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J'ouvre les yeux, sans avoir ressentis un seul instant de solitude. Lorsque j'étais inconsciente, j'avais l'impression de ressentir une présence avec moi dans mon esprit. Je n'ai pas pu oublier ce qu'il s'est passé. Malgré la présence de cet inconnu, je craignais toujours Adriel.

- Rebienvenue parmi nous.

Je tourne la tête à ma droite, et je sursaute presque en voyant le prince héritier. Adriel n'est pas à ses côtés. Il est seul. Je le fixe simplement, en tentant de garder une expression neutre bien que émotions sont un véritable désastre.

- Que faites-vous ici ? Lui demandé-je doucement.

- Quelqu'un doit te surveiller. Me répond-il. Sur un coup de folie, et avec un moral aussi bas, une tentative de suicide ne serait pas étonnante.

Je baisse la tête, silencieusement. Tant que ça n'est pas arrivé, je n'ai jamais pensé à prendre ma propre vie. Je crois, dans un sens, que chacun aura ce qu'il mérite et j'aimerais être vivante pour en témoigner. Mais je comprends le prince, penser cela est normal, il ne sait rien de ce que je pense.

De ce que je compte faire pour la suite.

- Dis-moi, qu'a causé cette crise ?

- Je voudrais ne pas en parler. Dis-je d'une voix faible.

- En as-tu honte ?

Je détourne le regard. Ai-je honte ? Oui. Oui, absolument. Je me suis promise d'être forte mais... mais je me prouve être faible chaque jour, encore plus que le jour d'avant. Je n'y arrive pas. Et que tous témoignent de mon échec me fait honte, oui.

- Me répondre n'est pas optionnel. Me lance-t-il, d'un air taquin.

- Je ne veux pas parler.

- Bien, regardons-nous dans le blanc des yeux dans ce cas.

Il s'empare lentement d'une chaise à ses côtés, puis s'assoit dessus. Il croise ses bras contre son torse puis me fixe. Je reste silencieuse, sentant le poids de son regard sur moi. Ses yeux scrutent les miens, cherchant peut-être à y déceler la vérité que je me retiens de partager. Son attitude est si décontractée...

Son regard commence à devenir pesant et me gêne de plus en plus. Je tente de me reprendre, je tente de garder ma peine en moi, de ne rien montrer. J'empêche mes larmes de couler, je m'interdis de montrer un quelconque sentiment.

Je tourne alors mon regard vers lui, et décide de profiter de la situation. 

- Je parlerais, mais vous devez me faire quelque chose d'abord. Lui dis-je. 

Toujours assis sur la chaise, il se penche en avant, un sourire aux lèvres.

- Voyons, que me veux-tu ?

- ... Il y a un homme, un soldat, j'aimerais que vous lui demandiez de revenir de la guerre. 

Il se met à un rire légèrement, me faisant ressentir d'étranges choses... Il ne ressemble pas du tout à Adriel. A part les cheveux noirs, ils n'ont rien en commun. Ni son sourire, ni son rire... Surtout son sourire et son rire. 

- Et qui est-il ? Ton amant ?

- Non, du tout. Il est le gendre de Safiya. J'ai rencontré son fils, un enfant. La seule chose qu'il m'ait demandé est de lui ramener son papa. Lui répondis-je, doucement. Et je lui ai dis que je demanderais au prince.

Je ne pouvais évidemment pas lui dire que c'est le subconscient de l'enfant qui me l'a dit, que lui donner un seul petit espoir avec une promesse était la seule voie possible pour sa guérison.

- Et tu l'as demandé à moi... tu savais aussi la réaction d'Adriel, hein ?

Je me tais car il a raison. Adriel n'a pitié de personne. Il pourrait me menacer avec ce sujet, il pourrait même aller jusqu'à faire du mal, non pas au soldat, mais à l'enfant, la mère, et Safiya. Je ne pouvais pas le permettre.

- Je ne peux pas dispenser un homme du combat, me dit-il en détournant le regard, des milliers d'enfants attendent leurs pères... je ne peux pas le privilégier.

Je me tais, sachant pertinemment qu'il a raison. Pourquoi lui, et pas un autre ? Si j'en avais le pouvoir, j'aurais réunis chaque père avec ses enfants... Mais je ne peux pas. Là, j'ai le pouvoir de permettre à un seul père de se réunir avec son fils. C'est mieux que rien, n'est-ce pas ?

- Tu souffres, même si tu ne veux pas me le montrer, me dit-il. Pourquoi t'occuper d'autre que toi ? Pourquoi penses-tu aux autres, maintenant ? Guéris, d'abord.

Je le regarde longuement. Malgré qu'il sache ce qu'il y a en moi, que ce que je ressens n'est pas une douleur passagère, je ne révèle rien. Si je veux être forte, je dois ignorer mes sentiments, faire comme s'ils n'existaient pas. Et aussi comprendre que ma vie est la chose la plus insignifiante qui puisse exister...

Je détourne lentement le regard. S'il ne veut pas m'aider, alors tant pis. Je trouverais une solution de moi-même. Depuis quand ai-je eu besoin de l'aide de quelqu'un, de toute façon ? Il n'y avait que mon père, et... et moi.

- Vous pouvez partir, votre Altesse. Je vais mieux, maintenant. Dis-je doucement. Je n'ai pas besoin que l'on me garde.

Il lève le regard sur moi et me regarde longuement. Il n'a plus cet air moqueur, arrogant ou peu importe. Cependant, il ne bouge pas. Il ne s'en va.

- Prétexter qu'il y a eu une erreur, et qu'il n'a pas les conditions requises pour la guerre pourrait fonctionner. Se chuchote-t-il.

Je fais les gros yeux, un lourd pois sur le cœur se retire. Je m'empêche de me réjouir, craignant avoir mal compris.

- Allez-vous le faire... ? Enfin, l'amener jusqu'à sa famille ? Demandé-je, avec une pointe d'espoir.

Il acquiesce.

- Je vais le faire.

Je soupire de soulagement, le sourire aux lèvres, incapable de contenir ma joie. Le petit Adam sera si heureux... J'aurais aimé le voir. Mais tant pis, l'essentiel est de savoir qu'un enfant retrouvera son père, qu'une femme retrouvera son époux, qu'un homme retrouvera sa famille au complet, et avec la belle surprise de la guérison de son seul fils.

Un sentiment d'envie me traverse, mais cela n'est que passager. Je me suis résignée à comprendre que tout le monde n'est pas destiné à avoir une famille. Peut-être que Dieu me permettra de retrouver ma mère, au Paradis. C'est mon seul espoir.

- Merci, votre Altesse. Dis-je, doucement.

Il se lève enfin, sans rien dire. Je n'y pense pas beaucoup, mais le prince a une famille... Une famille physiquement présente, mais au même temps, absente. Je n'ai jamais vu deux frères se détester autant que lui et Adriel, et je n'ai jamais vu un père aussi indifférent envers ses enfants autant que le roi.

- Je ne l'ai pas fais pour toi, me dit-il froidement, mais pour Safiya.

Je suis un peu surprise, mais je finis par hocher la tête. Je le savais, mais je ne pensais pas qu'il y avait un besoin de le préciser. Et puis, enfin, le prince s'en va aussi rapidement et silencieusement qu'il est venu. Simplement, il a oublié qu'il était censé m'aider, en échange de ma parole...

Tant mieux pour moi.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant