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Le prince Kaelan n'a pas pu tenir longtemps, il a viré Adriel de son bureau, et a claqué la porte violemment. Je l'entends respirer rapidement, puis il prend une grande inspiration avant de se baisser à ma hauteur.

- Il est parti, tu peux sortir.

Je hoche la tête, puis sors de sous son bureau. Une fois debout, je vois à son visage qu'il ne va pas bien. L'envie de sortir et ne pas me retourner me vient, pourtant quelque chose m'empêche de bouger. Je le regarde seulement.

- Allez-vous bien ? Demandé-je avec inquiétude.

Il détourne le regard, comme s'il n'osait pas me regarder dans les yeux après ce que j'ai entendu. Je veux lui parler, le réconforter comme il l'a fait avec moi... Mais il fait tout pour faire comme si rien ne s'était passé.

- Vous n'êtes pas obligé d'aller bien, dis-je doucement, vous n'êtes pas obligé de toujours aller bien.

Ses yeux se tournent soudainement vers les miens.

- Vous avez le droit d'avoir des sentiments, mon prince. Avant d'être l'héritier, vous êtes un être humain. Si vous vous sentez mal, ce n'est pas grave. Vous n'avez pas à le cacher ou à en avoir honte.

- Je n'ai aucune raison de me sentir mal. Je ne suis attaché à personne, donc personne ne peut me faire de mal. Dit-il froidement. N'essaie pas de faire de moi le héros incompris et blessé de cette histoire.

- Ne l'êtes-vous pas, votre Altesse ?

Son regard s'est assombri, mais il y a toujours un reflet de quelque chose que je n'arrive pas à saisir... Je ne comprends pas comment, mais je sais qu'il ment. Ce n'est pas un sentiment, ni une supposition... Je le sais comme si j'avais accès à son esprit.

- Je ne le suis pas. Je suis même le méchant. As-tu déjà vu un méchant éprouver un autre sentiment que la colère ?

Je me rapproche de lui, je ne peux pas vraiment le contredire car je ne sais pas vraiment s'il est comme le disent les rumeurs, un homme cruel qui a massacré des villages et des innocents. Mais j'ai l'impression que tout est exagéré et que ce n'est peut-être qu'une technique pour effrayer les autres royaumes.

- Et si je vous disais que je ne vous vois pas comme un méchant ? Lui demandé-je, même si j'avais des doutes.

- Ne me mens pas. Je sais que c'est un mensonge.

- Si vous croyez que c'est un mensonge, alors j'attends quelque chose de vous. 

Il fronce les sourcils, ne comprenant pas tout à fait. 

- Je veux croire que vous n'êtes pas le méchant. Et je ne peux y parvenir qu'avec votre aide. Je veux que vous m'appreniez à vous faire confiance, que vous me montriez vos bons côtés, que vous me montriez que... Adriel est le plus cruel, pas vous. Même un peu.

Il écarquille des yeux, sans me lâcher du regard. Je vais sûrement regretter mes paroles, lorsque je retournerais seule dans ma chambre mais... cela me semblait être la bonne chose à dire. 

- Mon prince...

Il détourne immédiatement le regard, et je discerne une certaine et légère rougeur sur ses joues qu'il tente de dissimuler.

- Ne m'appelle pas ainsi, dit-il d'une petite voix.

Je fronce les sourcils, confuse. Je ne sais pas ce que j'ai dis de mal, mais il semble gêné. Je fais un pas en arrière, pensant être allé trop loin... Mais lorsqu'il le remarque, il m'attrape par le bras et m'approche davantage de lui.

- Comment peux-tu être persuadé que j'ai du bon en moi, quand moi-même, je n'y crois pas ? Me demande-t-il, doucement.

Je souris tendrement, et le regarde droit dans les yeux.

- Le soleil est une boule de feu, il ne permet à personne de l'approcher au risque de les brûler, et il n'autorise personne à le regarder trop longtemps. Cependant, il ne sait pas que sa chaleur nous apporte parfois du réconfort, et qu'il ne suffit que de lui et sa lumière par moment pour égayer nos journées. Lui dis-je en souriant légèrement. Vous êtes le soleil, votre Altesse. Vous êtes dangereux, mais parfois...

- Parfois ? Demande-t-il, curieux de connaître la suite.

- Parfois, vous êtes un bon compagnon.

Il me regarde intensément, sans répondre. Comme un aimant, nos corps s'approchent lentement l'un de l'autre. Il reste encore de la rougeur sur ses joues, et un soupçon de douceur dans son regard. 

Ton âme est-elle aussi belle que tes yeux ?

J'ai vraiment envie de croire qu'il n'est pas cruel. J'ai vraiment envie de croire que ce n'est qu'un masque qu'il porte. A vrai dire, je ne sais pas pourquoi je le veux autant, car il n'est rien d'autre que le frère de mon fiancé, mais je le veux tout de même.

Je remarque notre soudaine et dangereuse proximité, alors je recule, gênée.

- Mon amie doit m'attendre... Je... Je dois y aller, dis-je timidement.

Je m'approche de la porte, et alors que j'allais l'ouvrir, je me fais interrompre.

- Aeryn, dit-il avec une voix rauque.

Je me tourne vers lui, mon cœur battant la chamade, appréciant entendre à nouveau mon nom de ses lèvres.

- Tu es la seule, dit-il doucement, à vouloir réellement voir le bon en moi.

Je me fige sur place, la chaleur me montant aux joues. Il n'aurait pas dû me dire cela, je vais faire que d'y penser pendant un long moment... Et je ne veux plus partir, je veux continuer à lui parler, mais je le dois. Si je reste, je risque de me perdre. Et je ne peux pas me permettre cela.

Le chemin du retour vers ma chambre, je le passe perdue dans les nuages. J'ai l'impression que mes pas sont légers, et tous mes soucis ne pèsent plus sur mon cœur. Je ne veux plus pleurer, je ne veux plus me souvenir de mon père, je ne désire plus rien de négatif... Ce petit moment avec le prince a rechargé mon âme.

Et il semblerait que j'en avais bien besoin sans même le savoir.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant