Je sors à l'extérieur du palais, en prenant bien soin de lancer un regard noir à chaque garde dérivant leurs regards un peu trop près d'elle. Une fois sortie et hors de son champ de vision, je ne peux m'empêcher de me tourner vers elle et attendre jusqu'à ce qu'elle entre dans le palais. Elle n'est pas véritablement en sécurité à l'intérieur non plus, mais c'est mieux que l'extérieur.
L'envie de prononcer son nom me brûlait les lèvres, mais je me force de ne pas le faire. La première fois que j'ai prononcé son nom, j'ai eu l'impression d'avoir prononcé un sort d'enchantement. Mes lèvres avaient goûtés à sa douce mélodie, et en voulaient toujours plus.
Je soupire, puis monte dans ma voiture. Je vais encore faire ce que je ne pensais jamais faire de ma vie. Je démarre rapidement la voiture et m'engage sur la route. Je vérifie que je ne suis pas suivis par mes gardes. Une fois certain, je dérive de la route et entre dans la forêt.
La forêt s'étend devant moi, enveloppée d'un calme mystique. Les arbres majestueux se dressent de part et d'autre du chemin. Je suis toujours la route de terre, jusqu'à ce que j'aperçois un petit pont de pierre qui enjambe un ruisseau cristallin. Je me gare puis coupe le moteur et descends de la voiture.
Je m'approche lentement, et son ombre devient plus clair.
- Je suis là.
Elle sursaute avant de se tourner légèrement vers moi.
- Je suis venue dès que j'ai reçue votre lettre, votre Altesse.
- Très bien, Eliza. J'espère que tu as pensé à ma proposition, car de mon côté, tout est prêt.
Lorsque les lumières de la maison s'éteignent, j'entre discrètement par la fenêtre dans la chambre d'Eliza. Je la réveille, et pour ne pas qu'elle crie, je pose ma main sur sa bouche.
- C'est moi, prince Kaelan.
Elle semble encore plus effrayée par cette nouvelle. Je la sens trembler sous mes mains, mais elle ne m'est d'aucune utilité si elle reste ainsi.
- Je ne te ferais pas de mal, ton amie a besoin de toi.
Rapidement, elle se calme peu à peu. Je retire lentement ma main, et elle ne crie pas. Tant mieux, même si elle reste sur ses gardes.
- Comment va Aeryn ? demande-t-elle.
- Elle a tenté de se suicider, dis-je doucement, c'est pourquoi je...
Elle halète, mettant sa main devant sa bouche. Ses larmes commencent à se former dans ses yeux, et il lui faut moins d'une seconde pour se lever de son lit.
- Est-ce qu'elle va bien ? Oh, mon Dieu ! Il faut que je la voie !
- Elle va bien, lui assuré-je. Tu pourras la visiter demain, ou un autre jour. Mais tu devras faire quelque chose pour elle, sans lui dire quoi que ce soit.
- Je suis prête à tout, me dit-elle, déterminée.
Je hoche la tête. Je tends l'oreille pour m'assurer que personne ne nous entend depuis le couloir.
- Tu vas devoir quitter ton travail à l'hôpital, et venir travailler au palais, lui dis-je, en tant que servante.
Elle marque un temps de pause, hésitante. La fiancée d'Adriel ne peut plus rester seule, désormais. J'ai besoin que quelqu'un en qui elle a confiance soit avec elle.
- Je vais devoir en parler à mes parents, dit-elle en soupirant, puis-je avoir quelques temps de réflexion ?
- Bien-sûr, je vais tout préparer de mon côté, lorsque cela sera fait, je te recontacterais.
Elle hoche la tête, alors je me lève. C'est réglé. Je m'approche à nouveau de sa fenêtre, mais avant de m'en aller, je me tourne vers elle.
- Et... Pardonne-moi pour la dernière fois. Je n'ai pas de véritables excuses, cependant, je regrette.
Elle me regarde longuement sans rien dire, alors je m'en vais.
- J'y ai réfléchis, votre Altesse, me répond-elle, et ma réponse est positive.
Je souris, satisfait de sa réponse. Je lui tends alors les documents nécessaires, qu'elle prend avec précaution.
- Je t'attendrais demain, dans ce cas. Tu travailleras en tant que servante personnelle de ton amie, lui expliqué-je. Les règles du palais sont simples, tu ne regarderas jamais ni le roi ni mon frère dans les yeux, évite-les au mieux, tu ne connais aucunes réponses à leurs questions, tu ne montreras aucune affinité avec ton amie devant eux. Tu ne fais confiance à aucun serviteur, sauf Safiya. Et si mon frère tente quoi que ce soit contre toi ou ton amie, tu ne me caches rien, tu me préviens et j'agirais. Est-ce clair ?
- Très clair, votre Altesse. Je ne vous décevrais pas.
J'acquiesce. Puisque j'ai ma réponse, et qu'elle a eu les consignes à suivre, je devrais partir... Mais une question me trotte la tête. Je me retiens difficilement, les mots déjà au bout de ma langue.
- Si c'est tout, je...
- Votre amie avait-elle une liaison avec un homme avant mon frère ? La coupé-je.
Elle est prise de court, surprise de ma question. Je me répète sans cesse que c'est pour savoir si elle est loyale envers mon frère, et c'est également la réponse que je donnerais à Eliza si elle pose la question.
- Non, me répond-elle, elle n'a jamais fréquentée un homme auparavant.
Je détourne le regard, gêné sans réellement en connaîtra la réponse. Je me fiche de si elle a eu une relation avec un homme auparavant... cela ne me regarde pas.
- Je vais devoir partir, lui dis-je, ne sois pas en retard, demain.
Puis sans plus attendre, je m'en vais. Je monte dans ma voiture, et démarre, sortant rapidement de cette forêt. Je me sens si étrange. Je ne suis plus pareil. Cette femme m'a fait quelque chose, et je n'arrive pas à poser un nom dessus.
Je ne vais pas retourner au palais ce soir, l'envie de la voir m'est forte mais je dois résister, rien de bon n'en sortira. J'ai besoin de repos, de paix, et dans ce monde, un seul endroit peut me l'accorder. Un endroit que personne ne connaît, mon jardin secret.
Enfin, mon père le connaît, mais la dernière fois qu'il y a mis les pieds, c'était il y a bien longtemps. Et il a juré de ne jamais y retourner, ni de voir aucun de ses habitants... Pour mon plus grand plaisir, pour être honnête. J'ai besoin d'être loin de lui, du palais, de la guerre, d'Adriel et... d'elle.
Surtout d'elle.
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La Légende du Soleil et de la Lune
FantasyDans ce petit village, une jeune femme se retrouve confrontée au prince du Royaume de Kalsias. Aeryn, la fille d'un villageois est bien connue pour son don de guérir les maladies, bien plus efficacement que n'importe quel médecin. Ce don qu'elle ten...