Chapitre 52 : Un coup de soleil, un coup d'amour

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Un timide rayon de soleil tira Kijin de son sommeil. Il repoussa les draps, frotta ses paupières engourdies et quitta la chambre. Avant de refermer la porte, il se tourna vers la forme endormie sur le lit voisin du sien et ne put réprimer un sourire amusé : Suna dormait la bouche grande ouverte, le torse nu et les bras ballants ; de temps à autre, un bruyant ronflement jaillissait de ses lèvres closes, troublant le silence de la demeure.

Le jeune homme prit le couloir menant aux chambres, descendit les escaliers, traversa la cuisine avant d'ouvrir la large baie vitrée donnant sur le salon. Il s'installa sur la terrasse en bois pour assister au lever du soleil. Jamais encore, il n'avait vu un spectacle aussi stupéfiant de beauté. Il ferma les yeux pour mieux humer l'air marin que le doux vent d'ouest portait jusqu'à lui. Jamais encore, il ne s'était senti autant en paix avec lui-même, oubliant pendant quelques instants, ce sang maudit coulant dans ses veines, cette malédiction qu'il portait comme un fardeau.

Depuis le début de son séjour, Majinai ne s'était pas manifesté une seule fois, laissant son enveloppe charnelle, partager des moments de complicité avec ses amis. Kijin savourait chaque minute passée au côtés des Kamiaku, sans songer à l'avenir, insouciant comme tous les adolescents de son âge.

Il sentit une douce caresse glisser sur sa joue. Il ouvrit les yeux et vit avec surprise, une petite rose blanche posée sur ses genoux. Il la ramassa et effleura les pétales de ses lèvres.

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Quelques heures plus tard, dans la chambre face à celle de Kijin et Suna, Juuki Kamiaku se réveilla. Elle se redressa en grommelant, ébouriffa sa courte chevelure avant de jeter un regard à sa cousine. Mizu dormait profondément, un sourire épanoui accroché aux lèvres. La flamboyante adolescente eut une grimace. À voir le sourire de sa cousine, il était évident que celle-ci était en train de faire un rêve agréable !

Juuki se leva, passa un fin gilet sur son débardeur et descendit dans la cuisine avec la ferme intention de s'empiffrer de sucreries. Elle y trouva Suna, le coude posé sur la table, dévorant avec voracité, le restant du bœuf au gingembre de la veille. La jeune fille ne put réprimer un sourire amusé : comme quoi, elle n'était pas la seule à souffrir de fringale matinale !

— Tu es un vrai garde à manger sur pattes ! l'interpella-t-elle avant de s'asseoir face à lui.

L'adolescent lécha ses doigts dégouttant de graisse avec gourmandise avant de pousser le plat bien entamé vers Juuki :

— T'en veux ?

En guise de réponse, elle se saisit d'un bout de viande et l'engloutit avec avidité.

Plusieurs minutes passèrent ainsi, silencieuses, seulement rythmées par le bruit de mâchoire des deux jeunes gens. Juuki, de temps à autre, ne pouvait s'empêcher de jeter un furtif coup d'œil à son cousin : simplement vêtu d'un pantalon de cuir noir et torse nu,  Suna était à croquer !

Les joues de la jeune fille s'empourprèrent. Le grille-pain derrière Suna commençait à dégager une petite fumée grise. Elle devait se ressaisir et arrêter de reluquer son cousin comme s'il était un énorme gâteau au chocolat, fourré de fraises juteuses, saupoudré d'une montagne de chantilly et d'amandes grillées, baignant dans une mare de crème anglaise mêlée de pépites à la praline. Il n'était que Suna, son frère adoptif. Celui qu'elle avait envoyé paître un mois plus tôt ! Son Suna, son frère et rien d'autre !

— Tu sais ce que je trouve étrange Juu ? lui demanda-t-il, brisant ainsi ce silence pesant.

L'adolescente s'arracha à regret de sa tendre contemplation et releva la tête.

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant