Une journée et demie, c'est le temps qu'il nous fallut pour rejoindre Dauper. Le soleil timide de décembre se cachait derrière les nombreux nuages gris. Sasha était en tête de file et le Caporal-chef fermait la course.
Traversant les vallées, les plaines et les forêts denses, je ne pouvais m'empêcher d'être terrifiée à l'idée de revoir mes parents. Ils ne savaient pas que j'étais en vie et c'était par peur autant que par volonté que Sasha et moi avions toutes deux décidé de leur cacher la vérité, peut être que dans le fond : nous pensions que je n'allais peut-être pas passer le test du temps.
Cette peur de mourir était de plus en plus intense jour après jour parfois même l'air venait à me manquer en pleine tempête : je n'aurais jamais pensé être aussi fragile face au danger. La mort avait cette capacité, cette force de nous rappeler à notre condition, notre humble condition d'humain, enfin, étais-je un être humain ? Peut être étais-je un simple démon pourvu d'une apparence humaine, mais ça non plus, je ne le savais même pas.
À notre grande surprise, le ciel se dégagea lorsque nous arrivions vers les hameaux avoisinant Dauper, chose rare puisque la région était connue pour sa brume et son ciel encombré. Était-ce de bon augure ? Je l'espérais.
Je me répétais les phrases que j'allais dire à ma mère et puis à mon père, mais de quoi devais-je m'excuser ? De leur avoir menti ? D'avoir fait tout le contraire de ce qu'ils m'avaient demandé ? Je n'avais été ni prudente, ni futée. Je m'étais jeté dans les flammes de l'enfer et j'avais accueilli le danger à bras ouvert.
En repensant à ça, je me rappelais soudainement que le Caporal leur avait annoncé lui ce que je faisais. Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule pour entrevoir sa silhouette qui me suivait de près, et expirai, y avait-il une chance pour que mes parents aient oublié que leur fille était une prostituée ? J'en doutais franchement, j'allais me prendre une sacrée correction et celle-là, je l'aurais bien mérité. Même moi qui me pensais dépourvue de tout instinct maternel, j'aurais été horrifiée de savoir que mon enfant se donnait à des inconnus aisés ou pauvres, malintentionnées ou non.
Si un jour, j'avais un enfant qu'il soit au antipode de sa mère sinon je ne le supporterais pas.
Arrivés à Dauper, nous dûmes traverser une partie du centre du village ; les guirlandes, tonnelles et animations nous rappelaient que le village s'apprêtait à célébrer le solstice. Cela n'allait pas de pair avec notre plan de nous faire discrets, Sasha décida, nous faire couper par la ferme des Hausser là où non loin, Luca avait été mis en terre. Cette histoire sordide était tombée dans les abîmes de nos mémoires enfin, c'était ce que je pensais ou secrètement espérais. Je ne pus m'empêcher de ralentir en passant devant la pierre tombale de l'homme, l'âme frissonnante de dégoût et les jambes presque tremblantes.
Je me donnais quelques claques mentales pour me ressaisir, l'heure n'était pas à l'apitoiement sur soi, car j'étais sur le point d'être témoin de l'ampleur de mes dégâts.
La ferme n'avait pas changé, mais la saison hivernale la rendait particulièrement triste : les animaux étaient à l'intérieur et leur parc était vide. Les couleurs du paysage qui m'était tant familier semblaient presque monochromes. L'hiver était un monde fragile et beau, mais parfois, il était bien fade.
Nous arrêtâmes les chevaux dans la cour, le Caporal-chef se chargea de les accrocher pendant que, comme à mon habitude, je planquais derrière Sasha en arrivant devant notre maison. Je n'aurais jamais pu être enfant unique, le confort d'avoir Sasha était bien trop vital pour notre équilibre familial. Les mains tremblantes, j'attrapais son bras convaincue que nous ne nous en prenions pas de la bonne manière, mais quelle était la bonne manière ?
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La Princesse des Rues : Redemption [TOME 2] - LEVI X READER -
FanfictionSix mois et une centaine de lettres perdues plus tard, le Caporal Chef Levi et celle qu'on surnomme à présent la succube de Mithras sont encore séparés. Leur amour inachevé a laissé un grand vide, un trou béant dans le cœur de l'homme, qui ignore to...