Chapitre 75

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|Vildred|

La nuit commençait à tomber sur La Nouvelle Orléans.

Vildred était un homme plutôt solitaire. Paradoxalement, les établissements qu'il aimait le plus côtoyer étaient les bars. Il se mettait la plupart du temps dans un coin de la salle, observant les consommateurs perdre pieds sous l'impact de l'alcool. Il ne ressentait pas d'émotion, c'est vrai, mais, voir les autres perdre le contrôle lui procurait une certaine satisfaction. Il se sentait plus fort, plus intouchable, plus inarrêtable, plus invulnérable.

Ce soir-là, Vildred était venu passer du temps dans un bar très excentré de la ville, à la frontière d'Haharan, une banlieue située dans le Sud-Est de la Louisianne, collée à La Nouvelle Orléans. Ce lieu lui était encore inconnu. Il voyageait dans son éternel cabriolet en direction de Central Business District, quand il aperçut le vieux bâtiment, perdu à l'orée d'un bois et dissimulé par une épaisse couche de brouillard. Il ne put se l'expliquer, mais son flair le poussa à franchir les portes.

Étonnement, pour un bar situé en périphérie de la ville, il n'était pas vide. Pas plein non plus, mais certaines tables étaient partiellement remplies de locaux déjà ivres.

Vildred s'assît sur un tabouret, au bar central. La serveuse était en train d'essuyer des verres sur le comptoir. Elle était assez jeune, peut-être la vingtaine. De longs cheveux noirs et bouclés tombaient sur ses épaules nues, dévoilant une peau brune sans aucun défaut.

Quelque chose attira tout de suite son attention. Une chaîne était suspendue à son cou et laissait suspendre à la naissance de sa poitrine un pendentif orné d'un symbole qu'il avait déjà vu quelque part. Le symbole d'un arbre de vie avec un œil ouvert au milieu de son tronc.

Cependant, il ne se souvenait plus de l'endroit où il l'avait aperçu. Il se souvint juste du sentiment prononcé d'intrigue qu'il avait ressenti le jour où il était tombé dessus.

— Vous voulez mes yeux ? Lança la jeune femme au Chasseur, sur un ton mi-agressif mi-défensif.

Vildred détacha alors son regard de la poitrine de la serveuse pour les planter dans ses yeux bruns.

— Ce collier, où vous l'êtes-vous procuré ?

La jeune femme redirigea son regard sur les verres qu'elle était en train d'essuyer, et continua son travail, sans répondre à la question du client.

— Je sais qui vous êtes, articula-t-elle, sans émotion dans la voix.

Ce lieu de la ville n'était pas réputé pour accueillir des Surnaturels, pourtant. Il pensait qu'il passerait plutôt inaperçu. De toute évidence, elle non plus n'était pas humaine, si elle connaissait son identité. Il devina aisément l'espèce à laquelle elle appartenait en observant sa manière de bouger ses mains et ses doigts.

— Étonnant qu'une sorcière ne m'ait pas refusé l'entrée de son établissement, déclara-t-il en la dévisageant d'un regard appuyé.

— Ce n'est pas mon établissement. Je suis employée. Je n'ai donc pas le contrôle sur le refus des clients, à partir du moment où ils paient, répliqua-t-elle, en s'en allant à l'autre extrémité du bar.

Vildred attendit qu'elle revienne pour continuer la conversation.

— Vous n'êtes pas vraiment sorcière. Vous êtes à moitié humaine. Vous naviguez entre les deux mondes sans véritablement trouver votre place. Vous travailler dans un environnement humain, mais, pourtant vous porter sur vous un talisman. N'est-ce pas ? Ce que vous avez autour du cou est un talisman, autrement vous auriez déjà répondu à ma question. Étant à moitié humaine, vous êtes de toute évidence incapable de produire un objet contenant autant de magie. Donc, je réitère cette dernière : Quelle sorcière vous a-t-elle fourni ce talisman ?

DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant