La Légende du Soleil et de la Lune

38.

KAELAN

J'arrive à l'hôpital, après ma discussion avec la fiancée d'Adriel. Je ressens l'urgente envie de tout savoir sur elle, de connaître chaque parcelle de son être, de comprendre comment elle réfléchit, comment elle agit. Et quoi de mieux que de commencer mes recherches là où elle a travaillé pendant des années ?

Je marche dans les couloirs de l'hôpital, faisant face aux regards surpris des infirmiers, médecins et patients. Mais je ne leur accorde aucune attention, je marche d'un pas rapide.

Et enfin, après quelques minutes de recherches, mes yeux tombent sur la personne que je cherchais. L'amie de ma chère belle-sœur. Je m'approche d'elle, sans qu'elle ne me voit.

- Nous allons vous emmener dans la salle de radio dans peu de temps.

Elle se tourne ensuite, mais s'arrête en me voyant. Elle ne dit rien, elle fronce les sourcils en me fixant, puis le moment de réalisation la frappe. Elle me reconnait, ouvre grand les yeux puis baisse la tête.

- Votre Altesse...

- Suis-moi. Lui commandé-je.

Je n'attends pas sa réponse, je sais qu'elle va m'obéir. Je marche, et marche, jusqu'à voir une chambre. J'entre à l'intérieur, et comme je l'avais pensé, elle m'a suivis. Je ferme la porte derrière nous, puis me tourne vers elle.

- Votre Altesse, tout va bien ? Me demande-t-elle. Aeryn... Quelque chose lui est-il arrivé ?

- Parle-moi d'elle, dis-moi tout ce que tu sais sur elle. Dis-je d'un ton autoritaire. 

Elle fronce les sourcils, surprise. Je peux voir de l'hésitation sur son visage. Je ne change pas l'expression de mon visage, l'invitant voire même la forçant à parler.

- Que voulez-vous savoir ? Et pourquoi ? Me questionne-t-elle.

J'approche, et elle recule. Ce regard intimidé, je le connais que trop bien. Peut-être même un peu trop. Un regard qui me satisfait.

- Tout, je veux tout savoir. De sa naissance à aujourd'hui. Le pourquoi, cependant, ne te concerne pas.

- ... Si vous ne m'en donnez pas la raison, je ne parlerais pas. Dit-elle, méfiante. Je sais de quoi vous êtes capable, et...

Et je me mets face à elle. J'attrape son bras et la regarde dans les yeux. Quand c'est cette femme qui est têtue, cela m'ennuie... Mais quand c'est la petite créature, c'est presque amusant. J'y prends plaisir... Comme un prédateur prend plaisir à jouer avec sa proie, avant sa fin imminente.

- Eliza, c'est bien cela ?

Difficilement, elle acquiesce.

- Très bien, Eliza. Puisque tu sais de quoi je suis capable, tu sais aussi ce que je te ferais si tu ne parles pas immédiatement.

- Qu'a... Qu'allez-vous me faire ?

Je fais un sourire en coin d'une façon tout sauf chaleureuse, laissant présager chacune de mes intentions.

- Tout dire retirera le plaisir de la surprise, n'est-ce pas ? Lui dis-je d'une voix grave.

Je prends une de ses mèches, et la retire de son visage, la douceur de mes gestes contrastant avec mes mots.

- Laissez-moi partir... Dit-elle, la voix tremblante.

Je perds petit à petit mon sourire, et d'un geste vif, je retire ma main de ses cheveux pour la placer sur son cou.  Elle met ma patience à l'épreuve. Je peux sentir mon sang bouillir, alors que ma main serre de plus en plus son cou, réduisant son accès à l'air.

- Parle, Eliza. Parle, ou meurs.

Elle suffoque, et finalement, elle acquiesce. Je la relâche alors et elle se met à tousser violemment, l'air ayant pénétré violemment ses poumons. Je reste en retrait, la fixant et attendant qu'elle se mette à parler.

- Je... Je vais parler... Dit-elle avec difficulté.

Elle prend une grande inspiration, reprenant peu à peu une respiration normale. Cependant, une marque rouge est toujours visible sur son cou.

- Aeryn a toujours vécue avec son père, elle n'a jamais connue sa mère. J'ai grandis avec elle, on s'est toujours considérée comme des sœurs. Me dit-elle. Je ne sais pas ce que vous voulez entendre, mais Aeryn a eu une vie tout à fait normal... jusqu'à ce que votre frère entre dans sa vie.

- ... Qu'a-t-il fait ?

- Au départ, il venait lui rendre visite à l'hôpital tous les jours. Aeryn tentait de s'éloigner de lui, mais il restait à ses côtés... Eventuellement, ils sont devenus amis. Et puis, du jour au lendemain, Aeryn n'est plus venu à l'hôpital et on a appris qu'elle s'est fiancée au prince cadet.

Je fixe le vide, essayant de recoller les morceaux.

- Puisque tu as grandis avec elle, quelles pourraient être les raisons de ses soudaines fiançailles ? L'argent ? Le pouvoir ?

- Non, non... dit-elle d'une petite voix. Aeryn ne ferait pas cela. 

Je reste silencieux un instant, absorbant les informations. Les révélations sur la relation entre Aeryn et mon frère commencent à se clarifier, mais il y a encore des zones d'ombre. Et je ne pense pas que je puisse faire entièrement confiance à ce que dit cette femme. Elle pourrait mentir pour protéger son amie. Mais elle pourrait aussi dire la vérité.

D'un regard, je décide de pénétrer dans son esprit. Pas pour tout voir, car elle cache une grande partie inconsciemment, mais pour seulement savoir si elle ment ou bien dit la vérité.

- Alors pourquoi ? Demandé-je.

- Personne ne le sait. Répond-elle. La réponse appartient au prince, j'en suis certaine.

Demander à Adriel est aussi inutile que jeter un poisson mort en mer. Je m'approche alors de la porte pour l'ouvrir, comprenant que je n'aurais pas d'autres réponses. Je tiens la poignée mais n'ouvre pas tout de suite.

- Demain, tu viendras au palais.

- Pourquoi ? Me demande-t-elle. Je ne veux pas avoir affaire avec vous, je...

- Ce n'est pas pour moi. Dis-je froidement. Votre amie ne va pas bien, elle a besoin d'une amie à ses côtés.

Puis sans attendre sa réponse, je sors de la chambre. Si les deux femmes se retrouvent, elles se parleront sûrement de tout ce qui leur est arrivé. Je pourrais entendre quelques bribes de leurs conversations.

J'ai l'espoir qu'elles parlent des fautes de mon frère, des fautes que je menacerais de révéler si jamais il tente un coup d'état dans le futur pour qu'il puisse prendre mon trône.

Avoir un pas d'avance sur ses ennemis est la stratégie la plus importante. Et je n'échouerais pas.