Chapitre 30 : Le poids des erreurs

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Les quatre adolescents  se rendirent dans la salle à manger. Dès qu'il fut installé, Suna tira une cigarette de la poche de son court blouson de cuir et la porta à ses lèvres, sans se soucier du moins du monde des regards ébahis et désapprobateurs que braquaient sur lui, les trois adolescents lui faisant face. De son autre main, il fouilla dans la ceinture de son jean et en retira un briquet en forme de tête de mort et d'un geste vif, enflamma le bout de sa cigarette.

— Quoi ? demanda-t-il  tout en exhalant une profonde bouffée de nicotine. Pourquoi vous me fixez avec ces yeux de merlan frit ? Vous n'avez jamais vu une personne cloper ou quoi !? Vous devez être habitués avec Aisu !

Juuki se dressa d'un bond, lui arracha la cigarette des lèvres, manquant  au passage, de lui décrocher la mâchoire et écrasa l'arme nocive dans le cendrier.

— Hé ! protesta son cadet. T'as pas le droit de faire ça ! T'as vu le prix des clopes de nos jours !?

— Si, j'ai le droit. Tu n'as que seize ans, Suna Kamiaku ! Et Aisu, elle, en a vingt-cinq ! De plus, cette perverse est loin d'être un exemple à suivre !

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de l'adolescent.

— Tu t'inquiètes pour la santé de mes poumons, grande sœur ?

— Pour les miens, surtout !

Les deux adolescents s'affrontèrent du regard, sous les yeux  amusés de Mizu. À les voir comme ça, on pourrait croire que Juuki et Suna s'entendaient comme chien et chat. Pas une journée ne se passait sans qu'ils ne se chamaillent ou se disputent du temps où ils vivaient sous le même toit. Mizu savait que ces sympathiques querelles dissimulaient aux yeux des autres, la véritable nature des sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Des sentiments interdits qu'ils ne devraient pas ressentir. Pas seulement à cause de leur condition de maudit, mais parce qu'aux yeux de la morale, ils étaient liés par le nom.

— Au fait Suna, s'enquit Mizu d'une voix douce. Depuis quand es-tu revenu ?

— Hier soir. Mais j'ai été quand même obligé d'assister au Premier de L'An, le mois dernier. J'étais un peu déçu, j'espérais vous y voir. Rien à signaler à ce sujet. À part qu'il était un peu musclé que les années précédentes. Mori tentait de divertir son monde, Kaze n'est venu qu'à la fin du repas, Taiyou a piqué une de ses crises, Raiu s'est sûrement pris une trempe vu qu'il n'était pas là, et le petit Yun a passé la soirée au milieu de sa morve et de ses larmes. Bref, un premier de l'An normal du moins, pour un Kamiaku maudit !

En entendant le nom tant craint du chef de famille, Mizu ne put réprimer un frisson. Seul Kijin s'aperçut de son malaise ; d'un geste affectueux, il déposa sa main sur celle de l'adolescente assise à ses côtés. Juuki et Suna ne virent pas les doigts du maudit  s'entrelacer à ceux de leur cousine.

— ... et tout ça pour te dire que...

Suna s'interrompit et décrocha un regard inquisiteur à Mizu.

— Hé ! Tu m'écoutes ?

La jeune fille s'arracha à regret du regard de Kijin et se tourna vers son cousin.

— Oui, pourquoi ?

L'adolescent esquissa un sourire amusé.

— Vraiment ?

Mizu piqua un fard et baissa la tête, gênée. Juuki, jusque là demeurée muette, en profita pour prendre la parole :

— Et cette fois, tu comptes rester définitivement ?

— Ouais, j'pense bien, répondit Suna avec sa nonchalance habituelle. Et puis, le bercail commençait sérieusement à me manquer.

Un sourire radieux éclaira alors le visage de Juuki.

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