La Légende du Soleil et de la Lune

80.

Même si Kaelan a posé sa tête sur mes genoux et est resté silencieux, je savais qu'il n'avait pas dit tout ce qu'il avait à dire. Je l'ai laissé se calmer, et sa colère s'est dissipée. J'ai l'impression que son père l'épuise de plus en plus chaque jour, il se force à ne rien ressentir et cela suffit à le détruire. Il a besoin de ressentir. Et je le laisserai ressentir avec moi.

- Le roi de Stellae m'a envoyé une lettre... dit-il à voix basse. Il m'a assuré que nous resterons alliés contre le roi, mais... il m'enverra sa fille.

- Pour un soutien, ou pour plus ? Demandé-je.

- Pour le soutien, et pour le mariage. Répond-il. Il veut que je l'épouse.

Je détourne le regard. Va-t-il l'épouser ? Je sens quelque chose dans mon cœur... comme s'il était pincé. Je me sens... Je me sens jalouse. Je sais que cela devait arriver un jour, l'héritier doit se marier pour continuer la lignée. Mais... Je ne savais pas que cela me dérangerait autant.

Je l'envie.

- Regarde-moi, Aeryn.

Je respire profondément, puis je le regarde. J'essaie de ne rien montrer, ce n'est pas parce que nous avons eu un moment intime qu'il ressent quoi que ce soit à mon égard. Il se lève de mes genoux, et s'approche de moi.

- Je ne l'épouserai pas.

Mes yeux s'écarquillent légèrement. Pourquoi ne le ferait-il pas ? J'ai entendu dire que les princesses du royaume de Stellae sont les plus belles femmes du monde, avec leurs yeux et leurs cheveux d'or. Leur beauté est surréelle. Comme tous les autres hommes, Kaelan tombera amoureux d'elle dès qu'il la verra. Je ne peux pas rivaliser.

- Je n'ai touché et embrassé qu'une seule femme de toute ma vie, et je n'en ferai pas deux. Dit-il en plongeant son regard dans le mien. Et je pensais te l'avoir suffisamment montré hier soir.

- ... Il faudra bien que tu épouses une femme un jour ou l'autre. Nous... Nous nous apprécions l'un l'autre, mais est-ce suffisant ? Je ne peux pas t'épouser, je ne peux pas porter ton enfant et continuer ta lignée.

- Puisque tu en doutes encore, je pense que je n'ai pas fait du bon travail hier soir. Je ne t'ai pas assez montré à quel point je tenais à toi... dit-il, avec du désir dans les yeux. Je vais t'épouser, Aeryn. Sinon, je mourrai seul et j'emporterai ma lignée royale avec moi.

Je laisse échapper un léger sourire, mais ce ne sont que des mots. Dès qu'il rencontrera la princesse, je saurai s'il les pense vraiment. Je ne veux pas me faire trop d'illusions, alors je me prépare à le perdre. Il n'est pas amoureux de moi, après tout. C'est juste une petite attirance, une attirance passionnée... L'interdit est toujours si tentant, jusqu'à ce qu'il ne le soit plus

Et soyons réalistes... Les gens parlent depuis que le second prince s'est fiancé avec une femme du peuple. Ce serait une honte pour le prince héritier de m'épouser. Je ne suis pas noble, je ne suis pas princesse, je suis peut-être la guérisseuse, mais je ne suis pas aussi bonne que les princesses. Je ne peux pas comparer leur assurance, leur intelligence, leur beauté et leur puissance.

- Elle m'aidera à tuer le roi, et c'est tout. Je t'aurais bien laissé m'aider, mais je ne veux pas que tu te salisse les mains. Je veux que tu restes aussi pure et innocente que possible.

Mais je ne suis ni innocente ni pure. Si je l'étais, est-ce que j'imaginerais mettre mes mains sur le cou d'Adriel et le serrer jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer ? Est-ce que j'imaginerais des milliers de façons de mettre fin à sa vie ?

Je veux faire partie de sa vengeance. Et je vais faire partie de sa vengeance. Je ne le lui dirais pas afin qu'il ne puisse pas m'en empêcher, mais je vais me salir les mains. Mon père, Adriel, le roi... Ils y passeront tous.

- Aeryn ?

Je me suis figée un instant, avec un énorme mal de tête. J'entends des voix, je vois des images... Mes mains se mettent à trembler, et la réalité dans laquelle je me trouvais s'efface lentement. Je ne vois plus ma chambre. Je ne vois plus Kaelan.

- MENTEUR !

Une femme hurlait, pleurait. "Menteur, menteur, menteur", était tout ce qui sortait de sa bouche... Elle était à genoux et sa poitrine, son cœur, était couvert de sang. Un sang si noir, si terrifiant. Mais la vue de ce sang à lui seule avait pour effet celui d'un poison.

Sans bouger, l'homme face à elle tombe à genoux en hurlant de douleur, du sang coule de toute part, jusqu'à ce qu'il lâche ce qu'il avait en main. Une couronne... Elle est toute rouge, pourtant cela n'empêche pas la femme de tenter de l'atteindre.

Chaque fois que sa main approchait, le sol se fissurait encore plus. Finalement, elle n'a pu attraper la couronne qu'après s'être relevé, pris son courage à deux mains et a sauté au-dessus de la fissure.

Lorsqu'elle prend la couronne en main, un voile transparent se déchire, laissant apparaître face à elle un magnifique univers... Plusieurs étoiles filantes sont visibles, embellissant davantage le paysage.

"Que le monde s'agenouille face à vous."

Je lâche un hoquet de surprise, les yeux grands ouverts. Il n'y a pas de sens. Il n'y a aucun sens. Je ne comprends rien. Qui était cette femme ? Qui était cet homme ? Je tente d'y mettre du sens, mais je n'y arrive pas.

- Encore des visions ? Me demande Kaelan.

Je tourne ma tête vers lui, j'avais oublié qu'il était là...

- Il y avait du sang, Kaelan. Dis-je faiblement. C'est un mauvais signe...

- Ce n'est pas un mauvais signe, rétorque-t-il. C'est le signe d'une nouvelle guerre. Une guerre intérieure. Cependant, tout ce que tu voyais était du sang ?

- Non... il y avait une femme qui traitait un homme de menteur. Elle avait le cœur qui saigne mais elle n'est pas morte. Puis l'homme est mort, saignant de partout. Lui raconté-je. Cela n'a aucun sens...

Il ne dit rien. Il me fixe, son visage devenant légèrement pâle. Il me regarde comme si pour lui, cela avait du sens. Comme s'il avait compris le message caché derrière cette vision, cependant, il ne voulait rien révéler.

J'ai supposé que cela avait un rapport avec sa famille, alors je n'ai rien dis. Il faut que la mère de Kaelan m'entraîne à comprendre ces visions... sinon j'ai peur de rater quelque chose d'important.