Chapitre 60

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Vingt-quatre heures.

Vingt-quatre heure à tenir en attendant l'arrivée d'Isaac et de Vildred.

Les pires vingt-quatre heures de ma vie.

Les heures passent, l'angoisse monte.

Une question principale hante mon esprit. Vont-il arriver à temps pour me sauver? La mystérieuse personne vient à vingt heures, et d'après ce que j'ai entendu, elle vient pour me chercher. Les deux hommes doivent impérativement arriver avant vingt heures et je sais que ça va se jouer à rien. Une journée de voiture sépare la Nouvelle Orléans de New-York. Isaac m'a confirmé qu'il essayerait de rouler le plus vite possible, mais un imprévu est vite arriver. Il tente de me rassurer par message, demande de mes nouvelles toutes les heures, ce qui me rassure et me calme un peu. Je suis seule dans ma chambre, mais il veille sur moi à distance. Je ne les remercierai jamais assez de se déplacer un vingt-quatre décembre. Vildred ne fête pas Noël, mais je sais qu'Isaac tient à cette tradition familiale. Malgré moi, je l'empêche cette année d'être présent auprès de sa famille.

On a convenu avec le jeune homme que je sortirai par la fenêtre de ma chambre, je sauterai du premier étage, et j'escaladerai le portail pour les rejoindre quand ils m'auront donné le signal. Sauf qu'une chute de trois mètres n'est pas anodine. Si je tombe mal, je finirai au mieux paralysée. Mais, j'ai déjà une idée de ce que je vais faire. Je vais faire tomber mon matelas et ma couette dans le jardin, par la fenêtre, et gonfler un matelas pneumatique que je gardait dans mon placard durant l'époque où je faisait venir des copines chez moi, de sortes que tout soit empilé pour amortir la chute.

Sauf qu'il y a un petit problème. Je ne peux pas utiliser le gonfleur électrique, parce que mon père entendra le bruit. Je suis donc obligée de le gonfler à la bouche. Ce sera donc long et fatiguant.

Autre problème qui renforce le premier. Je n'ai ni bu ni manger de la journée. Il reste encore toute une nuit et une journée à passer et je sais que mon père ne viendra rien m'apporter. Je vais donc rester un jour et demi sans eau. Je sais que les premiers symptômes de déshydratation vont apparaître au bout de vingt-quatre heures. Une baisse de la vigilance, d'énergie, de la tension artérielle et un épaississement du sang. Cela se termine généralement par un coma puis par un arrêt cardiaque. Je dois donc gonfler le matelas avant que je sois déshydratée, parce qu'il y a un risque que je perde connaissance.

La journée de demain va être rude, je le sais.

Je m'attelle donc à la tâche avant de m'endormir. Je gonfle à la bouche, inspiration par inspiration, expiration par expiration. C'est dur, mais je tiens le coup pour le moment. L'instinct de survie me maintient éveillée, et me force à continuer de le gonfler. Je n'ai pas le choix si je veux réussir à m'évader.

La peur qui m'anime est insupportable.

Ce serait mentir de prétendre le contraire.

J'ai peur de faire un faux pas. J'ai peur que mon père m'entende. J'ai peur de ne pas réussir à sauter, à escalader. J'ai peur de me faire surprendre. J'ai peur de ne jamais pouvoir revoir Isaac et Vildred de ma vie.

Je n'ai pas envie.

Je n'ai pas envie de marquer la fin de tout ça, maintenant.

Il faut que je tienne.

Je parviens au bout de plusieurs heures à gonfler le matelas. J'ai terminé. Épuisée et assoiffée. Des mots de tête martèle mon crâne, mais le soulagement d'être arrivé au bout me fait tenir le coup.

La journée de demain va être très longue et éprouvante. Je le sais. Il faut que je profite de cette dernière nuit pour dormir et économiser l'eau que je garde encore en moi.

DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant