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Nous sommes entrés séparément dans la salle à manger. Kaelan est entré après moi. Adriel et Seraphina étaient déjà là, mais pas le roi. Je m'assois à ma place, et Kaelan aussi. Dès qu'il est arrivé, Seraphina s'est agrippée à lui et cela m'agace. Je déteste cela.

- Seraphina, je suis vraiment surpris. Dit Adriel soudainement. Tu es prête à avoir une relation avec mon frère, même s'il a fait de terribles, terribles choses dans sa vie.

- Terribles comment ? Demande-t-elle.

Elle me regarde rapidement, avant de regarder Adriel. Ils ont préparé leur dialogue à l'avance. Leurs regards, leurs sourires superficiels, et la soudaineté suspecte avec laquelle ils ont abordé le sujet, tout cela les a trahis. Un rapide coup d'œil à Kaelan me montre qu'il a lui aussi compris.

- Il a fait beaucoup de choses. Mais il y a une fois, une action qui a fait que le Royaume de Regina s'est souvenu de lui comme le prince cruel.

Je fronce les sourcils. De quoi parle-t-il ? Kaelan semble tendu, il est pâle. Il sait ce qu'Adriel va dire, et je ne peux plus dire qu'il ment avec cette réaction.

- Il a exterminé un village entier pour conquérir la terre de Regina. Raconte Adriel. Et comme si ce n'était pas suffisant, il a aussi tué tous nos soldats qui étaient avec lui, pour qu'ils ne soient plus témoins de sa cruauté.

Mon souffle est coupé. Qu'est-ce qui s'est passé ? Ma bouche s'entrouvre, et Adriel me regarde en souriant. Je n'ose pas regarder Kaelan. J'aimerais que nous soyons seuls pour qu'il puisse me dire que ce n'est pas vrai. Mais il ne l'a pas fait. Je ne me suis jamais posé de questions sur les rumeurs qui couraient sur lui après que nous ayons commencé à nous rapprocher, mais maintenant... Maintenant, est-ce qu'il est trop tard pour poser des questions ?

- Tu sembles ne pas savoir, Aeryn. Dit Adriel en souriant. C'est ma faute. J'aurais dû te dire qui est vraiment ton beau-frère. Pas si génial que cela, finalement, hein ?

Ne le crois pas.

Je l'ai entendu. J'ai entendu sa voix dans ma tête. J'essaie de ne pas réagir devant Adriel, bien que mon cœur batte très fort.

- Je veux manger en paix, dis-je simplement en détournant le regard.

- Tu en as déjà trop vu pour être surprise, n'est-ce pas, ma chère fiancée ?

Je ne réponds pas. Je prends mes couverts et commence à manger, tandis que des images défilent dans ma tête. Ce ne sont pas des visions. Ce n'est pas mon pouvoir. C'est... Cela vient de Kaelan. Il m'envoie des souvenirs.

Un homme montait un cheval dans un paysage de fumée, une odeur de sang et un bruit de balles. Il n'y avait personne. Il n'y avait qu'un groupe au loin, et l'homme à cheval se dirigeait vers eux. Il regarde autour de lui, avec un sentiment de désespoir.

- Qu'avez-vous fait ? Demande-t-il.

Sa voix semblait être un murmure lointain. Il le remarque. Le chaos. La destruction. Tout est en feu. Il a remarqué le sourire des hommes en uniforme, qui se battaient pour leur royaume... prétendument. Certains d'entre eux rajustaient leur pantalon, et un sentiment d'horreur et de dégoût s'empare de lui.

Les soldats, enfin, voyaient à travers ses yeux qu'il n'était pas fier. En effet, c'était le regard d'un homme qui n'allait plus jamais dormir paisiblement. Un homme dont la vie a basculé en un clin d'œil.

- QU'AVEZ-VOUS FAIT ? Crie-t-il encore.

Il pouvait voir au loin des corps de petites filles et de petits garçons, qui étaient dans la rue, et qui n'avaient probablement pas pu atteindre leurs maisons à temps avant le grand massacre.

- Nous avons reçu l'ordre de combattre, votre Altesse. Dit l'un des soldats.

- Combattre... ?

Il regarda à nouveau autour de lui. Contre qui se battaient-ils ? Des mères qui attendaient le retour de leur mari ? Les pères, qui allaient travailler dans ces conditions difficiles pour subvenir aux besoins de leur foyer ? Les enfants, qui jouaient dans les rues et s'instruisaient eux-mêmes parce que leur école avait brûlé la semaine dernière ?

Est-ce cela combattre ?

Dans un accès de rage, l'homme a pris un fusil et a abattu ses propres soldats, un par un. Il n'y avait aucun regret dans son regard. Il était en retard. Et parce qu'il était en retard, il n'a pas pu arrêter le massacre qui avait eu lieu dans ce village. Tout brûle.

L'homme tombe à genoux, le cœur déchiré, son visage ressemble à celui d'un homme dont l'amante est torturée. Il ne pouvait ni crier, ni pleurer. Il ne pouvait que regarder cette destruction massive. Il n'y avait plus de maisons, il n'y avait plus d'hommes, de femmes et d'enfants, il n'y avait que des cadavres.

Après avoir tué tous ces soldats, il a marché dans ce village, espérant trouver âme qui vive dans ce cimetière à ciel ouvert - au moins pour soulager sa conscience. Et il l'a trouvée. Dans un petit coin de cette petite maison, il y avait une belle petite fille qui tenait un bébé dans ses bras. En voyant l'homme, elle s'est mise sur la défensive et a pris peur.

- Ne nous tuez pas, dit-elle, en pleurant. Nous ne vous avons rien fait...

L'homme s'agenouille devant elle et pleure en s'excusant. La petite fille essuie ses larmes et le regarde dans les yeux. Il n'y a plus de peur. Elle sent l'âme pure de cet homme brisé.

- Qui es-tu... ?

- Je...

Il avait honte de ce qu'il était. Le fils de l'homme qui avait causé tout cela. Mais s'il y avait bien une chose dont il n'avait pas honte, c'était ce que sa mère lui avait donné : son nom.

- Je suis Kaelan. Juste Kaelan. Dit-il doucement.

Il prend le bébé dans ses bras, et garde la fille près de lui. Leurs parents doivent être morts, se dit-il. Il continue à marcher, mais c'était tout. Tout le monde était mort. Cette fille et ce bébé étaient les seuls à être sauvés. Il les avait sortis de ce lieu sinistre pour les emmener avec lui dans la capitale du royaume. Ce maudit Royaume qui avait tant de sang sur les mains, et qu'il rêvait de laver.

Seulement, il devait accepter d'être le méchant de l'histoire de tout le monde. Même si le vrai méchant n'était pas loin, c'était son petit frère, le plus aimé.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant