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Je me tourne lentement, l'air tout à fait neutre. Le Renard se saisit de son arme, prêt à me défendre. Mais je n'ai pas besoin de défense. Je craque mon cou de chaque côté, et m'avance de quelques pas de cet homme pointant une arme sur moi. 

- Général, dis-je d'un ton neutre, mets-toi à genoux.

Avant qu'il ne parle, plusieurs de ses hommes sortent de derrière les arbres et les buissons. Je me fais rapidement encercler par eux.

- C'est moi qui dois vous demander cela, dit-il en souriant. J'ai une proposition à vous faire, votre Altesse.

Je regarde autour de moi. Seul le Renard est de mon côté. Nous sommes en infériorité numérique... mais est-ce que cela signifie que c'est moi qui vais perdre la vie ici ? Absolument pas. Je sens le collier dans ma poche. Je ne mourrai pas avant de l'avoir apporté à sa propriétaire, c'est ma promesse.

Et je ne manque jamais à mes promesses.

- Abandonnez le trône, j'ai un document prêt, vous n'avez qu'à le signer, me propose-t-il.

Je ris, et regarde le Renard. Lui ne peut cacher sa colère.

- Tu entends ça, Renard ? Il veut que je renonce au trône. Crois-tu que je devrais le faire ? Lui demandé-je d'un ton moqueur.

- Je pense que vous devriez leur montrer qui est le maître de ces terres, votre Altesse royale.

Je souris en regardant tous ces corbeaux volant au-dessus de ma tête. C'est mon stupide frère qui m'a piégé... Bien sûr, avec l'approbation de mon père. Vais-je mourir sans leur montrer à quel point je me soucie peu de leur sort et du sang que nous partageons ? Non, je ne me laisserai pas tuer. Je serais un sacré faible si je meurs.

J'amène mes doigts à ma bouche, et laisse échapper un long sifflement strident pouvant être entendu par tout le voisinage. Rapidement des bruits de branches brisées se font entendre, et ils sortent enfin de l'ombre. Des pumas et des léopards font dangereusement leurs entrées, alertant le général et ses hommes.

- Le dîner est servi, mes petits. Dis-je en souriant diaboliquement. Laissez celui du milieu, il est à moi.

Ils rugissent fortement, et lorsque je donne le signal, ils attaquent sans hésiter. Les hommes du général tentent de se défendre, mais ils sont rapidement submergés par la force et l'agilité des prédateurs.

Je fixe les yeux terrifiés du général, et entre à nouveau dans son esprit. Cependant, cette fois avec la volonté de détruire. Je l'empêche de bouger, tous ses muscles sont paralysés. Et ses lèvres sont scellées, je ne prendrai pas la peine d'écouter ses excuses pleines de mensonges.

" N'oubliez pas d'apporter son cœur, lorsqu'il sera tué. J'ai besoin de preuves."

La voix d'Adriel. Je ne bouge aucun muscle de mon visage. Je ne suis pas surpris, je ne suis pas en colère, je ne suis pas déçu et je ne me sens certainement pas trahi. J'ai toujours su que le roi avait un favori, et ce n'était manifestement pas moi puisque je ressemblais le plus à ma mère... bien plus qu'il ne le voulait. 

Il sue du front, son corps tremble et ses veines deviennent apparentes. Il souffre. Je le sais qu'il souffre. Ce qui est en train de se passer est semblable à moi, tenant son cerveau toujours relié à son corps, et l'écraser dans mes mains.

Les souvenirs s'effacent progressivement de l'esprit du général. Comme des fragments de verre brisés, ils se désintègrent et se dissipent dans l'obscurité. Chaque expérience, chaque visage, chaque émotion est effacé avec une précision glaçante. Les moments de joie, de tristesse, de peur et de trahison disparaissent dans les méandres de l'oubli.

Quand j'ai enfin finis, il ne restait plus qu'un sombre vide dans son esprit. Sans hésitation, je donne le dernier coup et le corps du général s'effondre sur le sol, du sang coulant de sa bouche. Je l'ai tué, puis je suis revenu à la réalité. Je regarde autour de moi, vois que mes animaux ont fait leur travail et ils attendent tous mes prochains ordres au côté du Renard.

- Renard, débarasse-toi des corps. Lui ordonné-je. Puis retourne au royaume de Regina, pour que personne ne te suspecte.

Il hoche la tête, puis s'incline.

- Un des pumas, Draven, s'est blessé. Dois-je l'amener avec moi ? Me demande-t-il.

- Non, il viendra avec moi. Lui dis-je. Je connais quelqu'un qui pourra le guérir.

Renard hoche la tête, puis il s'incline avant de s'en aller. Le puma n'est pas gravement blessé, un de nos médecins pourra le guérir à la surface et je pense qu'il pourra tenir encore une semaine. Je l'amènerais avec moi au palais.

- Allons-y, Draven. Dis-je. 

Le puma se lève avec agilité malgré sa blessure et se met à marcher à mes côtés. Ensemble, nous quittons cette scène macabre et sanglante, laissant derrière nous la mort. Nous nous dirigeons vers le champ de bataille, qui deviendra bientôt un énorme chaos si la mort du général est su avant mon arrivé.

Le chemin du retour me semble plus long que celui que de l'aller. A l'aller, j'avais en tête de retrouver les soldats qui ont désertés le combat... Et au retour, tout ce que j'ai en tête est que j'ai survécu à une tentative d'assassinat, orchestré par mon propre père, et mon frère.

Je me force de ne rien ressentir, car je m'y attendais. En fait, je m'y attendais depuis si longtemps que j'ai vécu avec cette pensée. Oui, un jour mon père ou mon frère me tueront... Maintenant que les rôles sont inversés, c'est moi qui vais les amener à se demander quand je vais les tuer et si je serai assez clément pour le faire sans douleur. Avant cela, je prendrai tout et chaque personne qu'ils ont. 

Cette tentative d'assassinat était la dernière goutte, une déclaration de guerre, et je me battrai volontiers, même seul.

Après quelques minutes, j'arrive enfin aux tentes. Les soldats présents sursautent lorsqu'ils voient mon puma. Je vais encore rester une semaine ici, nommer un nouveau général dont je suis certain de sa loyauté, et arranger les choses selon ma propre volonté, puis je retournerais au palais.

Personne ne sera prêt de voir le nouveau Kaelan.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant