La Légende du Soleil et de la Lune

67.

Je retourne dans mon appartement et vois Eliza assise, bougeant frénétiquement sa jambe en se rongeant les ongles. Je m'approche d'elle, puis m'assois à ses côtés.

- Eliza ? Dis-je doucement.

- Ils vont le tuer, n'est-ce pas ? Me demande-t-elle, les larmes aux yeux. 

Je prends délicatement sa main dans la mienne pour lui apporter un peu de réconfort. Ses yeux emplis de peur et d'incertitude me font mal au cœur, je comprends toute l'angoisse qui l'envahit.

- Non... Dis-je doucement. Non, Eliza. Il ne mourra pas. Le prince Kaelan va nous aider.

- Le prince Kaelan ? Dit-elle en faisant les gros yeux. A quoi joues-tu, Aeryn ? Nous ne pouvons pas lui faire confiance ! Il va tuer mon frère !

Je détourne le regard. Je sais que je peux lui faire confiance, je sais qu'il fera de son mieux pour libérer Leif, mais comment faire pour que ma meilleure amie le croit ? Comment lui dire qu'il n'est pas si mauvais que cela ? Parce que, visiblement, dans tout le Royaume, je suis la seule à le croire. Les gens penseraient que je suis en plein délire.

- Il y a des secrets que je te cache, Eliza, dis-je doucement. Peut-être qu'un jour je serai capable de tout comprendre et de tout te dire, mais pour l'instant, tu devras me faire confiance. Le prince Kaelan est avec nous, pas contre nous.

"Nous"... Je ne sais pas, mais il n'est sûrement pas contre moi.

- Je te crois, car tu l'as déjà sauvé une fois de la mort. Me dit-elle. Mais... Si quelque chose arrive à mon frère, je ne pourrais jamais te le pardonner, Aeryn.

Ses mots me font quelque peu mal, puisque je n'ai aucun pouvoir sur cette situation. Le mieux que je pouvais faire est de demander de l'aide, et d'attendre la solution du prince Kaelan. 

Elle se lève alors, et le regard lourd de peine, elle quitte mon appartement. Je la ferais sourire à nouveau, c'est une promesse que je me fais. Et je vais la tenir. Je sais ce que cela fait d'être seule... Et je ne voudrais pas qu'elle connaisse cette solitude. 

Je tourne ma tête vers ma fenêtre et regarde le ciel. Je me demande, si maman était toujours en vie... Tout aurait-il été différent ? Peut-être. Peut-être que je vivrais toujours avec elle. 

Je travaillerais encore avec Eliza à l'hôpital, nous serions si peu soucieuses du royaume et de nos dirigeants. Peut-être qu'Eliza aurait empêché son frère de vouloir partir, peut-être que rien de mal ne serait arrivé.

J'ai l'impression que tout est de ma faute. Oui, c'est vrai. C'est ma faute si Eliza travaille ici, c'est ma faute si elle risque sa vie, c'est ma faute si elle n'était pas là pour arrêter son frère. Tout est de ma faute.

Alors que mon regard se perdait dans le ciel et les nuages, un petit rayon de soleil s'échappe. Il caresse doucement mon visage, apportant avec lui une chaleur réconfortante. Je me sens moins mal. Je me sens moins seule.

Au lieu de rester assise et ne rien faire, je me lève et fais ce que je sais faire de mieux ; dessiner. Je prends mes crayons, mon carnet de dessin, et m'assois dans le balcon. Ce n'est pas un paysage que je veux dessiner, mais une personne. Lui.

Sous le trait de mon crayon, le visage du prince Kaelan prend forme dans toute sa masculinité et sa prestance. Sa mâchoire est taillée avec précision, accentuant sa force et son assurance. Son regard, à la fois pénétrant et mystérieux, est encadré par des sourcils légèrement froncés. Ses yeux foncés sont presque envoûtants. Contrairement aux yeux bleus de son frère qui lui donnent un air faussement innocent.

Sa barbe, soigneusement taillée, lui ajoute une touche d'élégance à sa prestance naturelle. Son aura masculine, virile et puissante, est soulignée par sa posture droite et assurée. Chaque ligne tracée dans le dessin renforce cette impression de force intérieure et d'assurance. Cependant, son visage est incliné vers le bas, comme s'il regardait quelque chose... quelqu'un. Son regard, bien que terrifiant, marque une certaine douceur.

Je m'arrête un instant, et regarde le résultat. Ce dessin ne lui fait pas justice. Je peaufine les détails de son regard, cherchant à traduire cette dualité entre la froideur de son apparence et la chaleur qui émane de ses yeux. 

Je m'attarde sur sa bouche, dessinant subtilement les contours de ses lèvres entrouvertes, comme la naissance d'un tendre sourire. Ces mêmes lèvres qui se sont posés sur les miennes, et que je n'arrive pas à oublier.

Je me mords les lèvres en le regardant. Je veux en dessiner plus, et encore plus de lui. Je n'en ai jamais assez, et cela fait palpiter mon cœur, il était comme la pièce manquante de ce carnet de dessins.

- Enfin, tu m'as laissé une place parmi tes dessins.

C'est à ce moment-là que je réalise que le prince Kaelan se tient à côté de moi, observant mon œuvre en silence. J'ai été si absorbée par mon dessin que je ne l'ai pas entendu arriver. Ses paroles résonnent dans l'air, teintées d'un mélange de surprise et d'une pointe de taquinerie. 

Je baisse les yeux, sentant la chaleur monter à mes joues. Et je cache rapidement le dessin, bien que cela soit trop tard. Il s'agenouille à ma hauteur, et prend ma main tenant le carnet dans la sienne, et il le retourne vers lui. Il regarde longuement son dessin puis lève le regard vers moi.

- Tu as un vrai talent, Aeryn. Dit-il en souriant. Mais il manque quelque chose...

- Oh ? Que manque-t-il ? Lui demandé-je, confuse.

Il rit légèrement, avant de répondre :

- Je te laisse chercher et deviner.

Je reprends le dessin dans mes mains et l'observe attentivement. J'essaie de voir ce qu'il pourrait manquer, mais je ne suis pas sûre de comprendre ce à quoi il fait référence. Mon regard se pose à nouveau sur le visage du prince Kaelan.

- Est-ce la couronne ? Lui demandé-je.

- Je me fiche de la couronne, dit-il en me regardant dans les yeux. Quelqu'un manque à mes côtés.

Mes yeux s'écarquillent quand je comprends enfin, la chaleur me monte aux joues. Je me mords la lèvre, ne sachant pas comment répondre. Je ne trouve pas les mots.

Et il s'approche de plus en plus, et j'ai peur que ce qui s'est passé avant se répète. Je ne pense pas être prête... pour l'instant.