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- Avez-vous donnés de l'argent à mon père ?

Il paraît surpris de la question. Il fronce les sourcils, l'air confus.

- Non, je n'ai jamais vu ton père.

- Alors Adriel ? Était-ce un cadeau pour nos fiançailles ? Lui demandé-je.

- Adriel n'offre jamais de cadeau. Me répond-il. Il déteste offrir quoi que ce soit.

Je reste figée un instant pour mieux comprendre cette information.

- N'y a-t-il aucune possibilité d'exceptions ? L'interrogé-je, désespérée.

- Je connais mon frère... ce n'est pas possible.

Je serre mes poings alors que mon cœur se fait percer de chaque côté. Mon âme saigne. Les larmes me montent aux yeux, alors que mon corps devient si froid... je ressens la douleur de la perte et le deuil pour une personne vivante. Ou l'est-il véritablement ?

Mon père, le père que j'aimais, est mort. Je l'ai perdu.

Je baisse la tête et mon corps tremble, sans que je ne puisse m'empêcher de pleurer. J'aurais dû rester dans ma chambre, pleurer dans les bras d'Eliza... mais j'avais besoin d'une confirmation. Et mes émotions sont bien trop grandir pour que j'arrive à les dissimuler.

Si cela n'est pas un cadeau, cela ne veut dire qu'une chose... mon propre père m'a vendu. Comme il a sauvé sa propre vie sur ce bateau en laissant maman se noyer, il s'est sauvé en vendant son unique enfant au prince cadet.

Mes larmes et supplications n'ont-ils pas touchés son âme ?

- Personne ne mérite que tu pleures pour eux de cette façon.

Je lève la tête lentement. Je dois être horrible à regarder. Pourtant, il ne me regarde pas avec dégoût. Ni avec envie, comme son frère tordu. Il semble... inquiet ?

J'essaie tant bien que mal de ne plus y penser, mais le souvenir de ce qu'a fait mon père m'écrase sous son poids. Je suffoque. Je me tourne pour partir de ce bureau et retourner dans ma chambre, mais une main m'en empêche.

Le prince Kaelan m'attrape par le bras, et me force à être face à lui.

- Vous n'auriez pas dû m'arrêter sur ce balcon, dis-je en pleurant.

Au lieu de me répondre, il pose une main à l'arrière de ma tête et l'amène à son torse. Il me serre contre lui, me permettant de pleurer à chaudes larmes. J'en ai assez de tout cacher au fond de moi, j'en ai assez de prétendre que tout va bien, j'en ai assez de vouloir être forte quand je ne le suis pas !

Je pensais à fuir.

Mais cela effacera-t-il tout ce qui est arrivé ? Les coups de mon père, ma tentative de viol, sa trahison... tout aurait été si différent s'il m'avait protégé. S'il m'avait pris dans ses bras, me disant qu'il me croit, qu'il ne me laissera jamais partir avec le prince. Je voulais simplement qu'il me dise que tout ira mieux.

Je l'aurais cru.

- J'aurais rejoins les bras de ma mère... Dis-je faiblement.

Il ne dit rien encore, il me serre toujours dans ses bras. Sa main caresse lentement mon dos, alors que son autre main retient ma tête contre son torse. Je me sens bien. Je me sens mieux. Je me sens en sécurité.

Et si c'était toi qui m'avait vu à l'hôpital ?

Tout aurait-il été différent ?

- Tu n'as jamais été heureuse, depuis ton arrivée au palais... Dit-il doucement.

Et pourtant, je me suis guéris psychologiquement moi-même pour que je le paraisse. Mais maintenant... maintenant, c'est comme si je ne suis jamais réellement guéris. Je me suis persuadée que je l'étais, et il n'a fallu que d'un seul instant pour que toutes mes suppositions se prouvent fausses.

- Même quand tu souris, tu ne l'as jamais été.

- ... Je le suis, mentis-je. Je suis heureuse.

Je sais qu'il ne me croira pas, il n'est pas stupide. Mais pour une raison ou une autre, je ne pouvais pas me résoudre à lui dire à quel point tout ce qui est en moi me fait mal. Comment je sens chaque partie de mon âme se briser.

Peut-être que je ne veux pas non plus admettre qu'il m'observe attentivement depuis que je suis ici, et qu'il a vu en moi ce que personne n'a jamais pu voir.

Mon âme est profondément blessée, et il le voit.

J'aimerais pouvoir rester dans ses bras pour toujours, c'est si paisible... il touche mon être, mon âme avec la sienne. Comme s'ils avaient trouvé un point commun et qu'ils se réfugiaient l'un dans l'autre. Peut-être qu'il est aussi blessé, et que tout en lui essaie de s'accrocher à quelque chose qui lui ressemble...

Mais de qui je me moque ? Je suis vulnérable. Et il peut facilement l'utiliser contre moi. Contre Adriel. Je sais que je dois reculer, le repousser, m'enfuir, mais mon cœur ne me permet pas de bouger. Il ne veut sûrement pas relâcher ce moment de paix qu'il a connu après des semaines, des mois de souffrance.

- Aeryn...

Je lève enfin la tête, surprise. C'est la deuxième fois... la deuxième fois qu'il prononce mon nom. Il prononce mon nom d'une manière qui redonne vie à mon cœur. Je me sens à nouveau vivante. Mes yeux se figent aux siens, ses yeux sont remplis d'inquiétude et de préoccupation. Je n'arrive pas à détourner le regard.

- Tes pensées sont si sombres, dit-il d'une petite voix. Une si belle âme ne peut pas avoir des pensées aussi sombres.

- Vous... vous lisez dans mes pensées ? demandé-je.

- Non, mais je peux les sentir.

Je détourne le regard. Je ne peux même pas lui cacher mes pensées. Mais d'une certaine manière, j'aime ça. Je n'ai pas besoin de formuler mes sentiments, il les sent.

- J'ai quelque chose qui pourrait t'égayer un peu. Me prévient-il.

- Qu'est-ce que c'est ?

Il recule de quelques pas, puis ouvre un tiroir de son bureau. Il en sort une boîte en bois et s'approche de moi. Il prend une clé et ouvre la boîte, et je suis étonnée de voir ce qui est à l'intérieur...

Ce que je cherchais, ce que je pensais avoir perdue à jamais...

- Mon carnet de dessin ?

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant