Ils arrivèrent enfin chez Aisu. Lorsque Kijin descendit du véhicule, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit un chêne orné de fleurs et d'oiseaux dépassant du toit de la maison de l'écrivain ! Il se tourna vers le médecin, accoudé contre le toit de la voiture. Celui-ci grommela un vague « mori » que Kijin ne parvint pas à saisir.
Les deux hommes s'approchèrent de la demeure et quand ils ouvrirent la porte d'entrée, trois lapins en sortirent en courant, pourchassés par un renard au ventre traînant au sol, la gueule grande ouverte sur des crocs acérés. Kijin s'apprêtait à ouvrir la bouche, mais la mine sombre de Raiu le dissuada de tout commentaire. De bruyants sanglots jaillirent de la pièce, accompagnés par des cris aigus :
— Juuki est méchante avec moi !
Ces cris furent bientôt suivis de ceux si agréables à entendre de l'aimable Juuki :
— Boucle-la, idiote ! Et fais disparaître tout ce bordel avant que je ne t'en colle une !
Kijin et Raiu pénétrèrent dans le salon métamorphosé en une forêt de contes de fées. Le parquet était recouvert d'un épais tapis de verdure, parsemé de fleurs odorantes et de champignons aux couleurs chatoyantes. Le tronc du chêne prenait racine sur la table basse et une multitude d'animaux avaient pris possession des lieux : des oiseaux volaient partout dans la pièce, saccageant les meubles et semant des plumes sur leur passage. Une famille de lapins, les oreilles dressées, regardaient la télévision tandis qu'un jeune faon commençait à s'attaquer à la bibliothèque d'Aisu.
— Du calme, Juu, souffla une voix près du chêne.
Kijin aperçut alors Aisu. La jeune femme était assisse derrière la table basse, une cigarette pendue au coin des lèvres. Elle ne semblait guère prêter attention à la scène et encore moins aux deux écureuils qui, tout en piétinant ses manuscrits, s'amusaient avec ses mèches de cheveux.
— Ça ne sert à rien de s'énerver, murmura-t-elle tout en exhalant une profonde bouffée de nicotine.
Kijin vit alors Juuki qui se tenait non loin d'Aisu. Face à elle, se trouvait une petite fille agenouillée au sol, le visage baigné de larmes. Larmes qui se changeaient en fleurs dès qu'elles touchaient le sol.
— Au lieu de rester planter là à cloper, tu f'rais mieux de trouver une solution ! s'écria Juuki visiblement à bout de nerfs.
Le cendrier qui se trouvait devant Aisu s'enflamma. L'écrivain tendit la main, un peu de glace se forma sur ses doigts et glissa sur les flammes, étouffant ainsi ce début d'incendie.
La petite fille se tourna vers Kijin. Ses pleurs cessèrent aussi vite qu'ils étaient apparus. Elle se leva et d'un geste gracieux, épousseta sa robe afin d'être plus présentable et se dirigea en sautillant vers un Kijin de plus en plus perplexe. La petite fille fit une petite révérence, un sourire ravi accroché aux lèvres. Au même moment, une horde de colombes jaillit des branches du chêne et forma un cœur au-dessus de la tête de Juuki, qui, n'appréciant guère les volatiles, les carbonisèrent sur place d'un simple regard. La petite fille releva la tête, claqua des doigts et le salon reprit son apparence habituelle.
— Je me présente, Mori Kamiaku, fit-elle en esquissant une gracieuse révérence. J'ai quatorze ans et je suis possédée par le kami de la nature.
— Quatorze ans !?
Kijin lui décrocha un regard ébahi, à la voir, il lui aurait donné neuf ou dix ans ! Il avait du mal à croire que cette petite fille, portant une robe digne de celle d'Alice au pays des Merveilles, soit une collégienne de trois ans sa cadette.
Mori esquissa un sourire amusé à la vue du regard stupéfait de son nouvel ami.
— On dit toujours que je fais plus jeune que mon âge !
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Majinai
Paranormal" Sang maudit. Ta véritable nature. Ta malédiction." Kijin Akuma s'enfuit du manoir familial, les mains couvertes de sang et l'âme maudite. Après une longue errance, il trouve refuge chez Aisu Kamiaku et ses deux jeunes cousines. L'adolescent ne va...