La Légende du Soleil et de la Lune

11.

Lorsque mon père a vu que je ne bougeais plus, ne faisait aucun son, il a pris peur et m'a lâché, pensant qu'il m'avait réellement tué. Mes yeux ont croisés les siens un instant alors que j'étais au sol, et il n'avait aucune once de regret. Aucun remord.

Il est juste sorti, a fermé la porte de la maison à clé, et m'a laissé seule. J'ai simplement pris de quoi désinfecter mes blessures, ne voulant pas effacer totalement les cicatrices que ses coups me laisseront. Tant qu'elles seront sur mon corps, je me rappellerais de ce que mon père m'a fait.

J'ai guéris quelques-unes avec mes pouvoirs, mais la fatigue a pris le dessus. Je suis restée dans ma chambre, me recroquevillant sur mon lit, les larmes mouillant mon oreiller. Je fixe le mur face à moi, ne faisant pas un bruit.

Cela fait des heures que je suis dans la même position, je ne bouge que la tête lorsque j'entends quelqu'un ouvrir ma fenêtre. Des yeux bleus me fixent, me regardant de bas en haut. C'est le prince. Il ouvre la fenêtre et entre dans ma chambre.

- Aeryn ? Dit-il en s'approchant.

Malgré ma douleur, je tente de me relever. Je n'y arrive pas. Alors le prince se précipite et me vient en aide. Je ne voulais pas qu'il me voit ainsi, aussi faible.

- Je suis désolé, c'est de ma faute. Souffle-t-il.

Je ne dis rien, je m'assois seulement avec son aide. Je lève mon bras pour sécher mes larmes, je me force à le faire même si c'est douloureux.

- Il t'a déjà frappé avant ?

Je secoue ma tête. Non. Non, c'est la première fois. Et peut-être que cela ne sera pas la dernière fois. Un homme qui bat sa fille, sans même montrer un seul signe de regret peut recommencer. J'aimerais oublier. Tout oublier. Mais je n'y arrive pas. Je ne sais pas comment faire.

- Vous devriez partir... Dis-je d'une voix faible. Il vous verra, sinon.

Le prince ne dit rien. À la place, il se lève et ferme la porte de ma chambre à clé, puis il retourne s'asseoir à mes côtés. Je ne sais toujours pas comment il a pu rentrer par ma fenêtre, mais c'est le dernier de mes soucis.

- Il ne me verra pas. M'affirme-t-il. Et cette fois, je ne le laisserais plus t'approcher.

J'ai envie de le croire. J'ai envie de croire que quelqu'un est assez fort pour s'opposer à mon père... car je n'ai plus de force pour revivre ce que j'ai vécue aujourd'hui.

- Aeryn... tu sais, tu...

Il s'interrompt et scanne chaque parcelle de mon visage. L'atmosphère de la chambre a soudainement changé, quelque chose compresse mon cœur dans ma poitrine. J'ai envie de courir. Courir, mais pour aller où ?

- Tu es vraiment belle. Dit-il enfin.

Je cligne des yeux plusieurs fois. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour me faire des compliments. Il ne semble pas le comprendre puisqu'il me regarde intensément, en caressant mon visage avec sa main.

- Heureusement il n'a pas touché ton visage.

Je fais les gros yeux, tentant de réaliser ce qu'il vient de dire. Lorsque la réalisation me frappe, j'ignore la douleur et je dégage sa main de mon visage puis recule.

- C'est tout ce qui compte, votre Altesse ?

- Non... non, bien-sûr que non... balbutie-t-il.

Je détourne le regard, n'ayant pas la force de faire face à sa maladresse, ou ce qui s'en apparente en tout cas. Ces derniers jours où l'on s'est rapproché ne comptent plus, ils ne m'ont apportés que des malheurs.

- Vous devriez partir, lui suggéré-je. Je veux rester seule.

- Ce n'est pas une bonne idée, Aeryn. Rétorque-t-il. J'ai peur de te laisser seule, et que tu commettes une bêtise.

- Je ne ferais rien, si ce n'est reprendre des forces. Lui dis-je, tentant de garder mon calme. S'il vous plaît, partez. Partez, et ne revenez plus.

Il fronce les sourcils, confus. Il prend mes mains dans les siennes, refusant ainsi de m'écouter.

- Quel ami serais-je si je ne reste pas à tes côtés ?

- Je vous demande de partir. Répété-je. Tout cela est arrivé à cause de notre amitié, ne voyez-vous pas que le mal est bien trop grand ?

Il soupire, je peux le sentir se résigner petit à petit. Il allait se lever, avant que je ne grimace de douleur. La douleur s'est intensifié soudainement, me brûlant la peau. Je me plie en deux, tentant de prendre une grande inspiration.

- Aeryn ? Aeryn, tu vas bien ? S'empresse le prince.

J'inspire, puis retiens ma respiration un instant avant d'expirer longuement. Je hoche lentement la tête, gênée d'être vu ainsi humiliée, faible.

Le prince approche encore plus de moi, et pose sa main sur ma cuisse. À ce contact ferme, je ferme les yeux en gémissant de douleur, et grinçant des dents. Je lève un œil vers le prince, il me regarde intensément, se mordant les lèvres.

- Cela te fait mal, quand je touches ? Je te fais mal, Aeryn ?

Mais cela semblait comme une question, auquelle il n'attend aucune réponse. Les signes de douleur sont évidents, il veut simplement une confirmation.

Et son regard...

Il me regarde d'une façon inapproprié. Très inapproprié.

Et ses lèvres...

Il mord sa lèvre inférieur, en l'humidifiant parfois.

- Oui, soupiré-je.

Même si cela n'est pas très évident, je peux jurer voir un demi-sourire se dessiner sur son visage. Il me tient toujours la cuisse fortement, malgré mon effort de me reculer, et il me fixe toujours dans les yeux.

Comme s'il prenait plaisir à me voir dans la douleur.

Il s'approche d'un coup, et pose ses lèvres sur les miennes. Je n'ai pas réagis, au départ. Je suis restée figée, sous le choc. Et c'est lorsque j'ai réalisé que je me suis débattue. Je reculais, mais il me retenait. Je le rejetait, mais il continuait de m'embrasser de force.

Puis enfin, il s'éloigne. J'en profite pour me relever de mon lit, mais mes jambes sont trop faibles pour me porter. Je tente de les guérir rapidement avec mon pouvoir, mais c'est impossible. Je tombe au sol.

- J'en ai marre que tu me rejettes, dit-il d'une petite voix.

Il me rejoint au sol, en retirant sa ceinture. Mes larmes ont coulées sans que je ne l'aie remarqué. Il se pose au-dessus de moi et m'embrasse à nouveau. Je pleure encore mais il ne s'arrête pas. Alors pour me protéger de ce qui arrivera, je fais croire à mon corps que je le soigne entièrement, afin que je puisse m'endormir profondément, sans ressentir quoique ce soit...