La Légende du Soleil et de la Lune

9.

Je sors à l'extérieur avec le prince, et nous nous mettons dans un coin discret à l'abri des regards. Je ne sais quoi lui dire, et je ne peux pas faire demi-tour.

- Mon père te cherche plus que jamais. Me dit-il doucement.

- ... Et il va me trouver. Dis-je en soupirant. Ce n'est qu'une question de temps.

- Non ! S'exclame-t-il. Je te le promets, Aeryn, mon père ne te trouvera jamais. Quitte à jeter le blâme sur quelqu'un d'autre.

Je secoue ma tête. S'il était l'héritier, ses paroles auraient sûrement eu plus de poids. Mais il ne l'est pas. Que peut-il bien faire ? Il ne peut pas empêcher cela d'arriver.

- Écoute, tu es... tu es quelqu'un que j'apprécie beaucoup. Et je ne veux qu'aucun mal ne t'arrive. Dit-il. Si tu me le permets, j'ai plein de solutions à te proposer pour rendre ta vie meilleure à jamais.

- Mais je ne comprends pas pourquoi... pourquoi faire autant d'efforts pour moi ? Dis-je avec confusion.

- La réponse m'appartient. Quand je sentirai que tu es suffisamment prête, je la partagerai.

Mais sa réponse ne me donne aucune piste, aucun indice. Et je décide de ne pas le forcer, car de toute façon, il ne dira rien. Nous restons un moment silencieux, chacun perdu dans nos pensées. Puis, le prince brise le silence :

- Aeryn, je sais que notre dîner s'est mal passé, et j'en suis le responsable... mais si cela est possible, j'aimerais que tu m'accordes une seconde chance. J'aimerais devenir un véritable ami, ton compagnon, ton confident.

Je cligne des yeux plusieurs fois. Je ne pensais pas qu'il allait remettre son désir sur la table. Il a menti pour moi. Il a caché la vérité à son père, il m'a sauvé de ses gardes. Je ne suis pas quelqu'un de particulier dans sa vie, pourtant, il me tend sa main. Je pense qu'il est temps, pour une fois, de faire taire mes suspicions, mes doutes, et faire ce que je pense bon.

Alors je hoche la tête, pas totalement certaine. Mais la vie est une expérience, elle ne se base pas que sur des certitudes. Puis, être l'ami d'un prince, est-ce si terrible que ça ? Que peut-il bien se passer de mal ?

- J'accepte. Dis-je en souriant légèrement.

Et le sourire du prince n'en est que plus grand. Je devrais en être heureuse également, j'ai un ami qui fait partie de la famille royale. Tant de portes s'ouvrent à moi, tant d'opportunités. Mais cela restera un secret. Si mon père l'apprend, je ne veux même pas penser à la déception qu'il aura.

- Je vais retourner à l'intérieur, le prévené-je, je dois aider les autres.

- D'accord. Mais ne t'inquiète pas trop, les gardes savent désormais que tu es intouchable, m'assure-t-il. Te toucher serait leur arrêt de mort.

Je hoche la tête, sachant pertinemment qu'il en est capable. Je lui tourne alors le dos et retourne à l'intérieur, faisant un léger sourire. Je me sens plus apaisé, plus... légère, depuis que j'ai décidé d'abandonner ma paranoïa.

Peut-être que c'était tout ce qu'il me manquait.

- Mon Dieu, Aeryn ! S'écrie Eliza en me voyant. Tu vas bien ? Ils ne t'ont rien faits ? Ils n'ont rien su ?

- Je vais bien, lui assuré-je. Le prince Adriel a interdit les gardes de m'approcher.

Elle fait les gros yeux, autant surprise que je l'ai été. Autant confuse que je l'ai été. Mais je lui explique également et rapidement tout ce qu'il s'est passé entre le prince et moi depuis hier. J'ai eu le droit à une réprimande de sa part, car mes mots et actions d'hier soir auraient pu me coûter la vie.

Ensuite, elle s'est réjouie que j'aie "repris mes esprits" en acceptant la proposition d'amitié du prince. Que ce serait idiot de rejeter cette opportunité, m'a-t-elle dit, avant que nous retournons à nos affaires.

Le soir venu, les gardes ainsi que le prince Adriel sont partis, laissant tout le monde reprendre leur respiration. Comme s'ils étaient une seule et même main étranglant tout le monde à l'hôpital.

- Tu peux rentrer chez toi, me dit mon chef. L'équipe de nuit prend le relais désormais.

Je hoche la tête, lui souhaite une bonne soirée avant de sortir de l'hôpital. Je vais rentrer seule, puisque notre chef a autorisé Eliza de partir plus tôt pour rester avec son frère. Cela me donne l'occasion de réfléchir, penser aux conséquences auxquelles je devrais faire face en fréquentant le prince.

J'ai entendue dire que les deux princes sont assez isolés puisque leur père, le roi, ne fait confiance à personne. Il les a éloigné du monde, faisant d'eux des loups solitaires. Et il ruine chaque amitié que les princes aient eu, je ne serais pas l'exception.

Je marche lentement, la tête baissée, les mains dans les poches. Les rues sont calmes, la nuit est tombée, et je peux entendre le son de mes pas résonner dans le village désert. Je suis tant perdue dans mes pensées que je ne remarque pas être déjà arrivée chez moi.

J'ouvre la porte à clé et entre. Les affaires de mon père sont là, il est arrivé. Je retire ma veste et mes chaussures, puis rentre dans le salon, là où mon père est assis sur le canapé. Lorsqu'il me voit, il se lève.

- Mon Dieu, ma fille, tu vas bien ? Me demande-t-il. J'ai appris l'arrivée des gardes à l'hôpital et...

- Je vais bien, papa. Ils nous ont juste surveillés. Lui assuré-je.

- Et le prince Adriel ? Était-il là ? Lorsque le roi a ordonné le tour des hôpitaux, il est partie du palais en courant.

J'ai eu un moment de silence. Un moment où j'ai sentis mon cœur battre si vite, où le sang m'est monté aux joues. Il a directement pensé à moi, alors. À me venir en aide. Il n'a pas hésité. Pour moi.

- Aeryn ?

- O-Oui... Oui, papa. Oui, il était là. Balbutié-je.

Il m'a alors posé de plus en plus de questions mais dans ma tête, tout ce que j'avais était le prince. Est-ce que j'en vaux autant la peine ? Peut-être. Peut-être que pour une fois, je suis devenue la priorité de quelqu'un.

Même si ce quelqu'un est normalement inaccessible pour une femme comme moi. Le prince de mon royaume.