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Je tourne vivement la tête vers la porte, craignant qu'une personne soit entré et ait vu la scène entre le prince héritier et moi. Le prince Kaelan fait tomber la dague de mes mains et d'un geste vif, il me plaque contre le mur. Une main est posée sur ma taille et l'autre sur ma bouche, m'empêchant de faire le moindre bruit.

Mon cœur bat rapidement, alors que nos deux corps sont très proches. Je peux sentir le frôlement de son corps contre le mien et sa respiration irrégulière et rapide contre ma peau. Son visage n'est plus qu'à quelques centimètres, et mes yeux sont plantés dans les siens. Il me regarde si intensément, que j'en ai du mal à respirer. Mes jambes me tiennent difficilement.

- Votre Altesse ? 

La personne réitère, et toque également à la porte. Je commence à paniquer, s'il entre et nous voit dans cette position, tout ce qu'il pourrait penser est que je trompe Adriel avec son propre frère. Et c'est moi qui vais prendre...

- Je suis occupé, s'écrit le prince. Revenez plus tard.

- Votre Altesse, le prince Adriel est ici. Dois-je le laisser entrer ?

Je fais les gros yeux. La main du prince se resserre légèrement sur ma taille, ses yeux fixés sur moi avec une lueur indéchiffrable, alors que je suis en total panique.

- Kaelan, ouvre la porte !

Mon ventre se noue, la présence d'Adriel est confirmée. Le prince ne me lâche pas, il me garde contre lui, m'empêchant toujours de faire du bruit.

- Je suis occupé, j'ai dis. Répond le prince.

- Ouvre, je dois m'assurer qu'Aeryn n'est pas ici. Elle n'est pas dans sa chambre.

- Elle n'est pas là, elle doit être dans la cuisine avec Safiya.

J'entends Adriel murmurer quelque chose. S'il apprend que j'étais là, dans les bras de son frère aîné, de son concurrent pour le trône, il me torturerait de toutes les manières possibles. Il fait bouger la poignée de la porte, mais finit par abandonner, et je l'entends s'éloigner.

Je remarque enfin que depuis le début, mon regard inquiet n'a pas quitté un seul instant le regard du prince. Il me regardait aussi, de façon si intense, comme si j'étais la seule femme sur terre.

- Tu peux respirer, maintenant. Me dit-il doucement.

Il a retiré sa main de ma bouche, et je n'avais pas fais attention. Malgré moi, je ne dis rien. Je le sens simplement s'approcher encore un peu plus. La tension et la chaleur augmentent soudainement dans la pièce, et c'est insupportable. 

Mon souffle se fait plus court, ma poitrine se soulève au rythme effréné de mon cœur. Je suis consciente de chaque centimètre qui nous sépare, de cette proximité qui provoque une multitude de sensations contradictoires en moi.

Son visage se rapproche du mien, nos souffles se mêlent dans un murmure silencieux. La pièce tout entière semble retenir son souffle, comme si elle était consciente de l'intensité de cet instant. Je ne sais plus ce que je fais. Je ne me contrôle plus.

Je détourne le regard pour reprendre mes esprits, et tout me revient.

Il a étranglé Eliza.

Il m'a joué.

Il est cruel. Sans merci.

Avec dégoût, je réussis à passer sous ses bras et m'éloigner de lui. Lui, ne tente pas de me retenir. Il ne bouge pas de sa place pendant un moment, son regard empreint d'une étrange expression mêlant surprise et regret.

Je ne lui laisse pas de chance de parler, et je ne me laisse pas de chance de l'insulter de tous les noms. Je sors de sa chambre, regardant à droite puis à gauche pour m'assurer que personne ne me voit.

Je ne veux plus le voir, je ne veux plus entendre parler de lui. Rien que de penser à ce qui aurait pu arriver me dégoûte. Je n'arrive pas à croire que je suis restée si silencieuse, que je ne lui ai pas donné un coup de genoux bien méritée, que je l'ai juste fixée et l'ai laissée m'approcher...

Je marche rapidement dans les couloirs du palais, les larmes de frustration menaçant de couler. Je veux m'éloigner de cet endroit, de cette atmosphère étouffante qui me rappelle sa présence. J'ai besoin de prendre l'air, de retrouver un semblant de calme.

Mais le seul endroit où mes jambes m'amènent est ma chambre. J'ouvre la porte et y entre d'un pas précipité. La pièce est baignée dans une douce pénombre, les rideaux tirés laisse filtrer la lumière. Je referme la porte derrière moi. 

Mes émotions sont encore en ébullition, une mixture de colère, de tristesse et de confusion. J'allais profiter de la solitude pour m'en remettre de mes émotions, mais je remarque une ombre sur mon canapé.

Adriel.

- C'était amusant d'être avec mon frère ? Me demande-t-il.

Je recule, et colle mon dos à la porte en tenant la poignée. Je ne veux pas fuir, mais je ne veux pas rester dans la même pièce que lui.

- J'étais en cuisine. Dis-je doucement. Je n'étais pas avec le prince.

- Arrête de mentir, dit-il en se levant. Tu étais avec lui. Je t'ai vu sortir de sa chambre. Que faisais-tu, hein ?

Je serre encore plus nerveusement la poignée de la porte, tout en suivant chacun de ses mouvements du regard.

- Je n'arrive pas à te discipliner, Aeryn. Que dois-je faire, dis-moi ?

- Laissez-moi, dis-je faiblement, envoyez-moi vivre loin d'ici et laissez-moi.

- Au contraire, Aeryn. Je vais voir père, puis nous allons nous marier dans une semaine. M'informe-t-il. Après cela, plus rien ne nous retiendra pour performer nos devoirs conjugaux, et ce, chaque soir.

J'avale difficilement ma salive. Nous étions censés attendre jusqu'à la fin de la guerre... une semaine, c'est trop tôt. Beaucoup trop tôt. Si nous nous marions, c'en est finis de moi. Je mourrais chaque jour.

- Non, non... je ne suis pas prête. Dis-je faiblement. Attendons la fin de la guerre, c'est ce que vous aviez promis !

- Ne le sais-tu toujours pas, ma chère fiancée ? Dit-il en souriant. Je ne tiens jamais mes promesses.

Les larmes me montent aux yeux alors qu'il me pousse sur le côté, ouvre la porte et s'en va.

C'est donc ainsi que cela va se terminer ?

Mourir sans accomplir ma vengeance ?

Mon Dieu, malgré toute la force que Tu m'as donné... si ce mariage a lieu, je Te rejoindrais plus tôt.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant