16.

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Dieu merci, le roi a décidé qu'il serait inapproprié pour le prince Adriel et moi de partager un appartement. Nous ne sommes pas mariés, après tout. Je ne me suis jamais sentis autant soulagée qu'à ce moment. Et Adriel, lui, était déçu.

Maintenant, je profite d'être seule pour visiter tout le palais. Il est si grand. Bien plus grand que ce que je pensais. Chaque pièce a son style unique, une décoration particulière que seul le roi peut se le permettre.

Je descends le long du couloir, mais je vois une ombre au loin. La silhouette d'un homme, je le reconnais à cela. Il a toujours cette carrure imposante et sa démarche élégante. Le prince héritier. Il s'approche, et je remarque enfin que je me suis immobilisée, le fixant sans m'en rendre compte. J'allais fuir, mais c'était trop tard. Il est face à moi.

Aucun de nous deux ne parle. Il a les yeux baissés, puis lentement, ses yeux remontent vers le haut et rencontrent les miens. Je n'ai jamais sentis mon cœur battre aussi rapidement. Je ne me suis jamais vu perdre les moyens aussi rapidement.

- Du gâchis. Souffle-t-il.

Je l'ai entendue parler quelques fois lors de la cérémonie d'hier, mais sa voix est aussi imposante que son physique. Une voix grave, autoritaire et ferme, même sans efforts. Je me suis tant concentré dessus que j'ai entendu ce qu'il a dit bien plus tard.

- Quoi ?

Mais il ne me répond pas. Le dos de sa main rencontre mon bras, il me pousse ainsi sur le côté avant de passer devant moi et s'en aller. Je reste figée, comprenant que je lui bloquais la route. Mes joues deviennent rouges, ne comprenant pas ce qu'il m'arrive. Je n'ai jamais été autant maladroite.

Je reprends mes esprits, le souffle court et le cœur battant, tentant de comprendre ce qu'il m'a dit. Pendant tout le long de ma visite du palais, je suis plongée dans mes pensées, tentant de comprendre ce qu'il voulait dire par "gâchis". Mais malgré mes efforts, je ne parviens pas à en saisir le sens, et je me sens de plus en plus confuse et impuissante.

Sa froideur et son comportement distant me laissent penser qu'il n'a rien de bon à mon égard. Que peu importe ce qu'il a voulu me dire, je dois le prendre comme une insulte. Après tout, il est le frère d'Adriel, je ne dois m'attendre à rien de bien avec lui.

Même si je dois l'avouer, j'espérais m'être trompé sur son compte comme je me suis trompé sur Adriel. Je suppose que je tentais de me tenir au peu d'espoir que j'avais, à la moindre chance de m'en sortir... Hélas, le temps finit par me montrer que mes espoirs étaient vains. Tous les invités de la cérémonie d'hier pouvaient voir la non présence de joie sur mon visage. Le prince héritier en premier, c'est vers lui que j'ai lancé un regard désespéré.

Ni lui, ni personne n'a réagit. Ils ont tous dansés, bu et ris sur mon cadavre, mais aucun d'eux ne s'en est encore rendu compte.

- À vrai dire, je m'attendais à ce que tu ne sortes pas de ta chambre.

Je me tourne, surprise. Adriel est là et j'ai tout de suite l'impression de suffoquer. Sans répondre, je pars dans la direction opposée à la sienne. Lorsque je l'entends courir après moi, et m'attraper fermement par le bras, je sens mon corps entier se tendre.

- Ne me fuis pas, me dit-il d'un ton autoritaire.

Et je retire violemment sa main de mon bras, le regardant sévèrement.

- Et ne me touchez pas.

- Tu es ma future femme, Aeryn. Dit-il le regard sombre. J'ai le droit de te toucher quand j'en ai envie.

Je me mets à respirer rapidement. Il n'avait pas dit la même chose, la dernière fois... il a promis... il me l'a assuré, bon sang ! J'ai, encore une fois, baissée ma garde trop vite. Idiote. En voulant réprimer cette peur qu'il me touche à nouveau, j'ai préféré croire en de vaines paroles.

- Chaque jour, je te surprend un peu plus, n'est-ce pas ? Dit-il en souriant. Tu n'es pas au bout de tes surprises, Aeryn.

Je le fixe sans un mot, les poings serrés. Mes émotions sont mélangés entre la colère, le dégoût et la peur. Je ne suis même pas en colère contre lui, c'est un trompeur, hypocrite, sournois par nature. Je suis en colère contre moi et ma propre naïveté.

- Et puisque nous parlons de notre relation, j'en profite pour t'interdire de parler à mon frère seule. Je ne veux que tu ne parles à aucun homme, Aeryn. Aucun. Sauf mon père, à quelques occasions.

- Vous ne pouvez rien m'interdire.

- Oh que si, je le peux. Dit-il, un sourire effrayant sur le visage. J'ai toutes les cartes en main, Aeryn. D'abord, j'ai ton secret. Ensuite... je t'ai toi. À ton avis, si tu cris à l'aide le soir, qui viendra à ton aide ? Personne n'oserait m'interrompre. Si tu m'obéis, je saurais me contrôler.

Je cache mes mains derrière mon dos. Je refuse de le laisser voir la terreur qu'il provoque en moi. J'ai bien vu à quel point ce psychopathe aime la peur et la douleur.

- Et si vous ne vous contrôlez pas... sachez que je me trancherais la gorge à vos côtés sur le lit, pendant que vous dormirez.

Il paraît étonné de ma réponse. Il ne l'a pas anticipé. Il n'a même pas pensé que je serais capable de me jeter dans les bras de la mort, pourtant je le suis. La mort vaudra mieux que la vie dans ce cas. Et même décédée, je le hanterais jusqu'à la fin de sa vie pour ce qu'il a fait.

- Et concernant mon secret, allez-y. Révélez-le, je n'y tiens plus, de toute façon.

Et je ne sais quelle montée de courage j'ai eu, mais je passe devant lui, lui donnant mon dos puis m'avance. Je le sens se tourner à son tour, et il m'appelle, et crie :

- Aeryn ! Dors avec un œil ouvert, et la porte fermée... tu ne voudrais pas perdre le courage que je t'autorise à avoir.

J'ai eu peur, je l'avoue. Mais je sais aussi qu'il joue sur cette peur pour faire de moi sa marionnette, sa propriété. Alors je vais jouer aussi, je ne vais plus avoir peur, et je briserais chaque règle, je ferais des promesses sans valeurs.

Je jouerais avec ses propres règles... et je vais le détruire.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant