Majinai

Chapitre 82 : Une Famille (6)

Loin de l'atmosphère protectrice du cocon d'Aisu, les deux frères Akuma se trouvaient dans le jardin entourant la propriété, sous une pluie glaciale.

Lorsque Kishin se décida à prendre la parole, Kijin lui prêta une oreille attentive : il brûlait d'impatience d'en savoir davantage sur sa malédiction et celle des Kamiaku et surtout, de comprendre le lien qui les unissait l'une à l'autre.

— Comme je te l'ai déjà dit, Majinai était l'un des démons les plus puissants existant dans ce monde. Il est cité dans plusieurs légendes et les Anciens le vénéraient lors de rituels sacrés et secrets pour échapper à sa colère. Majinai tenait en son pouvoir nombre d'éléments et il les manipulait à sa guise. Lorsqu'il était en colère ou simplement pour se distraite, il était capable de déclencher un ouragan ou un séisme. Il aimait les humains comme un enfant aime les insectes. En plus de ses dons, Majinai tenait sous sa coupe la moitié des kamis peuplant les forêts, le ciel et les océans. Tu ne peux t'imaginer à quel point, son pouvoir et son aura étaient immenses. Il avait bâti un véritable clan tout autour de lui. De nombreuses divinités le respectaient comme un vrai chef de meute, et comme tout bon chef de famille, Majinai avait ses préférés...

— Laisse-moi deviner, les Douze qui aujourd'hui possèdent les Kamiaku maudits ?

— Exactement. Son grand favori, grande favorite pour être plus précis, n'était autre que l'un des plus puissants kamis, Mikazuki, le kami lunaire. Elle était la plus dévouée de ses sujets et lui vouait une véritable adoration. Mikazuki était aussi d'une jalousie maladive, bien des fois, les pauvres mortelles ou kamis qui eurent le malheur de partager la couche du démon subirent les foudres de la kami ; car vois-tu, Majinai avait un point faible...

— Les femmes ?

— Oui. Nombreuses furent celles qui eurent le démon comme amant. La séduction était l'un des passe-temps favoris de Majinai, il s'amusait à prendre différents visages : celui d'un cygne, d'un taureau ou même d'une pluie d'or, pour charmer la proie sur laquelle il avait jeté son dévolu. Il existe bien des légendes à ce sujet d'ailleurs. Mais là n'est pas la question... Toujours est-il qu'un jour, Majinai rencontra une jeune fille à peine sortie de l'enfance, à la troublante beauté et ce fut elle, qui le conduisit à sa perte. La jeune mortelle était issue d'un clan des plus prestigieux, chéri des dieux : les Kamiaku. Malheureusement pour Majinai, la belle avait déjà un autre prétendant qui n'était autre que son plus grand rival, le kami solaire, Asahi. Ces deux-là se vouaient une haine féroce et tenace, le kami essayant de voler la place au démon.

— Lequel des deux a-t-elle finalement choisi ?

— Patience, l'histoire est loin d'être finie... La candide déclara alors qu'elle ne s'offrirait qu'au plus puissant des deux. Majinai et Asahi décidèrent de réunir onze kamis choisis au hasard pour les départager.

— Ceux qui possèdent les Kamiaku ?

— Exact. Les kamis durent choisir un Maître : voulaient-ils garder Majinai ou alors le remplacer par Asahi ? Majinai croyait être préféré à son rival. Il avait tort. Depuis quelque temps déjà, les kamis complotaient contre lui afin de l'évincer du pouvoir. L'occasion était trop belle pour se débarrasser de lui ! À l' unanimité, ils élurent Asahi en tant que nouveau Maître.

— Même Mikazuki !? Mais je croyais qu'elle aimait Majinai !

Un curieux sourire se dessina sur les lèvres de Kishin.

— Tu connais les femmes, lorsqu'elles sont trahies par leur amant, elles font tout pour leur pourrir la vie, même les divinités n'échappent pas à la règle...