18.

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Je me regarde dans le miroir avec de grosses cernes. Je n'ai pratiquement pas dormis. J'ai bien sûr fermé la porte à clé, mais à chaque craquement de sol, je m'imaginais Adriel venir vers ma chambre. Et dire qu'hier, si son frère n'avait pas interrompu, Adriel serait mort. Moi aussi.

- Votre Altesse, me dit une servante en entrant dans ma chambre, une personne est devant le palais, elle demande à vous voir.

- Qui est-ce ? Lui demandé-je.

- Je pense qu'elle se nomme Eliza.

Eliza. Elle est venue. Ma chère amie. Je ne peux empêcher un triste sourire se dessiner sur mon visage. Elle ne m'a pas tourné le dos.

- J'arrive.

La servante hoche la tête puis s'en va. Je ne sais pas si j'y suis autorisée, mais c'est le dernier de mes soucis. Je dois m'assurer que ma meilleure amie va bien, que tout le monde va bien. Je dois la voir, et je prie Dieu pour qu'elle ne me déçoit pas comme mon père en ne me croyant pas.

Je porte mes chaussures puis sors de ma chambre. Alors que la porte se ferme derrière moi, je tombe nez à nez avec Adriel. Je tente de l'ignorer et passer devant lui, mais il m'arrête.

- Où vas-tu ? Me demande-t-il.

- Voir mon amie. Dis-je froidement. Cela ne devrait pas vous poser problème, n'est-ce pas, votre Altesse ?

- Effectivement, cela me pose problème. Répond-il. Je ne te l'ai pas autorisé, Aeryn. Tu n'as ni le droit de sortir du palais, ni voir des gens de l'extérieur.

Je me mets à rire de façon assez discrète, mais surtout pour cacher ma colère. Obéir. C'est ce qu'il attend de moi, je ne lui donnerais pas ce qu'il désire, même si je sais que je n'en dormirais pas le soir. Je le regarde froidement, le défiant à mon tour.

- Essayez donc de m'arrêter.

Puis je dégage sa main de mon bras, et m'avance rapidement, le laissant figé, essayant d'assimiler ce que je viens de faire et de dire. Un sentiment de fierté m'emplit le cœur, j'ai fais la bonne chose. Même si cela me coûtera plus tard, il doit savoir que je ne serais pas sa petite poupée docile. Non, loin de là.

Je me dirige alors vers la sortie et préviens les gardes que j'aie l'autorisation du roi pour faire entrer Eliza. Ils ouvrent alors les grandes portes et je peux enfin voir mon amie, les larmes aux yeux. Elle n'attend pas, elle court vers moi et me serre fortement dans ses bras.

- Aeryn !

Je ne peux empêcher les larmes de couler. Eliza est la seule personne qui me relie à mon ancienne vie, qui me rappelle à nouveau que je n'étais qu'une infirmière et que ma vie se résumait à espérer que la guerre se termine, et que le meilleur prince prenne le trône.

- Eliza... viens, viens dans le jardin. Lui dis-je doucement. Nous avons tellement de choses à nous dire.

- Oui... A commencer par comment ta relation avec le prince a progressé si rapidement, sans même me le dire...

Je hoche la tête, puis l'amène rapidement jusqu'au jardin. Je ne lui permets pas d'entrer à l'intérieur du palais, je ne voudrais pas qu'elle croise les deux princes ou bien le roi. Qu'elle ne soit pas confrontée à leur cruauté, au moins.

Je la dirige vers un banc et m'assois avec elle, alors qu'elle admire la beauté du lieu.

- Heureusement que tu es venue, Eliza. J'en avais besoin, dis-je d'une petite voix.

- Mais je suis tout de même déçue que tu ne m'aies pas invitée pour tes fiançailles. Je suis heureuse pour toi, mais-

- Je ne l'ai pas choisis, la coupé-je.

Elle me regarde, confuse. Je prends une grande inspiration, avant de tout lui raconter sans perdre du temps. Du premier jour où j'ai rencontré le prince à l'hôpital, ses promesses, les jours où il s'est rapproché de moi puis enfin, ce jour où j'ai enfin vu son véritable visage.

J'ai la tête baissée, et je n'ose pas la regarder. Je ne pense pas être prête à la voir me regarder étrangement, me traitant presque de menteuse.

- Aeryn... mon Dieu...

Je lève alors le regard vers elle. Elle semble choquée, déçue, triste. Elle me prend alors dans ses bras, mais cette fois, pour me réconforter. Pour la première fois après tout ce qui m'est arrivé, je me sens en sécurité. Et parce que je me sens en sécurité, je me laisse pleurer. Je peux enfin me le permettre.

- Merci, dis-je doucement, de m'avoir cru... D'être là.

- Je serais toujours là pour toi, Aeryn. Je suis désolé de ne pas l'avoir été plus tôt. Crois moi, cet homme le paiera.

- Cet homme va devenir mon mari, Eliza. J'ai peur. Dis-je faiblement. J'ai peur que ma force n'est présente que dans mes mots, pas dans mes actions...

Et Eliza me regarde d'un air sérieux. Je ne l'ai jamais vu autant sérieuse que maintenant.

- Tu vas continuer à te battre. Me dit-elle en me regardant dans les yeux. Je suis là, ma famille aussi est là pour toi. Tu ne baisseras jamais les bras, peu importe à quel point cette épreuve est difficile. Tu vas garder la tête haute et leur faire comprendre que leur plus grand cauchemar n'est pas sur le champ de bataille mais bien la femme qu'ils ont amenés de force dans ce palais !

Je sens ma force se renouveler à chacun de ses mots. Je ne sais pas si je me mens, mais je sens que je peux le faire. Je peux survivre. Ni Adriel, ni son frère et son père ne peuvent m'écraser. J'avais simplement besoin de sentir que je ne suis pas seule, que j'aie quelqu'un à mes côtés.

- Ils sont en train de te donner du pouvoir, Aeryn. Tu dois faire les bons choix avec ces pouvoirs, désormais. D'accord ? Tu as la capacité de jouer, et de changer les règles du jeu en ta faveur. Ils sont en train de creuser leur propre tombe. Il suffit simplement que toi, tu le veuilles.

Je sens la colère monter en moi, la détermination s'installer dans mes veines. Je sais qu'elle a raison, je vais me rebeller encore et encore et encore jusqu'à la liberté.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant