres pensées. L'adolescent prit place à ses côtés. Ils restèrent un long moment ainsi, seuls, bercés par ce silence les unissant tous deux.
Juuki, se décida enfin à prendre la parole :
- Dis Kijin, tu dois bien avoir une famille... pourquoi t'en parles jamais ?
Il ne put réprimer le sourire amer qui se dessina sur ses lèvres : sa famille ? Mais de quelle famille parlait-elle donc ? Le clan Akuma méritait-il un pareil titre ? Non ! Ce terme lui était totalement inconnu. Son père, le seul être qui l'avait aimé, était la seule famille qu'il possédait, avec cette mère dont il chérissait le souvenir. Les autres Akuma plus ou moins proches par le sang, le rejetaient tous sans aucune exception, lui, le paria, le monstre.
- Je n'ai pas grand chose à te dire, répondit-il. Mon père. Mon père...
Il se mordit les lèvres pour réprimer ses sanglots.
- Est mort et c'est moi qui... peu importe, oublie ça. Quant à ma mère, elle aussi est morte, le jour de ma naissance...
- C'est pour ça que tu as fui, pas vrai ? Parce que tu étais orphelin et que personne ne voulait de toi...
Kijin acquiesça à cette demi-vérité.
- Tu es comme moi, un orphelin.
Le jeune homme détourna les yeux. Juuki était si sincère avec lui et il souffrait des mensonges qu'il lui racontait afin de masquer l'horrible vérité : il était l'unique responsable de la mort de ces êtres chéris.
- J'avais trois ans quand ma mère est morte, reprit Juuki. Quant à mon père... elle esquissa un geste désinvolte de la main gauche, volatilisé quand elle s'est retrouvée en cloques, faut dire qu'elle était à peine plus âgée que moi lorsqu'elle m'a eue. C'était une Kamiaku, elle était un véritable canon mais pas forcément très intelligente. Je suppose que mon géniteur l'a joliment embobinée, lui a fait gober un tas de mensonges pour l'engrosser avant de se tirer. Il a bien eu raison, notre famille est un nid à timbrés !
Kijin écoutait avec attention les confidences de son amie. Celle-ci perdit brusquement son air indifférent. Un voile de tristesse s'empara de son regard couleur de feu.
- Elle m'a jamais supporté d'avoir une fille maudite. Elle disait toujours que mon paternel avait foutu le camp à cause de moi. Elle a fini par se suicider, deux boîtes de somnifères et hop, on n'en parle plus ! Quant à toi Juu, débrouille-toi toute seule !
Des larmes glissaient sur les joues de la jeune fille ; larmes qu'elle s'empressa d'essayer d'un geste rageur.
- C'est vraiment trop con de chialer pour un truc aussi débile !
- C'est pas con, c'est normal...
La jeune fille ne put s'empêcher de piquer un fard. Le sourire de Kijin et surtout ses yeux, la rassuraient et lui apportaient un certain réconfort. Elle n'avait jamais ressenti de pareils sentiments, excepté en compagnie de Suna.
- Comme tu t'en doutes, aucun Kamiaku n'a voulu de moi. Non seulement j'étais maudite mais en plus, j'étais la gamine d'une dingue et d'un inconnu, alors tu penses bien que ça embêtait pas mal de monde, sauf les parents de Suna.
Un sourire attendri remplaça les larmes de l'adolescente.
- Ils m'ont offert un vrai foyer, au début, je me méfiais d'eux, j'croyais que c'était uniquement par pitié qu'ils faisaient ça... mais non, ils m'aimaient comme leur fille. Ce sont mes vrais parents et pas cette folle et l'autre fantôme. Et Suna, leur fils, est devenu mon frère.
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Majinai
Paranormal" Sang maudit. Ta véritable nature. Ta malédiction." Kijin Akuma s'enfuit du manoir familial, les mains couvertes de sang et l'âme maudite. Après une longue errance, il trouve refuge chez Aisu Kamiaku et ses deux jeunes cousines. L'adolescent ne va...