Chapitre 58 : Coeur éthylique

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Kijin se réveilla en sursaut et porta la main à sa cicatrice : il lui semblait qu'un feu incandescent lui dévorait les entrailles ! Pourtant, la voix de Majinai ne s'était pas fait entendre. Qu'est-ce que cela pouvait donc bien signifier ?

Le jeune homme replia ses genoux sous le menton et se plongea dans ses réflexions. Il venait de faire un bien curieux rêve. Il avait vu un curieux petit animal aux longues oreilles, un de ces rongeurs du désert, se libérer d'une chaîne faite de sable avant de se transformer une chose qui n'avait d'humain que l'apparence, car il se dégageait de cet homme, une aura mystique...

Il repoussa ses draps et encore tout engourdi de sommeil, quitta sa chambre. En traversant le couloir, il se risqua à jeter un coup d'œil à la chambre de Mizu : son amie, devenue il ne savait comment sa petite-amie, dormait profondément, les poings serrés et repliée en position fœtale. Elle était tellement jolie... Le cœur de Kijin se serra à la vue de la fragile adolescente qu'il ne savait pas comment aimer. Il s'écarta de la porte et se rendit dans la cuisine.

Alors que Kijin était en train de se désaltérer, la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas et une Aisu, passablement éméchée, fit son apparition dans le vestibule. D'un pas titubant, une bouteille vide à la main et une cigarette pendue au coin des lèvres, elle se dirigea vers le kokatsu et s'y affala sans grâce. Son front roula entre les cadavres de bouteilles laissés à l'abandon et ses nombreuses pages de brouillon, qui toutes étaient tachées d'alcool.

Après ce retour de vacances des plus catastrophiques, elle avait écumé les différents débits de boissons de la ville.

La jeune femme éclata d'un rire pâteux avant de porter la bouteille à ses lèvres et d'aspirer les dernières gouttes du liquide ambré. Comment pouvait-elle être aussi stupide, aussi aveugle !? Pourtant, elle n'était plus la petite fille qui jadis, vouait un véritable culte à Raiu ! Elle était adulte alors pourquoi s'acharnait-elle à aimer cet homme qui l'avait trahie, qui n'avait pas su l'aider lorsqu'elle avait eu besoin de lui ! Pourquoi s'accrochait-elle à cet être insensible, ombrageux et d'une jalousie quasi maladive alors qu'elle ne lui appartenait pas !

— Je te hais, Raiu Kamiaku ! s'écria la maudite tout en envoyant valser la bouteille à présent vide, contre le mur d'en face.

La bouteille se fracassa en plusieurs débris de verre, ce qui arracha un sourire amer à l'écrivain : son cœur se trouvait dans le même piteux état que cette foutue bouteille et probablement, son pauvre foie maltraité par ses excès !

Kijin, attiré par le tumulte provoqué par Aisu, sortit précipitamment de la cuisine, un verre d'eau à la main. Planté sur le seuil du salon, il lança un regard ironique à l'écrivain affalé sur la table basse, au milieu de ses manuscrits.

— C'est un nouveau sport à la mode, le lancer de bouteilles vides ?

Aisu se redressa d'un bond et coula un sourire faussement sensuel, véritablement idiot, à l'adolescent lui faisant face.

— Mon jeune et fougueux amant ! s'exclama-t-elle d'une voix pâteuse. Toujours aussi sexy, même au beau milieu de cette foutue nuit !

Kijin s'avança dans la pièce et prit place face à Aisu. La figure de celle-ci, devint plus grave.

— Désolée, Kijin... Moi qui tenais à t'offrir des vacances de rêve, c'était quelque peu raté...

— Moi, je n'ai rien regretté, mais toi, où as-tu passé la nuit ?

— Excellente mais néanmoins dérangeante question! Si tu veux tout savoir, je suis allée noyer mon chagrin dans le saké. Le seul point positif dans cette affaire est que j'ai récolté plein de numéros de téléphone ! Les numéros de beaux bishos à la cervelle de moineaux...

Elle alluma une nouvelle cigarette et la porta à ses lèvres. Un sourire taquin apparut sur les lèvres de la jeune femme.

— Mais dis-moi, entre Mizu et toi, ça m'a l'air d'être bien parti... J'aurais plus parié sur Miss-je-m'enflamme-pour-un-rien, mais il semblerait que le petit Suna soit revenu dans la course...

Kijin sentit son visage s'empourprer. Honteux, il baissa la tête.

— Je... enfin avec Mizu, ce n'est pas...

— Allons mon jeune amant, ne sois pas si timide ! dévergonde-toi un peu ! Tu sais, t'as bien raison d'en profiter ! Faut pas être gêné, tu sais ? Moi aussi j'ai été jeune et fougueuse, et j'ai aussi intensément pratiqué le bouche à bouche, avant de tester le corps à corps !

— Vous êtes compliquées, grommela Kijin.

— Je te demande pardon !?

L'adolescent releva la tête et répéta d'un ton désespéré :

— Je ne comprends rien aux femmes ! Je ne sais pas ce que c'est, d'être amoureux ! Quant à Mizu, elle se trompe sur mon compte ! Je ne suis pas le petit ami idéal.

Aisu se mit à scruter le jeune homme avec attention.

— Dis-moi, mon petit démon, tu l'aimes vraiment notre Mizu ?

— Je ne sais pas, avoua Kijin dans un haussement d'épaules.

— Écoute, si tu sors avec elle uniquement par compassion, ce n'est pas correct.

— J'apprécie beaucoup Mizu et je ne veux surtout pas la blesser ! Peut-être qu'avec un peu de temps, je finirais par tomber amoureux d'elle...

Aisu leva les yeux au ciel au signe d'exaspération : pourquoi les hommes étaient-ils tous des indécis et imbéciles chroniques ? Entre Kaze qui ne parvenait pas à oublier sa trahison envers Mizu ; Raiu qui ne lui parlerait sans doute plus jamais et Kijin qui ne savait pas s'il aimait ou non, Mizu, il y avait vraiment de quoi se cacher la tête sous le sable ! Seul Suna justement, semblait savoir ce qu'il désirait. Lui au moins, il n'était pas compliqué ! Une Juuki suffisait à son bonheur et il ne se prenait pas la tête sur des détails sans importance !

La jeune femme tendit la main vers la poitrine de l'adolescent et la posa près de son cœur. Kijin la fixait d'un œil ébahi auquel Aisu répondit par un sourire des plus doux, qu'il ne lui connaissait pas.

— Le jour où tu tomberas réellement amoureux Kijin, tu le sauras. Tu n'auras pas besoin de mots ou de réfléchir pour le savoir. Lorsque tu es amoureux, la personne que tu aimes, occupe la moindre de tes pensées, à chaque minute de ton existence, et tu es prêt à tout, même au pire parfois, pour attirer l'attention de cette personne sur toi. C'est ça, ma définition de l'amour, Kijin. À toi de décider si elle te convient ou pas.

Elle se pencha et lui effleura les lèvres d'un baiser.

— En tout cas, la femme que tu aimeras devra bien s'occuper de toi, sinon, je n'hésiterais pas à lui arracher les yeux ! Mais en attendant ce grand jour, sache que je tiens à rester la grande favorite dans ton petit cœur démoniaque.

Elle conclut sa tirade par un fringuant éclat de rire avant de se redresser d'un pas chancelant. Elle se tourna vers la grande baie vitrée et vit alors le soleil poindre à l'horizon. Elle esquissa un sourire à l'attention de Kijin, qui semblait encore perdu dans ses pensées.

— Et si j'allais nous préparer un gros truc à grignoter ? Je crois qu'on en a tous besoin, déclara-t-elle tout en quittant le salon pour rejoindre la cuisine.

— Et si j'allais nous préparer un gros truc à grignoter ? Je crois qu'on en a tous besoin, déclara-t-elle tout en quittant le salon pour rejoindre la cuisine

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Notes et autres blablas:

Le point Aisu : Un bisho ou bishonen désigne un beau gosse dans un manga.

MajinaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant