Une centaine de soldats s'étaient regroupés sur la petite place devant la taverne, la nouvelle avait frappé le QG comme un vent violent frappe les parois d'une falaise.
Ella avait été assassinée pendant notre déplacement à Caranes et je ne pouvais m'empêcher de penser que j'en étais en partie responsable.
Le trou noir dans lequel je fus happé lors de l'annonce de sa mort était presque similaire à celui qui m'avait aspiré lorsque j'avais appris le décès de Trisha, c'était comme si on m'avait arraché à un souvenir et qu'il m'était impossible d'y retourner.
Enfin, si, j'aurais pu m'y replonger, mais cela aurait été trop douloureux, acide et morcelé comme les parois d'une vitre brisée qu'on aurait tenté de recoller avec de la cire.
Je n'avais pas froid, mais je frissonnais de dégoût et de peur : les nymphes, les prostituées, la matérialisation de mon passé, mon présent et mon futur étaient aux mains d'un ennemi invisible qui s'étendait comme une épidémie mortelle.
Et si je devenais une cible ?
Nombreuses étaient les roses et les bougies qui avaient été déposées en forme d'autel près de l'entrée de la taverne, des présents bien terne face à la lumière qu'apportait Ella. Son sourire avait le pouvoir d'éclairer les nuits les plus sombres, même moi, je m'en étais rendu compte, je me demandais où elle était partie à présent, où ses rayons avaient bien pu aller.
Les lèvres sèches et les traits pétrifiés par la terreur, j'étais là, debout, parmi les soldats, le visage relevé vers le ciel pour empêcher mes larmes de couler : cela était vain, car rien ne pouvait les empêcher de déborder. Le ciel était encombré de nuage, le ciel lui-même était agité par la scène qui se profilait devant lui, il n'y avait rien qui veillait sur nous, cela en avait été la preuve. Si personne n'était là pour protéger les plus faibles alors pourquoi est-ce que ce monde existait ?
Ce monde était affreux, monochrome et sans pitié pourtant nous nous y accrochions comme si l'espoir lui-même était matière à continuer.
Qu'avais-je donc fait ? Ce jour-là où j'avais quitté le foyer de Lisa pour le Bataillon, pour faire changer Sasha d'avis, qu'avais-je fait ?
Et,
Pourquoi est-ce que je continue à présent ?
Je n'aurais jamais pu prédire que ces agissements auraient engendré tant de chaos.
Je me cachais derrière les soldats plus grands, c'était trop difficile de voir l'autel, de voir le visage dévasté des proches d'Ella et je ne mis pas longtemps à fondre en larmes dans les bras de Sasha. La joue écrasée contre son épaule, je me cramponnais à sa veste kaki comme je me serais accrochée à une corde au fond d'un puit. Le poids d'une culpabilité suffocante commençait à m'envahir les épaules et je devais m'en débarrasser au plus vite.
Devais-je supplier Edward de retrouver ces meurtriers ? Non. Il m'aurait ri au nez et je ne parlais même pas du Bataillon qui ne pouvait qu'attendre les indications de l'armée.
Quelle ironie.
La journée fut ponctuée de moments moroses et maladroits, nous étions tous très occupés à reprendre nos tâches journalières au QG en dépit des mauvaises nouvelles qui s'enchaînaient.
Malgré tout, la nuit arriva vite et je constatais rapidement que le sommeil me fuyait.
Dans un silence rythmé par le souffle de Liselle, je restais de marbre face à la fatigue qui dansait devant moi. Cette frustration à gagner le sommeil, j'aurais pu la toucher de mes mains tant elle était évidente.
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La Princesse des Rues : Redemption [TOME 2] - LEVI X READER -
FanfictionSix mois et une centaine de lettres perdues plus tard, le Caporal Chef Levi et celle qu'on surnomme à présent la succube de Mithras sont encore séparés. Leur amour inachevé a laissé un grand vide, un trou béant dans le cœur de l'homme, qui ignore to...